Ce soir j'ai regardé Marley et moi, un vieux film grand public vu avec les enfants à sa sortie. Je pensais après la séparation, car je me souviens l'avoir vu seule avec eux. Au vu de la date de sortie, c'était avant, et pourtant je me souviens avoir tellement pleuré à l'évocation de cette vie de famille parfaite... ce soir il me fait mesurer ce qui en moi s'est endurci, refermé, pour me protéger et rendre la vie vivable, à défaut d'heureuse.
L'idée d'un amour complice, bienveillant, solidaire, inscrit dans la durée : encore possible ?
L'idée d'une histoire commune, de souvenirs partagés, d'épreuves traversées ensemble, d'un temps rythmé par les étapes de la vie vécues côte à côte - voir grandir nos enfants, nos petits-enfants, avoir un chien, un piano, une maison, un lieu où s'enraciner, où revenir, une sécurité affective, matérielle, symbolique bâtie pas après pas : définitivement cramé.
L'idée des enfants qui demandent tant mais offrent plus encore, de les voir déployer leurs ailes, exercer leurs dons, expérimenter en confiance, être, tout simplement, heureux : probablement jamais simple, et pour Elsa, cet écart abyssal entre ce que la vie lui promettait et ce qui est possible aujourd'hui...
Ce soir je n'ai pas le sentiment d'être devenue plus sage, ni plus courageuse. Je sens juste ça : que cette solidité apparente, cette combativité constante, efficaces au demeurant, peuvent être fissurées par un simple semi-mélo hollywoodien. Que je fais tellement bien comme si que je m'illusionne moi-même, m'arrime à l'idée que ce qui est est, et que je sais y attraper, et mieux, y faire naître, quelques instants de bonheur ou de poésie. Que je danse au-dessus du vide, pas de couple, pas de vie de famille, pas de sécurité, pas de lieu, pas d'à-venir à ce jour. Et pour aller "bien" là - je ferme mon coeur, et je ne m'en rends même plus compte.
Jusqu'à ce qu'un film un peu stupide avec un gros chien fou me rende à moi-même, au moins quelques instants. A cette jeune femme, cette jeune mariée, cette jeune maman, tellement pleine d'énergie et d'espoir mais aussi tellement fragile, et si fleur bleue... et pourtant j'ai envie de retrouver cette ouverture de coeur-là, cette fraîcheur du regard, cette sensibilité aiguë dont je sais au fond qu'elle n'est pas loin. Mais qu'elles n'ont pas trouvé depuis si longtemps un lieu, une épaule, un coeur où se poser que je ne sais plus être autre chose que ce petit soldat organisé et volontariste...