10 janvier 2011

Un petit garçon

...et un document adressé au collège, dans l'espoir de donner à penser, infléchir, peut-être, le cours des choses ?

Je connais B. depuis l’année dernière, quand il ne posait encore que des problèmes mineurs – résultats insuffisants, difficultés de comportement et agitation dont il disait que c’était parce qu’il ne comprenait pas et se sentait incapable de rattraper ses lacunes. C’était encore un petit garçon, triste et désabusé mais ouvert au dialogue, quoique pas très mûr pour son âge.

En novembre 2009, j’ai rencontré le père, qui semblait attentif mais un peu dépassé par le fait d’élever seul ses deux garçons (le frère aîné de B. ne présente cependant pas les mêmes problèmes). Il a alors donné des éléments essentiels pour comprendre la trajectoire de son fils.

Les parents étaient officiellement séparés mais la mère était encore au domicile familial car dans l’incapacité de se prendre en charge (souffrance psychique grave ayant entraîné des hospitalisations répétées, tentatives de suicide, dégradations dans l’appartement). L’histoire de B. a été rythmée depuis sa naissance par les apparitions et disparitions de sa mère, aujourd’hui hébergée par sa famille en Algérie.

Une présentation en équipe pluridisciplinaire a été faite, l’équipe a ensuite pris contact avec le père en vue de proposer des appuis éducatifs et un suivi au CMPP, qui semblait impératif. Le père a décliné la première proposition et fait échouer la deuxième, au motif qu’il ne pourrait pas conduire B. aux séances (alors que l'équipe pouvait en assurer les conduites).

J’ai eu M. H. plusieurs fois au téléphone et ai constaté le durcissement de sa position et sa fermeture progressive au dialogue, les seules actions envisagées étant du côté de la privation de tous les espaces de loisirs ou de plaisir partagé, le centrage exclusif sur la question du scolaire, et je pense – bien que B. ne l’ai pas confirmé, peut-être de la violence physique – psychique en tout cas c’est certain (dévalorisation constante). Je trouve touchant que ce soi-disant délinquant ait utilisé l'argent de son larcin pour s'offrir... une paire de rollers d'occasion, pour aller jouer sur la rampe avec les garçons de son âge.

Le virage de B. vers des comportements qui vont à leur tour se durcissant ne m’étonne pas. Les conduites de vol sont par ailleurs très symptomatiques des enfants carencés affectivement (un des spécialistes de la question signale que les enfants voleurs sont cependant ceux qui n’ont pas perdu tout espoir de trouver une réponse adulte adéquate).

Il faut bien entendu sanctionner le vol de l’enveloppe – de façon juste et équilibrée. Exclure définitivement un élève déjà sur le chemin d’une auto-exclusion et d’un glissement vers des conduites qui peuvent effectivement devenir délinquantes me semble regrettable, d’autant que B. est encore accessible à des mesures d’accompagnement – si tant est que le père puisse y être associé.

Je ne sais pas, si l'exclusion sera évitée, ou tout au moins suspendue. Mais je sais l'importance de recevoir des retours comme celui-là :
Bravo du travail que tu fais, ta force c'est toute l'énergie que tu mets dans tes écrits. Le monde appartient à ceux qui savent lire et écrire... Si le monde doit s'effondrer je sais qu'il tiendra encore en ces quelques signes inscrits sur du papier.