23 février 2019

My Beautiful Boy

De plus en plus souvent, au cinéma, et plus encore devant l'écran à la maison, je m'ennuie. La fiction n'accroche pas, ne retient pas mon attention, me semble vaine, loin de mes préoccupations, et/ou de la réalité. Du temps de vie perdu, un gavage silencieux ou une anesthésie sournoise - dormez en paix braves gens, regardez Netflix. Ces derniers temps, j'ai un peu retrouvé le goût du cinéma, avec Bohemian Rhapsody, Green Book, Pupille, Les Invisibles.

Et puis ce soir je me suis fait cueillir par My Beautiful Boy. Sortie en état de choc, en larmes quelques minutes après. Parce que, même si j'espère ne jamais avoir à accompagner qui que ce soit au fond du gouffre de la toxicomanie, chacune des émotions, des réactions du père m'est allée droit au coeur - droit dans le coeur. L'incompréhension, l'impuissance, le désespoir, la colère, le rejet, la recherche frénétique d'explications, de voies de passage, l'angoisse omniprésente, et cette folie d'amour prête à faire n'importe quoi, encore, et encore - jusqu'à la déraison ou à la mise en danger de soi, de l'entourage qui ne comprend plus, ne peut pas comprendre. L'intolérable confrontation à l'image de l'enfant merveilleux d'avant, devenu un étranger ; la culpabilité vertigineuse : à quel moment la ligne de faille s'est-elle ouverte ? Comment avons-nous pu passer à côté ?

Et la honte, le désespoir, l'agressivité coupable de l'ange déchu (incroyable Timothée Chalamet) - comment supporter autant d'amour lorsqu'on se hait à ce point ? Comment ne pas se poser la question du lien entre cet amour-trop et la dépendance aux toxiques, comme s'il était impossible de se sevrer de cette enfance ? A fortiori quand une issue se dessine à l'instant même où le père renonce, reconnaît sa limite, son impuissance - accepte le risque de la plus définitive des séparations ?