17 novembre 2016

Trajectoires

Pas de posts ces dernières semaines ? Rien qui m'ait marquée ? En fait si. L'extraordinaire diversité et le courage des humains que mon métier me donne la chance de rencontrer, parfois brièvement, parfois au contraire dans un accompagnement au long cours. Le privilège de la confiance qu'ils m'accordent. L'émotion devant leurs tâtonnements, leurs questions, leurs avancées. Instantanés :

- cette femme qui a perdu il y a deux mois sa compagne d'un cancer, après dix-neuf ans d'amour - et leur incroyable parti-pris d'être dans la vie jusqu'au bout, de se réjouir de chaque possibilité restante, même réduite - conquise sur une fin pourtant inéluctable

- cette migrante mauricienne, qui a changé deux fois déjà de pays, de langue, perdu ses deux parents sans pouvoir revenir chez elle, sans papiers, qui porte à bout de bras un mariage dysfonctionnel, un mari hospitalisé et un enfant à la santé fragile, et qui me dit, je consulte parce que je me sens un peu fatiguée...

- cette très vieille dame aveugle, espagnole, dont le père a disparu dans les geôles de Franco et qui vient me raconter son récent voyage à Saint-Jacques de Compostelle et son sentiment de s'être réconciliée avec ses racines

- cette jeune femme adoptée qui a retrouvé la trace de sa mère de naissance, une démarche d'autant plus vitale qu'elle a perdu aussi sa mère adoptive, et qui nomme de plus en plus clairement la difficulté qu'il y a à entrer de plain-pied dans le monde adulte lorsque ce regard aimant vous a fait par deux fois défaut

- ce matin cet homme qui rencontrait un psy pour la première fois de sa vie, arrivé alcoolisé et amer, reparti ému et curieux, peut-être prêt à s'aventurer finalement sur ce chemin de connaissance de soi

- cette jeune adulte gravement accidentée à l’adolescence et qui retraverse avec courage les douleurs de cette période, construisant peu à peu un sentiment de sécurité et d'intégrité qui ne s'était jamais  complètement reconstitué depuis

- cette autre qui apprivoise petit à petit les absences dont elle était inconsolable pour avancer à petits pas timides dans une nouvelle relation, retrouver confiance en elle et en l'autre

- et cette dernière qui a survécu à une relation infiniment destructrice, et que j'accompagne depuis le début de ce mouvement de survie qui la laisse aujourd'hui épuisée mais libre, lumineuse, incroyablement fragile mais vivante psychiquement, preneuse de toutes les pistes, téméraire parfois (c'est toute sa question, jusqu'où aller trop loin, apprendre à se protéger, à être douce avec elle-même) mais déjà sauvée.

Les trois dernières ont remarquablement avancé aussi grâce aux outils de l'EMDR ; même à mon niveau de grande débutante, je ne cesse d'être émue par la puissance de cet outil, que je n'utilise pourtant certainement que dans une faible mesure de ses possibilités.

Ce qui me vient à me relire c'est de la gratitude : j'apprends sans cesse à leur contact, je réfléchis, je me laisse émouvoir, je remets en perspective, je progresse aussi, professionnellement grâce à leur confiance mais aussi, j'espère, humainement. C'est un drôle de métier ; mais je n'en ferais pas d'autre.

29 octobre 2016

Maison de famille

Je viens de réaliser un truc que mes oncle et tante ont compris bien avant moi. Tout comme on peut se constituer une famille de coeur, qui mêle membres de la famille réelle et amis choisis, on peut s'inventer une maison de famille, une histoire totalement imaginaire. En courant les brocantes en Bretagne ce week-end, j'ai pris beaucoup de plaisir à rêver à d'autres vies que la mienne, à imaginer ce que donnerait un intérieur où chaque objet serait choisi (ce qui n'est pas forcément le cas lorsqu'on hérite !). Pas forcément pour sa valeur marchande, mais pour le coup de coeur esthétique ou l'histoire qu'on lui prête. En fait, ce serait un peu comme entrer dans un livre, ambiance exposition coloniale ou Comtesse de Ségur, traversée transatlantique ou maison de campagne, être touchée par l'idée des petites mains qui ont brodé ce drap, façonné cet objet ou soulevé ces tasses, avec ou sans petit doigt en l'air.

Et j'ai pris conscience qu'un meuble ancien plein de charme ne coûtait pas forcément plus cher qu'un cube IKEA sans âme. Et que ça pouvait être un projet sympa de se constituer petit à petit une maison de rêve, une histoire à transmettre. Ou même, d'investir dans une seule pièce ancienne mais vraiment belle, à mixer avec du plus contemporain (ma fixette à moi, ce sont les secrétaires : à tiroirs, à tambour, à plateau de marbre...). Pour un peu, ça m'aurait même donné envie de rafistoler, poncer, lazurer, d'apprendre comment détacher du linge ancien ou entretenir de la vaisselle en métal argenté. Pour le moment, je me suis contentée de tomber amoureuse d'une charmante théière anglaise.

