C'est ce deuil sans clôture qui est celui des proches toujours en vie mais plus ou moins absents à eux-mêmes, plus ou moins revenus à un état d'enfance.
Ce deuil dont je me protège en restant tellement à distance, quand bien même je suis en visite.
Ces moments suspendus où les mots n'existent plus, où je cherche dans ton regard la possibilité d'être reconnue - peut-être, peut-être pas, comment savoir avec certitude ? Ce sourire fugitif, m'est-il destiné, est-il seulement destiné à quelqu'un ? Derrière ce regard si souvent absent, quelle conscience demeure-t-elle, et si elle demeure, comment peut-elle tolérer cet environnement ?
Ces moments suspendus où les mots n'existent plus, où je cherche dans ton regard la possibilité d'être reconnue - peut-être, peut-être pas, comment savoir avec certitude ? Ce sourire fugitif, m'est-il destiné, est-il seulement destiné à quelqu'un ? Derrière ce regard si souvent absent, quelle conscience demeure-t-elle, et si elle demeure, comment peut-elle tolérer cet environnement ?
Cet homme qui fut brillant, cultivé, séduisant, ce petit garçon joufflu, ce père imprévisible et distant, où sont-ils maintenant ? C'est si étrange cette fragilité physique, le fait que tu acceptes mon bras pour te relever et faire quelques pas hésitants, et si déchirant ces mots qui s'éteignent avant même d'avoir franchi tes lèvres.
Ce que tu as aimé, ce qui t'a ému, ce qui t'a fait vibrer, ces trésors perdus dont tu ne nous as pas parlé, comment affronter le fait que nous n'y aurons jamais accès, alors même que tu es encore là ? Et, au-delà de ces précieuses singularités - finalement transitoires, sait-on où se réfugie l'âme dans ces lieux ?
Oh, bien sûr, les lieux en question sont clairs, modernes et propres, et les aides-soignantes ont l'air très gentilles, mais, mais... dans ce monde de zombies immobiles ou perdus dans la répétition infinie du même geste, ou de mots vides de sens, comment ne pas te souhaiter le moins de conscience possible, une vie de nouveau-né dont la sécurité est assurée et dont les besoins essentiels sont satisfaits ? Une vie de nouveau-né, mais la tendresse en moins...
Mieux vaut que tu ne penses pas. Mieux vaut ne pas y penser.