Je les trouvais si beaux ensemble, et racontais à qui voulait l'entendre comment ces deux-là s'étaient bien trouvés (si j'avais fait un casting de l'homme idéal pour Maman, il aurait furieusement ressemblé à Daniel). Et comment je trouvais absolument jubilatoire l'idée qu'on puisse vivre une histoire d'amour à 77 et 79 ans, quand on a l'un et l'autre pas mal de cicatrices au corps et à l'âme. Et comment j'aimais la façon qu'ils avaient de savourer la vie tant qu'elle est là - aller au cinéma, au théâtre, bien boire et bien manger, voyager - c'est elle qui l'a emmené à Venise pour la première fois. Et la tendresse amusée, pas dupe, qu'ils avaient chacun pour les petits travers de l'autre. J'aimais sa gentillesse, sa discrétion, sa générosité ; ses engagements sociaux et politiques. J'avais été très touchée qu'il accepte d'être, avec elle, caution pour mon logement ; et de le voir, il n'y a pas si longtemps, porter fièrement des chaussettes rigolotes que je lui avais offertes. Ce soir je suis si triste pour elle et pour lui... mais aussi reconnaissante pour cette invitation à vivre pleinement aussi longtemps que nous sommes vivants.
PS : j'ai été très touchée qu'une petite-fille de Daniel me propose de lire ce texte lors des obsèques. Ce que j'ai fait, avec une profonde émotion.