25 octobre 2016

Rouge-gorge

Renaud en concert au Zénith hier : toute émue - pas pour la voix, esquintée par l'alcool, les clopes et une bronchite ce soir-là. Mais par ce Toujours vivant, toujours debout - j'ai toujours eu un faible pour les survivants. Les cinq premières minutes m'ont bouleversée - un Renaud aux mains tremblantes et à la voix cahotante, qui entame cash avec Toujours debout - j'ai pensé qu'il n'irait pas au bout, et puis deux heures plus tard, nous étions toujours là - toujours debout aussi !

J'ai grandi avec ses chansons, et je les connais encore par coeur. Quasiment toutes. Comme tout le reste de la salle. Je ne les écoute plus souvent, mais elles sont encore là, intactes, c'est fou ça ! 

Petite larme émue quand il a commencé En cloque - je suis d'accord avec lui, je la préfère encore encore à Mistral gagnant - et à nouveau sur Manhattan-Kaboul, partie d'Axelle Red portée par un public fervent. Et plein d'ondes de bonheur à retrouver Manu, Marche à l'ombre, Fatigué, Etudiant, Morgane de toi, et tant d'autres.

Ado, je n'étais fan de personne ; mais il est le seul chanteur dont j'aie eu un poster dans ma chambre. Je le trouvais drôle, touchant, idéaliste et provocateur, le cocktail idéal quand on a quinze ans. Ses colères et sa tendresse me touchent toujours, me confrontent aussi - aujourd'hui, l'engagement,  le collectif, l'idéalisme, la joie, que je retrouve aussi chez Leprest, chez Lantoine, chez Tryo, où est-ce que je leur fais une place dans ma vie ? Est-ce que je me vieux-conise, concentrée sur mes propres petits problèmes ? Qu'est-ce que j'ai oublié en chemin ?

PS : Cerise sur le gâteau, première partie très chouette : Gauvain Sers. Qui fait aussi des premières parties de Tryo !

23 octobre 2016

14 octobre 2016

Collège Blues

Personne n’a aimé ça. Lorsque j’interroge mes patients, c’est très souvent la période considérée comme la plus difficile à vivre – la sortie du cocon de l’enfance, la perte des repères scolaires, l’irruption de la puberté et de la sexualité. Pour les plus fragiles d’entre eux, c’est toujours là que ça déraille, la marche est trop haute, les handicaps se cumulent – plus tu es déjà fragile, plus tu es déjà perdant, déjà perdu. Si tu es différent – trop grand, trop petit, trop gros, trop maigre, trop blanc, trop noir, trop gay, trop roux, trop voyant, trop invisible – c’est dommage pour toi. Si tu es un peu plus malin, un peu plus sensible, un peu cultivé, un peu plus éduqué – c’est dommage pour toi. Si tu refuses de socialiser en bavant sur les autres, en colportant les rumeurs, en agressant les plus faibles, c’est dommage pour toi.

Tout ça, c’était déjà vrai quand j’étais au collège. Ce qui est nouveau, c’est la progression ahurissante du niveau de violence sociale, physique et verbale dans l’indifférence générale. Ce qui est nouveau, c’est que nos enfants trouvent normal de se faire bousculer, insulter, discriminer, racketter, et que la loi du silence soit respectée. Ce qui est nouveau, c’est que ces têtes blondes ou brunes se jettent à la figure leur appartenance religieuse, portée comme un drapeau en même temps que vidée de tout sens spirituel. Ce qui est nouveau aussi, c’est l’omniprésence d’un vocabulaire sexuel et sexiste ordurier, brutal, qui constitue à lui seul une agression aussi constante que banalisée, un préliminaire à une culture de la domination et du viol. Ce qui n’est pas nouveau mais va s’aggravant, c’est la banalisation de l’irrespect et du désordre, des cours chaotiques et de l’absence de travail, même pas faute de le vouloir mais, dans certains cours, faute de le pouvoir.

Ce qui me frappe c’est la gangrène de l’absence de sens : il n’y a pas d’autre rapport que le rapport de pouvoir. L’empathie pour l’autre, les interdits fondateurs (ne pas faire, ni se faire, de mal), l’idée d’un apprentissage qui a du sens en lui-même et prépare à un projet de vie, d’une spiritualité soutenue par des valeurs, d’une sexualité sous le signe du respect et du lien, d’une humanité commune, d’un sens du collectif – INEXISTANTS dans le quotidien mais je pense aussi, dans les discours qu’ils entendent.

