09 septembre 2008

Rentrée

Deux naufragés agrippés l’un à l’autre – 37 et 25 ans, des enfances et des vies dévastées par la violence, l’alcool, le mensonge et la disqualification. Elle a deux grands enfants, passablement abîmés eux aussi, il s’auto-mutile depuis l’enfance. Ils sont intelligents, créatifs (elle écrit, il peint, sculpte, fait de la musique), dotés d'un humour ravageur, émouvants – et complètement déglingués.

Une grossesse s’annonce, c’est ce qui les amène, à laquelle ils semblent en fait assez d’accord pour mettre fin – mais que viennent-ils faire ici au juste ? Est-elle venue interroger son ambivalence, face à une grossesse qu’elle s’imagine comme la dernière ? Demander des soins pour elle ? Demander des soins pour lui, par le biais de cette consultation pré-IVG ? Et lui, qu’est-il venu confirmer, venu affirmer, de sa position nihiliste apparemment argumentée mais rempart dérisoire contre une détresse que je devine insondable ? La transparence psychique de la grossesse fait ici coup double - l'un et l'autre déversent, digressent, marée noire que je dois à plusieurs reprises endiguer pour ne pas perdre le fil, rester dans le cadre de l'entretien.

Deux funambules, qui m’ont laissée vidée, épuisée par ce qui circule de violemment incestuel et de violent tout court dans leur discours, dans leurs histoires, dans leur relation, dans leurs prises de position d’adultes ou supposés tels aujourd’hui… Elle aimerait se dispenser de l'étape échographique, il souhaite au contraire en être témoin ; ils sont d’accord pour revenir ensemble au prochain rendez-vous, ensuite. Quelque chose a accroché... Pourquoi, et pour quoi ?