En reconnaissance dans la Maison-Plume, endormie depuis un an et demi maintenant, je retrouve ceci :
"Reste cependant en effet, l'indéfectible manque. Je commence à penser, et mieux, à vivre, que le secret réside peut-être dans le fait de ne pas confondre le manque, cette native incomplétude, avec un manque de l'autre (pire : avec le manque de l'autre) ou de la relation...
Le manque : c'est l'autre nom de nos absences, des heures sombres du chien-loup. C'est un éclat de lumière aiguë, celui-là même qui raye nos certitudes de surface, traçant une imperceptible mais profonde ligne de coupe entre nous et nous-mêmes, entre nous et le monde.
Il est ce que nous avons de plus commun, et de plus intime ; de plus ancien, et de plus présent.
Il est dans l'odeur du pain chaud (où trouve-t-on le pain qui aurait ce goût-là ?), dans l'impuissance des mots à décrire les nuances d'une musique ou d'un tableau, dans ce désir demeuré intact de n'être jamais tout à fait assouvi (cet Autre fondamentalement insaisissable), dans tout ce qui nous sépare du réel immédiat : il est notre autre faim.
Il est ce qui demeure quand le sens s'effiloche, quand le vide s'installe, quand nous sommes renvoyés à nos propres insuffisances. Il est ce qui nous donne le "coeur gros" sans trop savoir pourquoi - quelquefois nous lui donnons un prénom, identité possible d'un mal par trop indéfinissable...
...alors qu'il est l'espace d'où s'élance toute possibilité de création, tout espoir de dépassement : alors qu'il est la place de l'Etre en nous."