10 novembre 2006

A suivre

Elle a seize ans – il y a trois mois elle était déçue de n’être pas enceinte, aujourd’hui elle l’est – pas de son amoureux actuel, mais la valse est rapide - et elle est heureuse. Elle dit, personne n’a jamais pris soin de moi, et moi j’ai envie de prendre soin de quelqu’un, pour qui je serai importante en retour… Compter enfin sur cet autre-là (voir : Si près), sur cet autre soi (voir : Vanessa) – à une question sur le père de l’enfant, elle répond rêveusement, «Je me demande ce que ça fait, de dire Papa…».

Comme la plupart des jeunes filles que je rencontre, elle est vaguement inscrite dans un cursus scolaire sans issue, dans une famille désarticulée, dans des malentendus amoureux perpétuels – et certainement inscrite, dans une infinie solitude. Son besoin est légitime, d’un peu de chaleur et de vie, de compter enfin pour et sur quelqu’un – et qui suis-je pour juger du moyen ? Parce que le délai nous le permettait encore, j’ai décrété l’urgence d’attendre – de se donner le temps de penser, et de rêver, avant d’entrer dans quelque réel que ce soit.

Ce qui me touche en elle – peut-être la lucidité impuissante avec laquelle elle peut nommer ce qui lui advient – peut-être le fait que nous la suivions depuis deux ans, avec la sensation de ce passage inéluctable à venir – comme si ce passage par le corps était nécessaire, quoi qu’elle décide – peut-être parce que j'ai rarement senti aussi fort l’enjeu vital pour l’enfant en elle, celui qu’elle porte et celui qu’elle est encore.

Qu’elle interrompe sa grossesse ou la poursuive, j’ai le sentiment que l’enjeu est identique : que l’événement à venir ne soit pas une nouvelle blessure, mais l’occasion de traverser quelque chose, un chemin d’où sortir grandie.