03 avril 2018

Rien qu'une fois (2)

Je sais. Que guérir prend du temps, et que, comme les progrès des tout-petits et la croissance des végétaux, cela ne va pas sans allers et retours, sans phases de palier, sans régressions parfois. Je sais que notre regard est essentiel, et m'efforce à chacun instant de valoriser les petites avancées - et il y en a, de souligner l'évolution, de soutenir chaque initiative. De penser projet, étapes, toujours ; d'envisager un plan B pour chaque plan A. D'aménager le temps au mieux, parfois au détriment de mon travail, généralement au mien, et trop souvent à l'arrache - consultations annulées, allers-retours en urgence, encore heureux que j'aie des employeurs exceptionnellement compréhensifs. De garder sang-froid ET bienveillance, recul ET tendresse, et l'oeil sur le verre à moitié plein - même si je suis parfois bien tentée de le vider d'un trait et de m'en resservir un aussi sec.

Parce que... aucun parent ne devrait être confronté des mois durant au désespoir et au désir de mort exprimé par son enfant. C'est juste inhumain... C'est juste inhumain chaque élan d'espoir si vite fracassé par une rechute, un refus, un recul. C'est juste inhumain l'impuissance, et l'impossibilité d'arrêter ce qui circule avec les seuls outils de la raison et de l'envie de faire au mieux. Et ce qui m'est le plus insupportable, c'est de voir et de sentir la bonne volonté d'Elsa, de la voir essayer, faire de son mieux, s'efforcer, quitte à faire un peu semblant pour forcer la chance, et s'épuiser, et sentir la menace du découragement qui rôde, parce que cela fait si longtemps maintenant.

Cette confiance que je la vois essayer de soutenir, cette menace silencieuse, et aussi ce que cela répète de ma propre histoire, l’incapacité à vivre de ceux qui me sont le plus chers - est-ce que j'ai le droit de dire que je n'arrive plus à le supporter, que c'est trop long, que j'ai de moins en moins la force ? Juste une fois, juste là, avant de reprendre la route, et d'avancer, encore.