10 février 2010

Dans le mille

Suis toujours étonnée de la façon dont les livres nous tombent entre les mains, au moment juste.

Quand des pertes significatives éveillent, chez l'humain, ces trébuchements de l'être et ces oscillements entre vivre et mourir, il faut qu'un autre soit là, comme au commencement. Non pas pour faire cesser les mouvements de cet univers binaire, mais plutôt pour prendre la mesure de leurs contraintes psychiques et des dangers imaginaires non actuels qui les agitent (...).

Mais si la fille peut se résoudre à renoncer à la position phallique, elle est gagnante, dans la mesure où elle a la possibilité de se défausser sur la fonction phallique masculine en se disant : "S'il se tient droit, je n'ai pas à le faire." Elle peut alors s'identifier à l'homme qui se tient et qui a quelque chose qui se tient, un destin possible de la position féminine étant de transmettre son phallisme à l'homme désiré.

Ouriel Rosenblum, Le maternel, l'enfant merveilleux de la féminité

Corps et psychisme pulsionnel : je me construis et m'étaye bien en effet sur et à partir de cet Autre social et familial d'une part et d'autre part sur le somatique (...). Bien sûr, cet Autre doit répondre, à côté des besoins physiologiques, à mon besoin de sécurité psychique, c'est-à-dire soulager la souffrance, protéger des oppressions, tempérer les émotions, et en accord avec mon rythme.

Tout cela est suffisant pour me permettre des conditions suffisamment bonnes de survie. Pas pour devenir un sujet humain, c'est-à-dire vivant et désirant.

C'est l'apport de Freud d'avoir su trouver qu'il n'existe pas de sujet sans Autre du désir, de l'amour et du plaisir (...).

La succession des stades qui me permettraient, par simple maturation, d'arriver à un moment où je saurai m'y prendre avec l'amour, le désir, les autres, où je deviendrais opérationnel : tout ceci n'existe pas. C'est même le choc de la désillusion adolescente (...).

Et, toujours à propos du travail avec les adolescents :

Et on se retrouve à devoir entendre une polyphonie peu représentable et dont la mise en mots directe paraît quasi impossible. Ici reparaît l'infans, comme celui qui ne peut pas parler parce qu'il y a trop à dire et à penser. Car à qui s'adresse-t-on (...) ?
- A celui qui est encore sonné et laissé sans voix par le coup du pubertaire ? Cette génitalisation qui transforme le corps, périme les instances psychiques et les théories sexuelles datant de l'Oedipe, et rend inopérantes les défenses face aux pulsions d'inceste et de meurtre ?
- A celui qui est meurtri par les séquelles anciennes infantiles des attaques désubjectivantes des maltraitances ?
- A l'enfant que ses parents ont laissé tomber, incapables de contenance autrefois et aujourd'hui ?
Une seule bouche pour trois voix, ce n'est pas assez.


Patrick Ayoun, Recoupements