31 mai 2014

Île de Beauté(s)

Lorsque j’ai commencé à apprendre la voile, je venais juste de me séparer – et mon objectif était, d’être à la barre de mon propre bateau. Après deux années et demi à tenir la barre plus ou moins seule, je constate que, dans la vie comme en navigation, être une équipière polyvalente est peut-être une perspective plus douce ! Etre en mer, cette semaine plus particulièrement, aura été reposant : laisser glisser de mes épaules mes identités de femme en cours de divorce, de mère, de psy, pour juste me laisser porter par l’eau qui berce, le groupe qui entoure, le stage qui rythme, quelle chance (chance négociée tout de même : dégager le temps, l’argent, donc faire des choix)...

De stage en stage, il est de plus en plus question de retrouvailles – un rendez-vous amoureux deux fois l'an.

Retrouver la jubilation d’être à la barre au près – mon grand moment préféré, ici avec la cerise sur le gâteau : retour vers Bonif’ avec Alex Hepburn dans les voiles, Shut your mouth Miss Misery, I’ll shoot you down just you wait and see…

Retrouver l’ambiance des ports, les levers et couchers de soleil sur l’horizon, les petits bruits du bateau, les apéros prolongés, et quelques frustrations : je n’ai toujours pas intégré la chronologie de la prise de ris, la préparation des manœuvres de port (ou du mouillage) sonne à mes oreilles comme une langue étrangère - et rebutante, et… il m’arrive encore de me battre avec les nœuds de taquet (je sais, c’est mal). A côté de ça, j’ai dépassé ma trouille du point en mer et de la règle Cras, je crois que je saurais changer une voile d’avant toute seule, et j’ai commencé à apprivoiser la marche arrière au moteur. 

Retrouver Yves comme chef de bord (il y faudrait un billet entier – sensibilité, humanité, générosité, pédagogie blanche, sentiment de sécurité), découvrir ses amis (dont un amiral au grand cœur), croiser la route de Max, recevoir un message de Charles à bord de son Inuit…  

Retrouver tous les plaisirs de la convivialité : se régaler de fromages et de charcuterie corses, déguster une petite caïpirinha maison au mouillage (une compétence indispensable à bord, merci Thierry). Et rire. Chaque jour. Ce qui n’a pas de prix.

Retrouver la Corse, à l’origine de mon rêve de voile - Mai fut plus frisquet que prévu, mais la réputation des Bouches de Bonifacio est méritée : du soleil, du vent, peu de houle – conditions optimales, et paysages paradisiaques. 

Et, plus fort encore, retrouver l’imprévu : un dialogue franco-germano-italien à coups de chansons au mouillage (je n’entendrais plus jamais Bella Ciao de la même façon), la vue à couper le souffle en haut du fort de Bonifacio, le petit port plein de charme de la Maddalena, une page d’histoire sur la fondation de Carthage dans une pizzeria sarde, la baignade dans une eau turquoise à la Cala Brigantina (et l’arc-en-ciel entraperçu au lever du soleil, comme un cadeau supplémentaire).