Semaine de reprise chez les étudiants - mais qu'est-ce que j'ADORE ce job, la diversité des profils, ces petits prodiges cultivés et fragilissimes qu'il s'agit d'apprivoiser dès la première rencontre - si l'interlocuteur ne va pas à leur vitesse, ils abandonnent - c'est un challenge à chaque nouvel étudiant... et certains lundis matin, c'est un peu raide pour moi au démarrage : est-ce que je peux d'abord reprendre un café s'il vous plaît ?
Souvent au-delà du scolaire ou du familial, ce qui permet de les accrocher, et qui parle d'eux bien mieux que leur pedigree académique, ce sont leurs centres d'intérêt, tout l'extra-scolaire, les œuvres artistiques, livres, films, musiques, les engagements militants ou les rencontres - qui les ont marqués... et là ça devient passionnant.
Depuis ce seul lundi, il y a eu - entre autres :
- ce touche-à-tout génial et ultra-engagé qui vient confier son angoisse face à un sentiment de persécution qu'il identifie, à juste titre, comme délirant (ce qu'il faut de confiance pour oser s'en ouvrir...)
- cette jeune femme sortie d'une seconde hospitalisation , enfin impliquée dans les soins, qui a eu cette intuition d'adopter un chien - prendre la responsabilité d'un être vivant pour mieux s'accrocher à la vie
- cette autre en double cursus qui arrive ultra-défendue, parle avec un débit de mitraillette mais laisse entrevoir peu à peu à la fois une souffrance profonde et une créativité artistique, un militantisme bien présents
- ce jeune homme apparemment bien dans sa peau qui confie sans ambages ses difficultés sexuelles et fait le lien, dans l'espace de cette première rencontre, avec une histoire transgénérationnelle de violence du masculin
- cette jeune autiste Asperger chinoise, qui force le respect par sa capacité d’adaptation et d'apprentissage de codes sociaux qui n'ont pourtant rien d'évident pour elle
- cette flamboyante étudiante d'une université prestigieuse dont la violence sous-jacente me glace, au-delà de son apparence et, pour le coup, de sa parfaite maîtrise des codes de son milieu
- cet étudiant chinois anglophone, dont j'ai déjà parlé, qui interroge ses limites relationnelles face à un potentiel directeur de thèse qui fonctionnerait un peu trop comme lui - ces petits virtuoses des maths ultra-rapides intellectuellement mais socialement démunis, potentiellement agressifs lorsqu'ils sont submergés émotionnellement
- cet amoureux de Rimbaud en transition entre deux universités, qui ne dépend plus de notre service mais revient faire le lien avant la prochaine consultation avec son psychiatre, estimant à raison que le filet de sécurité n'est pas assez resserré au vu de l'intensité de sa détresse
- ce "petit" nouveau - 13 ans en lycée plus qu’élitiste, 20 ans en M2 d'un domaine scientifique ultra-théorique, QI qui crève le plafond, et une solitude absolue car tellement incompris de son entourage depuis toujours...
C'est un privilège, de travailler avec et pour eux. Pour cela aussi, gratitude !