Supprimer l'oppresseur revient à nier le problème, mais non à en trouver la solution. Car les hommes sont NOS hommes. Toute la difficulté tient dans l'usage de l'article ou du pronom. De défini/lointain au possessif/commun. (...) Nous aimons nos hommes, leur compagnie, leur corps, leur sexe. Nous aimons avec eux l'échange intellectuel, le jeu existentiel (...).
Les outrances de l'ère zéro du féminisme répondaient à un besoin de société. Mais elles ne pouvaient se prolonger au-delà du temps et de la démesure sans troubler notre propre histoire. Ce désordre massif se révéla porteur d'autres désordres féconds. Mais exiger une égalité totale, donc réductrice, ajouta l'excès à l'excès. La femme n'est pas l'homme et l'un n'est pas l'autre (...)
L'égalité ne prend son sens humaniste/féministe que dans la suppression de la hiérarchie. Et non par la disparition des différences.
Gisèle Halimi, Le lait de l'oranger