11 mai 2009

Convictions

Je ne conçois pas de m’occuper de l’autre sans l’aimer. Etre dans une disposition affective particulière où l’empathie se conjugue à l’accueil, à quelque chose d’inconditionnel et de bienveillant, au-delà des mots et des théories, qu’il n’est plus possible de décrire, ni de conceptualiser, à moins de le dénaturer. Quelque chose qui ne peut que se vivre. Quelque chose qui donne sa mesure et se révèle dans l’intensité de la présence à l’autre, quelque chose de l’ordre de l’être avec l’autre, un « cum », un avec, que le mot de compassion et certaines formules confessionnelles ou poétiques tentent d’approcher et de restituer maladroitement. Aucun mot, aucune pensée, aucune représentation n’est capable de rendre compte pleinement de ce qui peut se vivre et se manifester à l’instant même de la relation.
C. S., inédit.

C'est ça. C'est exactement cela pour quoi je travaille. Ca n'arrive pas toujours, ce miraculeux équilibre, cette intuition qui va ouvrir une porte, cette provocation mesurée qui va desserrer les vannes, cette rencontre humaine que les mots ne sont plus là que pour habiller, quand l'essentiel du thérapeutique se joue ailleurs (Cf Roustang, qui dit cela très bien : au commencement était le corps. Et Yalom, citant cette étude recensant les "incidents critiques" en thérapie, vécus comme les moments de bascule par les patients, et qui sont ces moments de sortie du cadre, de simple humanité. Loin, bien loin des théories savantes...)

Retrousser ses manches pour affronter un deuil, oser aborder une hospitalisation précoce en pédo-psychiatrie, affronter les racines de sa solitude, tenter de lancer une fragile passerelle père-fils après des violences en acte - ils ont du cran ces humains... Et je ne saurais pas les accompagner sans les aimer, de cet étrange amour qui se fait léger, invisible, n'encombre pas, mais laisse tout l'espace...