30 octobre 2008

Silhouettes

Ce qui me plaît dans ce métier, c'est la rencontre toujours renouvelée de la singularité de chacun. Pourtant, avec l'expérience, se dessinent dans les consultations quelques silhouettes récurrentes...

Celle de la gamine de quinze ans, stressée par un risque qu'elle n'a pas pris, mais qui vient témoigner là de ce bouleversement qu'est le moment de la première fois - découverte de soi, de l'autre, sensation de grandir d'un coup, d'une soudaine séparation psychique d'avec les parents - Il n'a pas vu que tu pleurais - l'enfance qui s'en allait...

Celle des couples qui se déchirent, parce que cette nécessaire séparation, ne s'est jamais achevée. Alors, faute de mots, les rivalités et les haines éclatent, parfois culturellement exprimées (maraboutage, sorcellerie), les clivages font rage, on hait l'autre parce qu'il est bambara alors qu'on est soninké - on hait l'autre surtout parce qu'il est autre, et la famille (qui a pourtant souvent décidé du mariage) ré-intègre celui ou celle qui avait pensé pouvoir s'en différencier...

Celle de la femme africaine qui va se préparer à accueillir un enfant de plus - dans des conditions matérielles et psychiques qui dépasseraient n'importe quelle occidentale - pour rien, sans envie, sans désir, parce que Dieu le lui a envoyé, parce que son mari le veut, sinon il prendra une co-épouse, puisque la virilité se mesure au nombre des enfants, parce que la contraception est trop chère ou bien trop compliquée, parce que le qu'en dira-t-on, parce qu'elle n'est ni sera rien d'autre, qu'une mère - ça m'occupera, dit-elle...