29 mars 2015

Tolérance et singularité

J'avais très envie de voir Dear White People. Et puis en sortant, je me suis demandé comment on pouvait espérer démonter les stéréotypes en les enfilant avec cette constance : les petits blancs sont des trous-du-cul arrogants, la passionaria de service a des états d'âme liés à son identité de métisse, le directeur de résidence universitaire est noir mais à la botte du Président blanc bien qu'évidemment plus intègre que lui, l'unique chevelu afro est gay, etc. 

Déçue, j'étais ; mais aussi en butte à la question qui se pose dès que l'on aborde le thème de la différence : y a-t-il une position juste ? un discours juste ? Peut-on ne rien dire ? Peut-on dire quelque chose sans froisser l'autre, dont ne nous savons pas où il se situe sur toute la gamme des positionnements identitaires possibles ? L'idéal de l'absence totale de préjugés est-il tenable, humainement réaliste ? Non, bien sûr... Faut-il préférer la curiosité maladroite, le politiquement (trop) correct ou le silence assourdissant de la différence déniée ?

Même problématique sur les questions de genre, d'orientation sexuelle, de handicap, de culture, de religion... Hors non seulement du contexte, mais d'une connaissance singulière de l'individu singulier qui nous fait face, comment savoir ? Et par conséquent, en parler en groupe, ou face à un groupe : mission par définition impossible ?

Le geek chevelu se voit appeler par le jeune homme dont il rêve depuis des semaines "ma p'tite barre chocolatée" et... il prend la fuite, exaspéré. Et s'ils avaient été blancs tous les deux, et que l'autre l'avait appelé "mon sucre d'orge", aurait-il réagi à l'identique ? "Ma p'tite barre chocolatée" est-il insultant ? Dire quelque chose à l'autre de ce qui nous attire, quand bien même ce serait précisément sa différence, est-il injurieux ? 

La soirée "noire" organisée par l'université est-elle raciste ? Bien sûr, dans le contexte du film, elle l'est, et elle est même spécialement odieuse ; mais dans un autre contexte, ne pourrait-elle pas se vivre sous la forme de l'humour, et même, de l'auto-dérision ? Est-il permis de rire de sa propre différence, de celle des autres - et avec qui ? 

Bref, pour me nettoyer les neurones, le lendemain, je suis allée voir le rafraîchissant "A trois, on y va". Que j'ai trouvé délicieux, ouvert et rieur. Avec des filles dont on ne se demande pas quelle est l'orientation sexuelle parce que ce n'est pas la question et qu'on s'en fout, avec une forme de relation à trois inventée au jour le jour qui fait du bien, à se poser si peu de questions pour simplement être ce qu'elle est : une histoire d'amour.