Car le moi interrogé, s'il transcendait l'interrogation, s'il dérogeait à la grâce infinie de la rencontre, tomberait dans le monologue ou dans la confession, dans ce qui vante ou dans ce qui regrette, dans le plat récit des désirs et des peines. Il dirait ce qu'il était avant de dire ce qu'il est ; il dirait ce qu'il est, avant de dire ce que par la rencontre, il est devenu. (...)
...puisque l'être humain est relatif à l'humain, c'est dans le lien du je-tu, sur l'axe du je-tu, qu'on découvrira les véritables caractères de l'homme. (...)
Martin Buber nous montre les deux sources de la parole, qui sont, bien entendu, les deux sources de la pensée : les choses d'une part, les personnes d'autre part, le cela et le tu. (...) Et c'est ici qu'intervient la catégorie bubérienne la plus précieuse : la réciprocité. Cette réciprocité, on ne la trouve jamais clairement sur l'axe du je-cela. Elle n'apparaît vraiment que sur l'axe où oscille, où vibre le je-tu. Alors, oui, l'être rencontré se soucie de moi comme je me soucie de lui ; il espère en moi comme j'espère en lui. Je le crée en tant que personne dans le temps même où il me crée en tant que personne.
(...) Un monologue peut être long et disert, il exprime moins d'âme que le dialogue le plus naïf. Si étouffé, si mal balbutié que soit le dialogue, il porte la double marque du donné et du reçu, ou tout au moins, comme un prélude, la double tonalité de l'aspiration et de l'inspiration des âmes. Alors l'oreille est active puisque tendre l'oreille c'est vouloir répondre. Recevoir, c'est s'apprêter à donner. Encore une fois, notre substance spirituelle n'est en nous que si elle peut aller hors de nous. Elle ne peut aller hors de nous, vaguement, comme une odeur ou un rayonnement. Il faut qu'elle s'offre à quelqu'un, qu'elle parle à un tu.
Gaston Bachelard, préface à Je et Tu, de Martin Buber
...puisque l'être humain est relatif à l'humain, c'est dans le lien du je-tu, sur l'axe du je-tu, qu'on découvrira les véritables caractères de l'homme. (...)
Martin Buber nous montre les deux sources de la parole, qui sont, bien entendu, les deux sources de la pensée : les choses d'une part, les personnes d'autre part, le cela et le tu. (...) Et c'est ici qu'intervient la catégorie bubérienne la plus précieuse : la réciprocité. Cette réciprocité, on ne la trouve jamais clairement sur l'axe du je-cela. Elle n'apparaît vraiment que sur l'axe où oscille, où vibre le je-tu. Alors, oui, l'être rencontré se soucie de moi comme je me soucie de lui ; il espère en moi comme j'espère en lui. Je le crée en tant que personne dans le temps même où il me crée en tant que personne.
(...) Un monologue peut être long et disert, il exprime moins d'âme que le dialogue le plus naïf. Si étouffé, si mal balbutié que soit le dialogue, il porte la double marque du donné et du reçu, ou tout au moins, comme un prélude, la double tonalité de l'aspiration et de l'inspiration des âmes. Alors l'oreille est active puisque tendre l'oreille c'est vouloir répondre. Recevoir, c'est s'apprêter à donner. Encore une fois, notre substance spirituelle n'est en nous que si elle peut aller hors de nous. Elle ne peut aller hors de nous, vaguement, comme une odeur ou un rayonnement. Il faut qu'elle s'offre à quelqu'un, qu'elle parle à un tu.
Gaston Bachelard, préface à Je et Tu, de Martin Buber