Cette semaine, il y a eu aussi la tentative de suicide d'une patiente à laquelle je me suis profondément attachée. Elle est sauvée - pour le moment. Mais les échanges que nous avons eus durant cette semaine, lorsque le pronostic était encore incertain, sont sans doute les plus bouleversants que j'ai vécus à ce jour dans ma vie professionnelle. Rien dans mon parcours ne m'a préparée à une telle situation : quand on n'a plus que son humanité et ses mains nues pour faire face, sans certitude sur l'issue. J'ai écrit ensuite bien sûr, pour moi, pour retrouver une distance plus juste, relancer ma capacité de penser cette situation et donc de l'accompagner au mieux de mes possibilités. Si cet écrit dans sa totalité n'a pas sa place ici, il me tenait à coeur d'en dire quelque chose, de garder une trace...
Au-delà de son histoire singulière, cet accompagnement m'a définitivement confirmée dans une posture assumée, celle du sur mesure. Avec elle j'ai accepté de négocier point par point les diktats de la distance dite professionnelle officielle (...). Elle était parfaitement au clair avec ce qui était ou non de l'ordre du cadre classique et en comprenait le sens. Chaque décision d'un pas de côté a été nommée, et argumentée entre nous. Elle a pu me dire à quel point elle pensait essentiel, après avoir posé les bases du cadre, de pouvoir s'en abstraire pour établir un lien, créer la rencontre.
(...) à quel point ma façon de chercher en permanence à me mettre à sa hauteur, à inventer des façons de nous rencontrer avait été précieuse, et à quel point elle avait été déçue de la distance (et parfois du rejet ou de la culpabilisation, tant son contact peut être déroutant parfois) de tous les autres soignants auxquelles elle a été confrontée, et il y en a eu beaucoup (...). J'ai pu lui dire que j'avais infiniment appris grâce à elle, et à sa question de savoir si je pensais que l'avoir rencontrée avait modifié ma pratique, j'ai pu répondre sincèrement, OUI.