28 février 2025

Diagnostic

Ce n'est pas, et heureusement, le deuil d'un "mieux" possible. Mais c'est sans doute celui d'une vie "normale" - et c'est le nombre de petits deuils intermédiaires qui en découlent. En même temps, ce serait quoi, normal ? Et est-ce que notre vie a jamais été normale, depuis dix ans ou plus de toute façon ?

C'est encore bien plus d'incertitude, dans un monde qui l'est déjà tellement, incertain... ou trop de certitude, sur le fait que maintenant, il n'y a plus d'autre horizon que d'adapter. De s'adapter. D'inventer. D'anticiper - mais en même temps, anticiper quoi, et comment ? Admettre que les possibles se restreignent. Mais aussi qu'il est trop tôt pour entrevoir ceux qu'on avait pas encore envisagés.

Accepter de regarder en face les peurs les plus vertigineuses, et d'affronter nos solitudes, sans le soutien régulier d'un père pour Elsa, d'un compagnon pour moi. Qu'est-ce qu'il change, ce diagnostic, et même, qu'est-ce qu'il signifie ? 

Il est si difficile à cerner ce handicap invisible, dont les contours changent d'un jour à l'autre, parfois d'une heure à l'autre, sans anticipation possible. Si difficile à vivre, et si difficile à expliquer, tant il entraîne des décalages et des incohérences, un grand écart permanent entre maturité intellectuelle et empêchements fonctionnels, créativité tout azimuts et fatigue écrasante, finesse relationnelle et limitations sociales...

Nous sommes probablement encore loin d'en mesurer les implications... qui de toute façon évolueront au cours du temps. Pour le moment il s'agit de trouver la force de rassurer, de tenir, d'accompagner, et de trouver des raisons d'espérer. C'est le moment d'avoir foi - c'est si beau, d'avoir la foi.

Anges gardiens

Et puis ce matin au milieu des consultations, il y a ce message audio de notre responsable d'équipe médicale à qui j'ai confié hier ce qu'Elsa et moi nous traversons, parce qu'évidemment ça impacte ma présence  - un message qui me remercie de la confiance que je lui fais, redit son engagement pour le bien-être de toutes et propose du soutien en cas de besoin. Une équipe qui va bien et où nous veillons les unes sur les autres - "N’hésite pas, on est là"- c'est un privilège si rare, et une telle chance en ce moment pour moi...

Un message qui nomme aussi, et c'est peut-être plus précieux encore, ce que j'apporte à cette équipe, à cette clinique, aux étudiants que nous suivons - et qui ce faisant me redonne mon identité de soignante, une reconnaissance de ma compétence et de mon expérience, et une raison de continuer à être là - ce qui me vient c'est cette expression anglaise, to show up - de me manifester, de me présenter dans ce que je suis. Je l'ai écouté deux fois d'affilée - ça m'a émue aux larmes...

Et puis dans ma boîte mail j'ai trouvé ça : 

"(...) Tu travaille comme psychologue indépendante (c'est ton métier, non ?) Ne gaspille pas ton énergie à te battre avec ton ex. C'est de l'énergie négative. Fais ce pour quoi tu est douée et développe-le. C'est là que réside ta force. Peut-être tu peux développer des choses commercialement dans ton domaine. (Aide aux parents avec des filles autistes ? Une association ?) Think outside the box. Chaque inconvénient a son avantage. Tu vas trouver des solutions. Fight like a girl 😃- If you want someone to brainstorm, I am here.

Si ta situation (ou d'Elsa) devient vraiment pénible tu peux frapper à la porte. Je ne fais aucune promesse mais peut être je peux aider."

...et re-sourire embué. Yes.  

Cette guerre

J'espère j'espère que tu vas la gagner cette guerre cette guerre celle dont tu parles à personne (...)

