Chère Mémé,
Il n'y a pas si longtemps, nous fêtions tes 90 ans. Tu étais si fière d'avoir réalisé ton rêve, faire un baptême de parapente, et nous tes petits-enfants, si contents d'avoir préparé notre surprise en cachette des parents !
Tes copines étaient stupéfaites ; tu disais souvent que tu les trouvais vieilles et ennuyeuses, si vite effrayées, toi qui a si longtemps nagé, fait du vélo, préparé des fêtes, bricolé, jardiné, cousu, fabriqué mille choses de tes mains, et préparé des kilos de confitures de p'tites zeilles et de compote de pommes. De la soupe aussi, même si tu avais décidé de ne plus en manger puisqu'elle ne t'avait jamais fait grandir !
Tu ne voulais pas de canne, parce que c'est bon pour les vieux – et si tu marchais en chancelant, c'était avec le petit sourire triomphant de l'enfant qui dit «Moi tout seul !». « Je veux être debout jusqu'au bout », m'avais-tu confié. Tu as gagné ton pari...
Ce dimanche, Elsa m'a dit « Mémé, c'est quelqu'un qu'on peut être fier d'avoir dans notre famille ! »
A 80 ans, tu as fait un baptême de montgolfière ; ça ne t'a pas suffi, ce que tu voulais, c'était des sensations fortes ! A 84 ans, tu as monté toutes les marches du pied de Montmartre jusqu'en haut du Sacré-Coeur (deux fois trois cents marches, pour information) ; à 87 ans, tu faisais de la luge avec les enfants de Guillaume ; à 88 ans, tu étais la reine du SMS, et en langage fonétik ! A 90 ans, tu t'es fracturé le genou – quand on t'a annoncé que tu étais rétablie, tu as rigolé : « J'ai appelé, il est trop tard pour les rattrapages des J.O de Rio, zut alors ! ».
Nous non plus, nous ne sommes pas allés à Rio, mais nous avons des milliers de souvenirs dans tes trois maisons, Mi-Jo, Monette et la Tour Angèle. Des souvenirs de jeux et de déguisements à Meaux, de balades en forêt et de châteaux de la Loire à Amboise, de pêche aux crevettes et de grands tours en vélo à l 'Ile de Ré. Grâce à toi et à Pépé nous avons eu les plus belles des vacances, nous avons grandi dans des lieux qui font désormais partie de notre histoire à tous les trois.
Comme lui, tu aimais la mer, celle qui bouge et s'agite, qui déferle sur les rochers, celles des grandes marées : le tiède, le plat, ce n'était pas pour toi !
Cette semaine encore, tu nous auras donné une sacrée leçon de vie et de courage, tenant tête aux infirmières : « Prendre les médicaments ? SI JE VEUX ! » et te préparant tranquillement à partir : « C'est doux de mourir en bonne santé », as-tu dit, et aussi, « Je suis contente de vous avoir tous vus de mon vivant ».
Nous n'étions pas bien loin, mais tu as choisi d'attendre que nous ayons le dos tourné pour partir sur la pointe des pieds. Comme l'a dit Louisette, «Encore heureux que c'était sur la pointe des pieds, elle n'était déjà pas bien haute ! »
Pas bien haute, mais tu restes notre grande petite Mémé.