Nous n'emporterons rien que l'amour que nous aurons donné, je crois que c'est Bobin qui écrit ça quelque part...
Faire le tour de l'appartement de Papa et Gene ce week-end, avant qu'il ne soit vidé, rénové et loué pour financer leurs places en maison de retraite, c'est une méditation sur l'absurdité de l'accumulation matérielle. Il restera si peu de choses - parce que nous avons nous aussi déjà créé nos maisons à notre image, parce que les objets s'usent, se démodent ou se dévaluent, parce que les goûts diffèrent, parce qu'il est éventuellement plus satisfaisant de donner que de brader. Dans quoi ça tient, une vie ? Quels objets familiers nous parlent de ceux qui ne sont plus là ? En l'occurrence, de ceux qui sont encore là sans plus y être vraiment - ce qui rend tout ceci encore plus étrangement mélancolique je crois.
Les objets autrefois soigneusement choisis, et parfois payés cher s'avèrent globalement impropres à la revente ; et finalement, les plus émouvants n'ont pas ou peu de valeur marchande - des photos, des écrits, quelques secrets - là où il reste un peu de l'être finalement.
C'est touchant et tellement triste à la fois - car l'un comme l'autre auront été si peu à même de partager ce qui les animait en profondeur. Je ne suis pas sûre de connaître la ravissante jeune femme de ces photos baignées de soleil et de sensualité (mais je sais qu'elle peignait de magnifiques aquarelles et jouait de l'orgue), ni l'homme qui a rédigé ces textes ésotériques ou engagés pour ceux qu'il désignait comme son autre famille (mais je salue sa culture encyclopédique, son goût pour les livres et l'opéra, et son infatigable pugnacité).
Leurs longues solitudes nous privent aussi de la possibilité de ces témoins, là où il y a eu tellement de silences :
Leurs longues solitudes nous privent aussi de la possibilité de ces témoins, là où il y a eu tellement de silences :
C'est pas toi qui me fais pleurer c'est ceux et celles qui t'ont aimé
Qui me dévoilent des épisodes parfois aux antipodes
De la personne que j'ai connue, du toi que j'ai entraperçu
Qui me partagent des histoires auxquelles j'aimerais tellement croire...
(Zaz, Que des liens)
(Zaz, Que des liens)
Qu'avons-nous manqué, qui ne nous sera jamais conté par d'autres voix ?
Au passage la question m'a traversée aussi - et si je disparaissais demain, que trouverait-t-on de moi qui n'appartenait qu'à mes jardins secrets ?
De Papa j'ai gardé un lourd cendrier de cristal que j'ai toujours vu posé sur son bureau - et autrefois chez mes grands-parents. Quelques "planches" rédigées par lui. Et puis il y a une vraie joie à ce que Cyril et Clara aient accepté que je ramène ses appareils photo à Elsa - justement parce que là il s'agit bien d'une transmission - ce qui n'aura été donné ni par le lien ni par les mots de son grand-père passe ici par l'accès à un matériel que je n'aurais jamais pu lui offrir. J'ai découvert aussi des photos des parents de mes grands-parents, incroyable !
De Gene j'ai gardé - avec l'accord de Clara - un joli manteau aussi chaud qu'enveloppant et une étole - l'élégance, la discrétion, les belles matières, et les "couleurs Gene" comme disait mon père, soit toutes celles de l'automne. Deux objets qui l'évoquent avec beaucoup de douceur.
De Gene j'ai gardé - avec l'accord de Clara - un joli manteau aussi chaud qu'enveloppant et une étole - l'élégance, la discrétion, les belles matières, et les "couleurs Gene" comme disait mon père, soit toutes celles de l'automne. Deux objets qui l'évoquent avec beaucoup de douceur.
Des bijoux de notre grand-mère commune, j'hésite encore à garder une bague - peut-être. Pour qu'il reste quelque chose, j'ai presque envie d'écrire, pour qu'il ne reste "pas rien", et tant pis pour sa valeur marchande, ou une éventuelle transformation de bijou - c'est telle quelle qu'elle me la rappelle le mieux.
Non, nous n'emportons pas grand-chose, et je ne suis pas fâchée que mes récents déménagements m'aient d'ores et déjà obligée à tellement m'alléger. Est-ce que ça me donnera la sagesse d'y réfléchir à deux fois avant le tout prochain achat - oui, peut-être un peu plus qu'hier en effet.