Une boîte à musique trop ancienne, qui égrenne une mélodie que plus personne n'a le coeur d'écouter encore... les feuillets jaunis d'un orgue de Barbarie dont les notes imperceptiblement ralentissent, jusqu'à la dernière. Cette mélodie qui me serre le coeur, c'est la voix de ma grand-mère, qui dévide sans fin la même plainte usée, les mêmes histoires désincarnées qui viennent témoigner de la faillite progressive de la mémoire, du corps qui trahit, du rétrécissement de l'espace, de la vue qui se brouille au sens propre comme au sens figuré.
Elle a ce qu'il est convenu d'appeler une belle vieillesse... une dame âgée mais autonome, sensée, soignée, à l'abri de tout souci matériel et épargnée par les handicaps du grand âge. Elle a ce qu'il est convenu d'appeler une belle vieillesse - mais je guette l'instant toujours plus rare d'un vrai regard, d'un sourire franc, d'une parole habitée - mais j'entends la mélodie qui s'éloigne, comme une absence avant l'absence.