Faut la mener cette guerre même si tu la perds même si tu la termines même quand c'est la paix faut la mener cette guerre même si tu la perds même si c'est la dernière même quand tu la tais moi j'te reconnais entre nous on s'reconnaît entre nous nous qui traînons nos mal-êtres incognito dans le pub nous qui pensions ne pas l'être mais nous qui sommes fucked up nous qui purgeons nos colères en courant chaque matin qui soûlons nos chagrins nos douleurs dans le vin et la peur de la mort on la transforme en effort on l'évacue on l'évacue on l'évacue dans le sport tu règles rarement tes problèmes alors pour oublier tu cours et tu rêves de pause et de trêve de ranger ton glaive et ton bouclier (...)

D'abord on se promet d'arrêter d'arrêter de quoi ça dépend pour qui de quoi on se promet d'arrêter de le voir de fumer de boire arrêter l'espoir d'une rencontre rare dissipant le noir qu'on broyait personne ne va te sauver on se sauve tout seul tu peux te faire aider mais on se sauve tout seul (...)

C'est pas grave si tu le caches mais sache que tu n'y arriveras pas sans tache non tu n'y arriveras pas sans que ça se voie tu n'y arriveras pas sans clash non (...) tu n'y arriveras pas sans que tu nous l'avoues un peu  y a que ceux qui font rien qui feront jamais de bêtises y a que ceux qui font rien qui feront rien que juger pendant que toi tu combats tu reçois t'organises pendant que toi t'as tenté t'as perdu t'as gagné t'as reçu t'as donné t'as rendu t'as paumé t'as déplu t'as brillé t'as rien pu t'as raté t'as tout vu t'as coulé t'as trop bu t'es tombé t'as tenu des années t'as craqué t'as rien dit t'as menti tu t'es repris et tout seul dans la nuit t'es reparti dans ta guerre (...)

J'espère j'espère que tu vas la gagner cette guerre cette guerre celle dont tu parles à personne (...)

Ben Mazué

27 février 2025

J'avoue, j'hésite.


21 février 2025

De l'air

 
Je comprends bien le concept, du séjour de répit. Pour les aidants comme pour les aidés : s'éloigner de la ville, du bruit, de l'agitation, des charges mentales personnelles et professionnelles - et souffler dans un environnement paisible et chaleureux. Avec des gens bienveillants, des animaux, des arbres, de la verdure - de belles rencontres, Guilou toujours, Bo et sa fille à nouveau. Nous n'avons rien fait d'autres que quelques balades, deux ou trois brocantes, de la lecture, du papotage, et c'était parfait comme ça. 

...où elle pourrait sourire sans soupir et qu'on lui donne enfin de l'air... qu'elle s'abreuve sans fin de l'air... (Olivia Ruiz, De l'air)

Ah, je suis aussi revenue avec un petit kilo de plus, la faute à la sainte Trinité confit-magret-foie gras... (on ne peut pas être végétarien dans cette région) !

16 février 2025

"But when you touch me like this..."

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, cette semaine j'aurai dîné dans le noir avec un prof de philo burkinabé, déjeuné au Luxembourg avec un océanographe, mangé de la tartiflette avec un trio de super nanas avec lesquelles nous avons beaucoup ri de nos expériences sur les applis de rencontres, pleuré toute seule dans ma bière le soir de la Saint-Valentin - tout ça pour passer la nuit de samedi à dimanche dans les bras de Samir, parce que, malgré tout ce qui rend cette histoire de plus en plus impossible, c'est toujours là que j'ai envie d'être.

Ou : "On n'a pas le cul sorti des ronces", selon une de mes expressions favorites. 

04 février 2025

Illuminations


La visite de l'exposition Frison-Roche au Collège des Bernardins ce mardi, la journée de respiration holotropique le vendredi suivant, deux moments de connexion avec la dimension spirituelle. Les oeuvres de Frison-Roche sont inspirées, fascinantes non seulement par leur beauté - cette palette de bleus-verts et ors ! mais par leur profondeur, comme si leur auteur était touché par la grâce, intimement en contact avec l'invisible. Et dans l'exercice et le lâcher-prise du souffle, s'ouvre aussi une porte vers d'autres mondes, intérieurs ou supérieurs - après avoir littéralement expulsé l'ombre accumulée ces dernières semaines, ce fut une jolie surprise de découvrir Marie - en l’occurrence, sous la forme de la Guadalupe, au pied du matelas, en revenant à moi...