08 novembre 2006

Si près

Elle a dix-huit ans, un treillis, un t-shirt moulant, et un visage d’ange. Elle est la deuxième d’une fratrie de sept, bien connue des services sociaux et judiciaires… L’année passée, son premier amour est parti en prison, lui laissant en cadeau d’adieu une grossesse qui s’est soldée par une première IVG. Aujourd’hui, elle revient pour un retard de règles.

La routine, au Centre. Mais ce qui est plus rare, c’est la possibilité de pouvoir passer ensemble progressivement des résultats du test – provisoirement négatif – aux raisons de la contraception hasardeuse, et de la contraception hasardeuse à sa vie relationnelle – l’impossibilité pour elle de vivre sans un autre qui l’étaye, quand bien même elle le maltraite et le rembarre – sa façon de sauter de chagrin en chagrin, l’un consolant de l’autre jusqu’à ce qu’elle s’attache (classiquement, quand l’autre se lasse d’être malmené) et souffre à son tour…

Dans l’entretien, nous passons des freins à la contraception aux traces de la première IVG, de l’envie affleurant d’avoir un enfant qui serait peut-être cet autre étayant - plus maîtrisable que ces garçons toujours décevants - à son incapacité de s'imaginer seule. En fil rouge, et malgré le côté volubile et rieur de la demoiselle, un parcours dans lequel elle s’expose et se malmène toujours elle-même, en fin de compte...
Ce qui me touche, c'est de la sentir si près de la possibilité d'entendre quelque chose à ce qu'elle vit néanmoins comme une fatalité - si près de l'ouverture d'une possibilité de décider d'une autre vie pour elle-même - et de n'avoir que les moyens de ce cadre. Un unique entretien peut-être, un autre encore, à la prochaine inquiétude, peut-être quelques rencontres - presque rien, ou déjà beaucoup - comment savoir ?