17 janvier 2011

Dialogue

Je me souviens comme je t'ai attendu.

Comme on attend toujours, tous, peut-être - comme une femme de marin sur la grève, ou comme le prisonnier la fin d'une longue peine...

J'avais pensé que tu serais celui qui me consolerait.

Peut-être est-ce toujours ce que nous attendons, de chaque amour - une tendresse qui ne se démente pas, une consolation qui aussi profonde qu'elle semble, ne peut pourtant donner au présent ce qui ne l'a pas été au passé ?

Tu me consolerais du sentiment déchirant de se savoir en vie et pourtant que de passage. Tu me consolerais de ce que la vie ne soit qu'une insupportable succession de pertes. De ce que rien ne dure et que tout s'efface. De ce qu'on s'efface.

Oui. Il manque cependant l'autre face, de la perte...

Depuis une dizaine d'années a passé. Ma vie n'est plus la même. J'éprouve pourtant toujours au fond de moi, comme un sanglot que je cache à tous, le même besoin de consolation.

Blessure identique. Un sanglot caché, oui. Parfois même, oublié. Retrouvé dans le soir qui tombe, le dimanche qui s'achève, la gorge soudain nouée sans raison.

Mais je crois avoir compris que personne, jamais, ne pourra me consoler. On devrait peut-être apprendre aux enfants qu'on reste à jamais inconsolable.

Parole d'adulte, qui me fut offerte, il y a quelques années : il n'y a que les enfants, qui sont inconsolables... Nos peines inconsolables sont celles d'autrefois. Celles d'aujourd'hui, nous avons en nous les ressources pour les traverser. Toujours.

Que ça ne sert à rien de chercher ça. Que ça n'existe pas. Que c'est un rêve qui n'existe pas.

Et pourtant - il n'y a rien de plus puissant, de plus dévastateur, de plus précieux que ce rêve - celui qui renaît dans chaque lien d'amour naissant... celui auquel il faut pourtant renoncer pour naître à nouveau.

Laurence Tardieu, Un temps fou & Lulu