La parole non plus n’a plus de sens – la parole donnée, l’interdit, les mots qui humanisent, bâtissent des ponts et non des murs. La parole est insulte, interjection, crachat, actes sans pensée, impulsions sans mots.

Aux élections de délégués dans la classe d’Elsa, il y  a eu 18 voix pour Dark Vador et autant pour Dora l’exploratrice. Est-ce qu’un adulte a vraiment pris le temps d’expliquer le sens de cette représentation du collectif ? Est-ce que ce n’était pas le moment de faire de cette éducation « morale et civique » un temps enfin utile ? Est-ce que nos adolescents sont à ce point écœurés des systèmes adultes qu’ils désignent les héros de leur enfance  - comme un gag triste, une provocation désespérée ?

Quand le quotidien de l’échange de couloir ressemble à « - Je nique ta mère par tous les trous / - Ta gueule puceau, je suis sûre que t’as jamais vu une chatte en vrai » (car l’élégance du langage n’est pas réservée aux garçons), est-ce que parfois un adulte réagit ?

Quand on a élevé ses enfants dans une culture de l’accueil de la différence et du dialogue, comment ne pas constater qu’on les a, peut-être, bien mal préparés à affronter la meute ? Que leur capacité d’analyse et leur niveau de langage sont, à cette étape, des handicaps ? Quels mots trouver, pour signifier l'inacceptable tout en gardant une cohérence, l'envie de soutenir la vision d'un monde qui intègre sans (se) désintégrer ?

Lu, mère en colère

29 septembre 2016

Lever les yeux

Ce matin je suis arrivée (raisonnablement) en retard à l'Institut. Pas à cause de l'urgence psychiatrique traitée hier jusqu'à 22h et à nouveau ce matin dès 7h, et toujours en cours. mais parce qu'au moment de courir encore jusqu'au métro après deux journées de douze heures, j'ai décidé d'attendre le bus. Pour avoir le temps de savourer l'interview d'Higelin dans le Télérama de cette semaine.

Parce qu'Higelin, c'est la vie - l'artiste que j'ai vu le plus souvent sur scène, la poésie, la créativité et la liberté incarnées. Une figure inspirante, et un antidote à la pression psychique parfois de ce métier. L'écouter ou le lire, c'est ouvrir grand les fenêtres, laisser passer un courant d'air frais, un feu follet, un moyen de reconnexion immédiate au "coeur battant, coeur serré..."  

Et je crie, et je pleure, et je ris au pied d'une fleur des champs, 
Égaré, insouciant dans l'âme du printemps, coeur battant, 
Cœur serré par la colère, par l'éphémère beauté de la vie. 

11 septembre 2016

Le lundi au soleil

Trois jours de rab' de vacances sur la Côte d'Azur, c'est un beau cadeau (et le lundi au soleil, c'est encore meilleur). Une chambre douillette qui donne sur la piscine, c'est carrément le luxe. Mais le meilleur n'est pas là - plutôt dans cette amitié qui n'a pas besoin de contacts rapprochés pour retrouver immédiatement le plaisir de l'échange authentique, de se (re)découvrir des chemins qui se croisent ou sont parallèles, de s'enrichir mutuellement. Ou d'être baignée dans cette atmosphère qui respire l'intelligence et la gentillesse - en fait, l'amour, toutes générations confondues (quatre, ce week-end-là !). 

De ce lien j'aime qu'il fasse partie de ceux qui m'invitent à une certaine vigilance - à oser penser grand, rêver grand. A vouloir le meilleur, pas comme une exigence égoïste, mais comme une incitation à la créativité pour un meilleur partagé.

Même émotion devant les photos du mariage féerique d'une des filles de la maison sur les plages du Mexique : bien sûr, c'est somptueux (tout : les couleurs, les lieux, les robes...), mais le plus touchant, ce sont la tendresse, la créativité, la ferveur qui rayonnent sur chaque image - images qui pour ma part sont venues m'interroger - une fois de plus - sur l'essentiel, cette famille fondatrice du lien - ni idéale ni exempte de conflits ou de douleurs, mais choisie en conscience, un vœu qui ne tient que d'être constamment renouvelé : ce ne sont pas les jeunes mariés qui m'auront le plus émue, mais leurs parents entourés de leurs enfants adultes et des compagnons de ceux-ci, d'une première petite-fille et de leur famille de coeur - famille élargie et amis de toujours.

Cadeaux bonus : un chien et un chat affectueux, un nouveau jeu : le riquiqui, un déjeuner en bord de mer, la p'tite méditation du matin face à la mer et...un coup de coeur pour deux nouveaux parfums !

