10 avril 2016

Récréation

Ce jour je me suis reconnectée à quelque chose qui m'est absolument essentiel : pouvoir être seule. Prendre un train, y lire des heures, bercée par la musique d'un texte, somnoler, me laisser rêver. Voir la mer. Planer tout là-haut avec le cerf-volant. Manger de façon erratique. Savourer un verre de Sancerre blanc au soleil. Marcher dans une ville presque inconnue. Etre portée par l'instant. Et puis par l'instant suivant. Respirer.

Souvent vous connaissez cette envie de sortir du jeu, pour aller voir la lumière blanche dans le ciel large. Ce désir d'aller contre vos intérêts immédiats de travail ou d'amour, au nom d'un intérêt plus grand peut-être, ou bien au nom de rien. Allez savoir. Vous vous faites confiance à ce sujet. Vous avez appris avec le temps à vous donner du temps. Vous avez appris à rompre pour continuer, pour continuer à votre façon, à votre manière inventée et personnelle.

Christian Bobin, La part manquante

Je ne sais pas, si je me fais plus confiance à ce sujet que lorsque j'ai rencontré ce texte, à dix-sept ans. Il est même probable que ça m'inquiète davantage aujourd'hui, tant je perçois ce que ce désir de liberté, de ruptures dans le quotidien, a quelque chose de sauvage, de non négociable, de vital chez moi. Non pas rompre pour tout foutre en l'air, recommencer de zéro ; mais au contraire rompre pour pouvoir continuer, rendre le quotidien habitable, désirable, parce que non synonyme d'étouffement paisible, de mort lente et douce. Peut-être je ne peux vivre que la fenêtre ouverte sur l'imprévu, la possibilité du mouvement, le droit à l'échappée - à la re-création.