Hier, ou aujourd'hui, j'ai écouté une fille exilée dire le deuil impossible d'une mère morte au pays, et ses errements de contraception à chaque date anniversaire, être ou ne pas être, ou ne plus être, mère.
Hier, ou aujourd'hui, j'ai entendu une maman d'adolescente qui n'a pas su voir qu'à trop se fondre l'une dans l'autre la rupture ne saurait qu'être brutale et dangereuse. Là encore, le deuil, l'exil, la perte de repères familiaux et culturels ont pesé lourd : une dame cambodgienne, maman de quatre enfants, un deuil, et la petite cinquième, enfant d'un homme parti à l'annonce de la grossesse, enfant chérie, enfant parfaite, enfant poupée, jusqu'à ce jour...
Hier, ou aujourd'hui, j'ai accueilli une femme veuve, maman de trois enfants qui a rebaptisé l'enfant né deux mois avant le décès de son mari du prénom de celui-ci, et qui dit le chagrin qui s'approfondit maintenant, la spirale descendante.
Hier, ou aujourd'hui, j'ai accompagné une jeune mère célibataire qui dit à mots fragiles les liens d'enfance toxiques, l'accident bête qui l'oblige aujourd'hui à quitter un métier qu'elle aimait parce qu'elle perd la vue, le compagnon épisodique qui ne s'assume pas père - et les joies pourtant.
Hier, ou aujourd'hui, j'ai cherché avec une jeune femme antillaise l'hôpital qui lui permettrait d'interrompre rapidement une grossesse pourtant désirée, parce que le père de l'enfant, immature et violent, a disparu dans la nature - et je l'ai entendu dire après les larmes, enfin soulagée, si mes propres parents ne s'étaient pas séparés, ils se seraient entretués - et je ne veux pas de cette vie-là pour moi - j'entends, il y a peut-être une chance à saisir, l'espoir de sortir du cercle de la répétition.
Hier ou aujourd'hui, j'ai reçu une mère totalement désorientée avec sa fille de 6 ans - une femme psychiquement malade, incapable de contrôler le flux et le sens de son discours devant l'enfant qu'elle n'a pas accepté de faire sortir - arguant qu'elle "savait déjà tout", dans le double sens du terme - de l'intimité parentale d'une part, de la sexualité et de la violence d'autre part. Que faire sinon contenir le discours de l'une, ménager une place à l'autre ? Une petite fille infiniment sérieuse, pertinente dans ses remarques, protectrice envers la mère, encore espiègle pourtant - bouleversante. De cet entretien qui m'a fait violence, je ne retiens rien, sinon d'avoir dit pour l'enfant qu'elle avait à vivre sa vie d'enfant, et d'avoir exigé devant elle de la mère qu'elle revienne sans sa fille, ou qu'elle la laisse jouer tranquillement dans la salle d'attente.
Et ce soir - j'ai le coeur gros.