05 décembre 2021

Initiation

Je ne savais pas. A quel point le deuil était une affaire physique, incarnée. Le ventre qui se tord, le corps qui saigne hors de toute logique de cycle, les nausées, les insomnies, les kilos perdus et les somatisations diverses. Un truc viscéral. 

Je ne savais pas. Ce besoin vital de se relier au(x) vivant(s), de dire, de répéter, de partager, de raconter, de rencontrer ceux qui ont connu celui qui n'est plus là... de chercher des réponses qui ne peuvent pourtant exister que dans le coeur de notre coeur (et qui y sont, pour peu qu'on sache faire silence, quand la peine cesse de hurler). 

Je ne savais pas. Ce besoin vital de se relier tout court - tellement de fois chaque jour, tendre la main vers le téléphone, vouloir partager une image, une phrase, imaginer un moment à vivre ensemble, avoir l'élan de choisir un cadeau, et puis laisser la main retomber : plus jamais...

Je ne savais pas. Cet élan irrépressible, apparemment contre-intuitif, à se plonger dans ce qui fait lien, ce qui fait sens - écrits, photos, objets... non pour s'abîmer dans le chagrin mais au contraire pour l'apprivoiser, se souvenir, pouvoir dire - ceci a été. Commencer un récit...

Je ne savais pas. Le caractère à la fois essentiel dans le plus fort sens du terme, et dérisoire par moments, de cette volonté de voir du sens - des signes avant-coureurs, le déploiement d'une logique, et des signes ensuite, partout sur le chemin... de naviguer entre un glacial dés-espoir et la conviction très profonde d'une présence qui n'aurait en rien cessé d'aimer, de protéger, de soutenir.

J'apprends... encore, grâce à toi.