Nous l’appellerons L. Elle a seize ans, elle est enceinte, adressée par l’assistante sociale de son collège – elle raconte une étrange histoire de soirée au cours de laquelle elle se serait fait agresser – elle ne se souvient plus de rien, sa grossesse est une conséquence de cela, voilà tout. Elle semble très adulte pour son âge, se veut rassurante, et je pointe très vite qu’il lui est sans doute difficile de faire confiance, à l’assistante sociale comme à moi. Elle acquiesce, entrouvre une porte sur les adultes jamais fiables, laisse entrevoir des démêlés précédents avec les services sociaux mais ne s’étend pas sur la question.
Elle est charmante, tranquille en apparence, et… complètement isolée. Dans l’obligation de choisir un référent majeur pour l’IVG, elle désigne une vague tante qui, fait exceptionnel, sera disqualifiée par l’équipe hospitalière qui l’accueille. Je pense un temps à prendre à titre personnel la responsabilité de l’accompagner… mais elle revient au RV suivant avec une copine majeure – je croise les doigts pour qu’elle ne lui fasse pas faux bond. L’assistante sociale, à qui j’avais demandé de m’éclairer davantage sur la situation avant de me décider, livre peu à peu des éléments de plus en plus préoccupants – situation irrégulière, hébergement chez une femme qui n’est pas sa mère mais qui a sur elle l’autorité parentale, elle-même sans-papiers, et qui lui fait élever ses propres enfants, la maltraite, probablement ; nous avons l’une et l’autre l’intuition que la soi-disant agression anonyme pourrait être une façon de couvrir… le compagnon de cette femme. Il y aurait des antécédents semble-t-il…
La question n’est plus alors de savoir s’il faut faire un signalement ou non : il faut, de toute évidence. La question, c’est de savoir comment le préparer ; comment ne pas rompre le fil très ténu qui la relie à nous, comment lui redonner confiance dans la possibilité d’être protégée, ré-intégrée à sa place de très jeune fille – alors même que la loi nous oblige à révéler ce qu’elle estime relever de sa vie privée. Sa conviction, est qu’elle se protège en se livrant le moins possible ; notre souhait, serait de lui ouvrir un espace de parole et de protection ; mais à cette enfant grandie trop vite, qui raisonne comme une adulte, comment le proposer ?
Elle est charmante, tranquille en apparence, et… complètement isolée. Dans l’obligation de choisir un référent majeur pour l’IVG, elle désigne une vague tante qui, fait exceptionnel, sera disqualifiée par l’équipe hospitalière qui l’accueille. Je pense un temps à prendre à titre personnel la responsabilité de l’accompagner… mais elle revient au RV suivant avec une copine majeure – je croise les doigts pour qu’elle ne lui fasse pas faux bond. L’assistante sociale, à qui j’avais demandé de m’éclairer davantage sur la situation avant de me décider, livre peu à peu des éléments de plus en plus préoccupants – situation irrégulière, hébergement chez une femme qui n’est pas sa mère mais qui a sur elle l’autorité parentale, elle-même sans-papiers, et qui lui fait élever ses propres enfants, la maltraite, probablement ; nous avons l’une et l’autre l’intuition que la soi-disant agression anonyme pourrait être une façon de couvrir… le compagnon de cette femme. Il y aurait des antécédents semble-t-il…
La question n’est plus alors de savoir s’il faut faire un signalement ou non : il faut, de toute évidence. La question, c’est de savoir comment le préparer ; comment ne pas rompre le fil très ténu qui la relie à nous, comment lui redonner confiance dans la possibilité d’être protégée, ré-intégrée à sa place de très jeune fille – alors même que la loi nous oblige à révéler ce qu’elle estime relever de sa vie privée. Sa conviction, est qu’elle se protège en se livrant le moins possible ; notre souhait, serait de lui ouvrir un espace de parole et de protection ; mais à cette enfant grandie trop vite, qui raisonne comme une adulte, comment le proposer ?