04 avril 2019

Une journée parfaite

Le matin, un temps de supervision de groupe et une expérience nouvelle : ce que peut donner un temps de supervision dans un groupe composé uniquement de psy : ça fuse, ça associe librement, ça fantasme en toute conscience, ça s'enrichit mutuellement (et j'espère que cela enrichira aussi l'accueil de la collègue qui a partagé sa situation) - ça me rappelle la dynamique de groupe au Cifp, ce double regard - être traversé(e) par l'expérience, et pouvoir la penser (presque) simultanément.

Et l'après-midi, trois entretiens, trois moments très différents mais tous émouvants :

- Une adulte au parcours atypique mais passionnant, à la recherche du mouton à cinq pattes : un thérapeute à l'intelligence aiguë (probable HPI, cette jeune femme...), solidement outillé intellectuellement et éthiquement, formé à l'accueil des traumas multiples et vraisemblablement transgénérationnels, ouvert à des orientations thérapeutiques variées et possiblement incompatibles mais aussi aux expériences dites para-psy. Ce qui me trouble moi, c'est la récurrence dans mon environnement mais aussi de plus en plus dans mes consultations de ces humains incontestablement sains d'esprit qui font état d'expériences extraordinaires, expériences qui ne les désorganisent pas mais au contraire les mettent en quête, élargissent massivement leurs horizons. De là à penser que quelque chose me concerne, m'attend de ce côté, il y a de moins en moins de pas...

- Un jeune homme qui jusque-là me semblait très inquiétant (ce que je maintiens cependant) mais qui s'anime tout à coup en me parlant de son rapport au monde mathématique, non sur un mode froidement intellectuel type Asperger mais avec amour - je ne vois pas d'autre mot, les maths comme un jeu où le plaisir et la créativité s'expriment, où il se retrouve, lui qui se sent si perdu par ailleurs. Impossible à ce moment-là de le penser uniquement du côté de la dépression sévère ou de l'inhibition sociale massive, tant il est vivant, réellement en relation avec moi dans cet instant-là. Idem lorsqu'il évoque un projet de physique et chimie appliquées sur les bulles de champagne - lui qui ne boit pas une goutte d'alcool - c'est presque un moment de poésie, en tout cas c'est ce qu'il communique de ce qui lui voit dans les phénomènes physiques associés. 

- Une jeune étudiante qui raconte comment dans une résidence universitaire située dans un quartier dangereux (et après plusieurs signalements à l'administration qui n'a pas bougé), les jeunes se sont organisés entre eux  pour créer un groupe de volontaires - merci WhatsApp ? - auquel envoyer un message pour qu'un ou plusieurs anges gardiens viennent chercher les filles à la sortie du métro quand elles rentrent tard. Réjouissant - non d'avoir besoin d'être chaperonnée quand on est une fille dans la rue le soir, mais pour l'initiative solidaire...