03 novembre 2020

Réciprocités

Contre toute attente, je suis heureuse de pouvoir continuer à travailler. Pour des raisons matérielles évidentes, mais aussi et surtout parce je garde ma liberté d'aller et venir. De sortir de la maison. D'échanger avec d'autres humains, de me confronter à d'autres détresses que celles qui règnent ici. D'être émue par d'autres êtres, pour qui la vie n'est pas plus simple ; d'être touchée par leur courage et leur engagement dans leur volonté d'aller sinon bien, en tout cas de leur mieux ; et, parce que nous avons les patients qui nous ressemblent sans doute (je n'ose pas écrire, que nous méritons), j'ai le sentiment d'être parfois moi-même aidée par la teneur de nos échanges, comme dans le billet précédent. 

Parce qu'ils sont inspirants, me donnent envie de lire, d'écrire, de voir ce film dont ils parlent, et même de danser. Il y a celle qui profite de cette immobilité forcée pour explorer toutes les nuances d'une chanson au travers d'un projet de chorégraphie. Celui qui interroge sa représentation du couple et de la fidélité en faisant dialoguer son projet de mémoire et sa propre expérience. 

Il y a celle qui me raconte l'apprivoisement de ses peurs au hasard d'une sortie au parc d'attractions, son émerveillement lors d'une dernière visite au Louvre, juste avant le confinement - la façon dont la beauté l'a emportée, et le partage de cette émotion avec la classe qu'elle accompagnait. Celui qui raconte comment la littérature et l'histoire le sauvent, lui qui relit Camus, Dante et les stoïciens. 

En fait, même si ceux qui parlent le langage de la culture et la création me touchent tout particulièrement, j'ai le sentiment de recevoir de chacun. Et dans ce moment, c'est une ressource inespérée et précieuse.