24 avril 2019

Véronique

Jamais un concert ne m'a autant bouleversée - une déferlante d'émotions, certaines partagées avec la salle : celle de la voir debout, vivante - et d'autres plus intimes - un torrent de chagrins et de nostalgies, si emmêlés avec le bonheur de chanter, l'énergie communicative de Celui qui n'essaie pas, ou la douceur de Bahia.

La veille dans une interview elle disait : J'avais en moi un vrai gros sanglot, qui a éclaté un jour. Moi aussi je crois - il a peut-être un peu fondu, hier, ce bloc de silence à l'intérieur... et c'est si étrange d'être submergée à ce point lors d'un concert - libérateur, aussi. Comme si je touchais le chagrin nu des dernières années, mois, semaines, tout ce que je mets de côté au fur et à mesure pour avancer, même pas peur, même pas mal.

Bouleversée pour elle, par elle aussi, si fragile, presque maladroite par moments - je suis une très mauvaise parleuse, sourira-t-elle, mais la voix intacte malgré le cancer des amygdales des derniers mois. J'ai senti la salle soulevée par des vagues palpables d'émotion pour Visiteur et Voyageur : On dit aussi Que j'ai beaucoup trop brûlé ma vie Que c'est honteux que je sois ici Avec des étoiles plein les yeux... ou encore pour Ma révérence, qu'elle a chantée juste après la précédente, au cas où quelqu'un aurait encore gardé les yeux secs...

Elle a eu 70 ans aujourd'hui, et ses chansons ont bercé ma vie, me racontent mon histoire de femme.

Celle de la sortie de l'adolescence : Porter les robes de nos grands-mères Chausser de hauts talons blancs Avoir le regard qui repère Les hommes qu'elle trouve attirants

L'amour des débuts : Une nuit je m'endors avec lui - Et je sais qu'on nous l'interdit Et je sens la fièvre qui me mord Sans que j'aie l'ombre d'un remords et la fin du tout premier : Il est parti comme il était venu avec un sourire au coin de ses lèvres et moi Je rêve encore de lui toutes les nuits...

L'innocence d'un amour de fiançailles : Mais si je sais que tu m'aimes La vie que tu aimes au fond de moi Me donne tous ses emblèmes Me touche quand même du bout de ses doigts

Les albums des espoirs tous permis encore, du temps des premiers pas, découverts ou sortis pendant ces quelques dix années : De l'autre côté de mon rêve, Comme ils l'imaginent, Sans regrets, Symphonique Sanson, écoutés et ré-écoutés.

Les amours clandestines : Il cache souvent sa tendresse Par pudeur ou par paresse Il est sûr de n'avoir jamais peur de rien - et les périodes troublées : Quand j'avais le goût des étincelles Que j'étais belle et puis rebelle Si j'avais toujours mes amours d'avant Parmi mes amis, mes amours et mes amants

La fin de l'amour - celle qui ne cicatrise pas  : Quand l'amour le plus fou de la terre Se débat dans une odeur de fin Je dis qu'c'est ça la vraie misère Je dis qu'le temps est assassin Et j'veux plus rien... et le chagrin indicible : Je me suis tellement manquée Je me suis tellement fait de mal... - qui se termine par ...je me suis pardonnée - et moi, me suis-je vraiment pardonnée ?

Mais aussi les chansons qui relèvent : Peut-être que j’aurai enfin trouvé Une autre façon de pleurer Mais là je serai fière de mes larmes Je ne serai plus abandonnée - ou encore
Mais celui qui n'essaye pas
Ne se trompe qu'une seule fois
Prends ton virage
Tourne-moi la page et va-t-en !

Et les plus récentes, celles de Dignes Dingues Donc et des Duos volatils - Véronique est toujours, toujours, toujours là, et dans ma vie ses chansons ressemblent à ce blog - tout est entre les lignes, derrière les mots.