06 avril 2018

Mal à l'âme

Parfois je me demande si une maladie du corps ne serait pas moins douloureuse que cette souffrance de l'âme. Parfois j'imagine, bien à tort, que l'ennemi serait plus facile à cerner, à combattre, que nous aurions à notre disposition des protocoles, des antalgiques, des statistiques - et pas ce monstre informe et hors de toute temporalité prévisible. Que même le risque vital serait plus facile à envisager - car délivré de l'aléatoire, de l'insensé, de la culpabilité. Qu'un handicap physique, mais qui n'altérerait pas la capacité de penser, ni celle de ressentir, et la possibilité de projets, serait infiniment plus simple à accompagner.

C'est débile. Il n'y a qu'au cinéma que les humains gravement atteints dans leur corps restent lucides, profonds, et même, soyons fous, joyeux et sages. Et que leurs proches sont à leur tour exemplaires. N'est pas Mistral gagnant qui veut. Bien sûr, que l'angoisse et la dépression s'ajoutent le plus souvent au drame en cours, pour la personne malade comme pour son entourage. Et la médecine du corps souffre tout autant d'impuissance et d'incertitudes que celle de l'âme.

Alors quoi, de quoi ça parle cette question cependant récurrente chez moi (avec sa jumelle de chagrin, "mais pourquoi elle et pas moi") ? D'une colère, probablement, d'une révolte devant l'insaisissable, et aussi de la solitude spécifique à ces maux - pour celui ou celle qui en souffre, pour les proches eux-mêmes traversés par ces mouvements d'angoisse indicibles, invisibles - et face à l'entourage pour lequel il n'y a pas toujours de mots pour expliquer, ou rassurer, impossible de se raccrocher à une cause, un pronostic, une stratégie thérapeutique éprouvée. Peut-être n'y a-t-il pas d'autre voie de passage que le lâcher-prise...

Un lâcher-prise sans abandon, ni résignation - une longue patience... ce n'est pas ce que je sais faire le mieux. C'est peut-être l'occasion d'apprendre. Peut-être que nous en sortirons grandies, Elsa et moi. Qui sait ?