30 juin 2017

Toute petite Mémé

Le mercredi midi, l'infirmière m'a dit, elle est en train de partir. Et puis les stimulants cardiaques nous ont contre tout espoir redonné du temps, et à elle, toute sa conscience. Précieux cadeau, que celui d'un départ en douceur, où la parole est possible, où les proches ont le temps de venir dire au revoir. Fragments : "C'est doux de mourir en bonne santé". Et, au moment où le danger semblait imminent : "Je suis contente de vous voir tous de mon vivant".

Et avec tout son caractère : la veille, elle avait stupéfait l'infirmière qui lui disait de prendre ses médicaments en même temps que son dîner : "Je ne mangerai pas." D'accord Madame, mais prenez au moins les médicaments, c'est important ? "Si je veux !"

Jeudi matin, elle a confié à Louisette "Il ne manque plus que Guillaume (elle avait vu Emilie et ses enfants la semaine passée), et puis, j’aurai vu tout mon petit monde, je pourrai partir."  Et aussi, "Toi qui a des contacts là-haut (ma grand-tante est très croyante), tu peux leur dire que ça suffit maintenant ?"

Comme je lui demandais si les médicaments lui faisaient voir des éléphants roses, elle a réfléchi un instant, et puis elle m'a répondu "Non, mais des crocodiles barbus !"

Je l'ai veillée une partie de la première nuit, et malgré les bips du Scope et son souffle court, je me sentais étrangement sereine, juste pleine d'amour et de gratitude pour ce temps-là - et pour tout le reste.

Alors que je lui caressais les cheveux, elle m'a rappelé ces moments où je dormais près d'elle avenue Clémenceau, dans mon "petit-lit-par-terre" et où je ne voulais jamais qu'elle retire sa main qui me grattouillait la tête pour que je m'endorme...

Alors, ces 48h ont été gagnées sur la vie grâce à un boost cardiaque qui ne peut pas être prolongé. Les médecins ont commencé à descendre progressivement les doses. La tension décroche à nouveau. Je ne sais pas si elle sera encore là ce soir. Mais quoi qu'il arrive, je me sens reconnaissante pour ces quelques heures.