20 avril 2013

Pas de deux

Ce que j'ai retenu du tango - au tout petit niveau qui est le mien : c'est un miroir redoutable de notre relation au corps, à l'autre et à nous-mêmes. Impossible de danser sans s'accorder ; et de s'accorder sans une profonde et réelle écoute de soi et de l'autre...

Impossible de danser sans être étroitement connectés, et pourtant chacun dans son espace propre : il ne s'agit pas de s'effondrer sur l'autre ou de se laisser porter, pas davantage de le contrôler ou de faire à sa place... c'est parce que l'un et l'autre sont capable de se tenir de manière autonome, d'équilibrer présence habitée et respect de l'espace de l'autre que la danse est belle, fluide.

Il s'agit cependant de faire confiance - d'accepter une intimité sensuelle, la rencontre avec l'inconnu. Il m'a fallu beaucoup de temps pour accepter d'être invitée par des danseurs que je ne connaissais pas, moins en raison de mon niveau que de ce qui se joue dans ce temps d'accordage... ou non, dans lequel je retrouve toutes mes appréhensions et fragilités en l'espace de quelques minutes - et pour ce que j'en ai observé, le révélateur est le même pour tous : dis-moi comment tu danses... (aussi apprendre en couple me semble un exercice hautement périlleux !)

Je danse nettement mieux lorsque je suis en confiance (et si je ne connais pas je préfère danser "ouvert", à distance) ;  et je me vois bien ne pas prendre le risque, privilégier le lien déjà établi à l'expérience nouvelle - alors même que la surprise est parfois bonne ! J'ai bien trop peur que l'autre ne me juge, ne me lâche, ou n'assure pas ma sécurité - même en confiance, les figures qui exigent d'accepter que l'autre me rattrape, me retienne sont à ce jour quasi impossibles pour moi.

Dans le tango, je suis au cœur des débats contradictoires et houleux entre ma tête (et il y a tant de "bonnes" raisons de rester dans la tête : penser à lancer plus loin la jambe en arrière, à rassembler les chevilles, garder une posture juste, rester en équilibre...), mon corps (ami ou ennemi ? suivra, suivra pas ?) et mon cœur (fermer les yeux, ne surtout pas chercher à comprendre et encore moins à anticiper...m'abandonner).

Dans le tango, je suis comme nue : parce que je ne maîtrise pas suffisamment la danse pour jouer, me dissimuler derrière les codes de la séduction ; c'est inconfortable, exigeant, et pourtant passionnant - lorsque la danse s'arrête, je n'ai qu'une envie c'est : encore ! Ré-essayer, être ravie quand le temps de quelques pas, ça passe, je vole...

Dans le tango, je suis heureuse, parce que j'y retrouve des gens que j'aime, et un monde dans l'homme guide et protège, dans lequel la femme écoute et accompagne - un monde que je vis comme un espace de complémentarité et non de lutte, un espace de récréation, et j’espère  lorsque j'aurai avancé, de co-création.

Incroyable, comme écrire sur le tango me rend (trop) sérieuse, presque grave ? Heureusement, il y a aussi la zumba  : fiesta latina loca, Elsa a testé et approuvé ce matin !