Une succession ininterrompue de premières fois.
Le premier souvenir, peut-être le plus fort, c'est la traversée... Quand le jour tombe, quand les côtes disparaissent, quand les phares peu à peu s'éteignent... Je ne suis jamais allée dans le désert ; mais je crois que c'est à cela que ça doit ressembler : être un tout petit point perdu entre deux immensités, une voûte étoilée vierge de toute nuisance lumineuse humaine, et la mer immense, à perte de vue... Un tout petit point qui suit une invisible route - et la nécessité corrélative de faire confiance. Un petit point dérisoire et si vivant, un petit point qui traverse l'angoisse de la nuit et de l'inconnu et découvre le bonheur d'être seul à la barre, à guetter le premier rayon du soleil. Ce qui vient alors, est un chant ; et quelque chant que ce soit, c'est un Magnificat.
(mais aussi, la parole pleine engendrée par ce temps suspendu...)
Un autre souvenir ce sont les animaux - un invraisemblable banc de cachalots, des dauphins prudents mais curieux, un phoque esseulé, une libellule qui restera à bord jusqu'au retour... un instant unique de jeu, je ne vois pas d'autre mot, avec une petite raie volant sur un fond de sable blanc.
(et puis, dormir bercée par la houle, nager en haute mer, faire un feu de bois flottés sur les galets, planer à l'avant du bateau, les yeux dans les voiles...)
Un autre encore, c'est la communion avec la nature - la prise de conscience d'être dans un environnement limité en eau douce, en énergies diverses - le respect naturellement inspiré par la beauté de l'environnement, la présence des quatre éléments : le geste écologique devient alors une évidence, le constat de l'absence de désir de consommation aussi, et l'envie grandissante de fuir l'agitation des ports... La tombée des enveloppes sociales - s'habiller, se coiffer, se maquiller, pour quoi ? Un autre rapport à l'ordre aussi - quand la mer s'agite, et elle ne prévient pas nécessairement, le verre qui casse, la bouteille mal refermée, les objets qui valsent ne deviennent pas seulement un inconfort, mais un danger... là comme ailleurs, l'exigence d'une qualité de vigilance.
Un autre encore, l'acquisition d'un autre vocabulaire - bouts et drisses, aussières, taquets - grand et petit foc, gênois, trinquette... d'autres repères - cet autre bateau encore si loin dans la nuit, vient-il vers nous ou passera-t-il son chemin sans nous croiser ? L'idée si belle qu'au-delà des instruments modernes de navigation, rassurants mais toujours faillibles, il suffit d'une carte, d'une règle et d'un compas pour tracer sa route. Penser un instant à la folie des grands navigateurs, partis non seulement sans GPS mais aussi sans carte, à la rencontre de mondes improbables.
Le premier souvenir, peut-être le plus fort, c'est la traversée... Quand le jour tombe, quand les côtes disparaissent, quand les phares peu à peu s'éteignent... Je ne suis jamais allée dans le désert ; mais je crois que c'est à cela que ça doit ressembler : être un tout petit point perdu entre deux immensités, une voûte étoilée vierge de toute nuisance lumineuse humaine, et la mer immense, à perte de vue... Un tout petit point qui suit une invisible route - et la nécessité corrélative de faire confiance. Un petit point dérisoire et si vivant, un petit point qui traverse l'angoisse de la nuit et de l'inconnu et découvre le bonheur d'être seul à la barre, à guetter le premier rayon du soleil. Ce qui vient alors, est un chant ; et quelque chant que ce soit, c'est un Magnificat.
(mais aussi, la parole pleine engendrée par ce temps suspendu...)
Un autre souvenir ce sont les animaux - un invraisemblable banc de cachalots, des dauphins prudents mais curieux, un phoque esseulé, une libellule qui restera à bord jusqu'au retour... un instant unique de jeu, je ne vois pas d'autre mot, avec une petite raie volant sur un fond de sable blanc.
(et puis, dormir bercée par la houle, nager en haute mer, faire un feu de bois flottés sur les galets, planer à l'avant du bateau, les yeux dans les voiles...)
Un autre encore, c'est la communion avec la nature - la prise de conscience d'être dans un environnement limité en eau douce, en énergies diverses - le respect naturellement inspiré par la beauté de l'environnement, la présence des quatre éléments : le geste écologique devient alors une évidence, le constat de l'absence de désir de consommation aussi, et l'envie grandissante de fuir l'agitation des ports... La tombée des enveloppes sociales - s'habiller, se coiffer, se maquiller, pour quoi ? Un autre rapport à l'ordre aussi - quand la mer s'agite, et elle ne prévient pas nécessairement, le verre qui casse, la bouteille mal refermée, les objets qui valsent ne deviennent pas seulement un inconfort, mais un danger... là comme ailleurs, l'exigence d'une qualité de vigilance.
Un autre encore, l'acquisition d'un autre vocabulaire - bouts et drisses, aussières, taquets - grand et petit foc, gênois, trinquette... d'autres repères - cet autre bateau encore si loin dans la nuit, vient-il vers nous ou passera-t-il son chemin sans nous croiser ? L'idée si belle qu'au-delà des instruments modernes de navigation, rassurants mais toujours faillibles, il suffit d'une carte, d'une règle et d'un compas pour tracer sa route. Penser un instant à la folie des grands navigateurs, partis non seulement sans GPS mais aussi sans carte, à la rencontre de mondes improbables.