04 avril 2007

Les mots et les gestes

Ils ont une petite trentaine - elle replète, diabétique, enceinte - lui maghrébin au français hésitant, sec et fermé en début d'entretien, sourire lumineux ensuite. Ils sont venus ensemble, parler de violences qui l'ont envoyée quinze jours auparavant à l'hôpital.

Bien sûr, l'acte reste inexcusable - inacceptable - et cela sera dit, au cours de l'entretien - et que si un coup reçu fait mal, le coup porté par quelqu'un que l'on aime fait deux fois mal. Le reste, est l'affaire du médico-judiciaire.

Mais je mesure, ce qu'il a fallu d'amour à ces deux-là pour ne pas aller au bout de leur rage meurtrière de l'autre jour - ne pas se séparer sur-le-champ - venir consulter avec l'envie et l'espoir que cela ne se reproduise pas. Et je mesure ce qu'il lui a fallu à lui de courage pour mettre son orgueil dans sa poche et venir demander de l'aide, affronter le regard d'une étrangère sur des affaires généralement considérées comme absolument privées.

A mettre des mots, sur ce qui s'est joué dans les gestes, nous avons repéré les points de fragilité qui ont déclenché la violence - au-delà de l'anecdotique, une histoire de vêtements à ranger, des enjeux majeurs de confiance, de respect, de sécurité dans ce couple encore fragile - identifié aussi des situations antérieures dans lesquelles ils avaient su trouver les mots - et proposé des pistes pour l'avenir.

Une seule rencontre - ils n'étaient pas demandeurs d'un suivi - pour offrir un espace de non-jugement, d'une parole possible, un lieu où ils savent maintenant pouvoir revenir. Une seule rencontre, ne saurait évidemment suffire... mais donner à penser, réintroduire la parole, - cela vaut. Même une fois.