03 septembre 2016

Mémé-Sitting

Pour finir de se remettre de sa fracture et de ses émotions, la Mémé est venue passer une semaine à la maison. Et c'était chouette. De voir comment s'ajuster mutuellement (pour nous, penser à mettre Plus belle la vie, pour elle, modifier ses horaires de repas pour manger avec nous), de papoter, de faire ensemble (trier, ranger, plier du linge et recoudre des boutons), de regarder des photos et d'évoquer des souvenirs. Et que les enfants participent, Elsa en prêtant sa chambre huit jours, les deux en proposant des petits temps de partage - un jeu, une leçon de tricot, quelques pas dehors... apprendre à donner du temps, de l'attention, même un peu (dur, dur sur la semaine où on retrouve les copains), c'est important. Et ça m'a fait plaisir de la voir repartir un tout petit peu plus alerte, la démarche mieux assurée.

27 août 2016

Rock en Seine

Je ne suis pas une grande mélomane, écoute souvent les mêmes choses, même si je regrette de ne plus avoir l'occasion de découvrir de nouvelles pépites (sauf récemment Michael Kiwanuka, merci Télérama). Peut-être aussi parce qu'après mes journées de travail, j'ai surtout besoin de silence, suis peu disponible pour un effort d'écoute supplémentaire. Alors Rock en Seine, pour moi qui écoute plutôt de la chanson française, quand elle est bien écrite, et des ballades pop, c'était pas gagné ! Et en fait... c'était une excellente surprise : pour l'atmosphère bon enfant - public sympa, relax, pour la variété des propositions, la possibilité de goûter à plein de choses, de rester ou non, sans enjeu. Trois chouettes concerts : Wolfmother - bon, je ne dis pas que je vais me mettre à écouter ça au dès le matin au réveil, mais dans le contexte festival c'était top, ça décoiffe ! Edward Sharpe and the Magnetic Zeroes, une bande de post-hippies californiens qui se fait son p'tit boeuf entre potes sur scène, fait participer le public et nous a tous mis en mode Woodstock (en plus politiquement correct, quand même, on est en 2016. Dommage.) Sigùr Ros - je suis tombée sous le charme, ai regretté la foule compacte et bavarde - à ré-écouter chez soi ou à voir en salle si possible, je serais vraiment partante. Complètement hypnotique.

26 août 2016

Inner Gold and Sleeping Parts

Je voulais écrire quelque chose à ce propos - ces rencontres, durables ou non, qui réveillent, activent, de précieuses et plus ou moins secrètes parts de nous-mêmes, ça me parle, et me tient profondément à coeur - ces liens-là sont le sel de ma vie. Et puis j'ai réalisé que mon ami JP l'avait déjà fait - et avec talent, alors j'ai simplement souligné ce qui me semble être le coeur de cet effet très spécial, la danse des esprits :-).

I think that some friends have a particular talent. When you talk with these people, you have a strange (et délicieux) feeling : some inner parts of you, of your mind are… activated. (It happens, sometimes, that you trigger the same effect in response)

You can use subtle metaphors to explain this, like surprisingly finding inner gold, or opening unknown windows, new stairs… thanks dear ! I do think that some parts of our brain are sleeping, or are “put in a box”, useless. Sometimes you don’t even know or remember that they’re here, in a corner of your attic.

When they’re activated : you are surprised, thankful, you see and feel them blossoming around, in you. It gives you a big amount of energy and happiness. When you activate them (by doing nothing but being yourself in a conversation)  in your chatterboxing partner’s mind, you can see this person like… floored-with-a-smile.

If this person dies, or flies away, you feel a bit strange or sick for a moment, because, as you can guess, these golden activities which liked to dance in your head, they want to dance more, and they can’t. The bond only could make them dance. Conversations.

Some parts are real gold, they stay : you can keep them for you, you grew, that’s your new treasure, votre nouveau trésor ! Some parts begin to hurt you, though. They dance alone, lost in your mind, they hit walls, they break themselves. They wait. You have to use the old boxes. These sleeping parts of you, made alive, have to go back to sleep, “Off to box, chatterbox !”. Your pie gets smaller.

This is how you understand why Conversation is an Art, sometimes.

Dial : Nothing lasts forever. You knew that, don’t you ? Good news or bad news ?

Trois amis en quête de sagesse

Je craignais le coup marketing - les trois poids lourds du développement personnel réunis pour un best-seller annoncé, mais c'est une douce surprise et une lecture qui fait du bien - comme en son temps le Petit Traité des grands vertus, avec ici cette dimension profondément humaine, amicale - moins d'intellect, plus d'humanité. Je me régale tout particulièrement avec les interventions de Christophe André (qui m'a déjà beaucoup apporté avec Méditer jour après jour), son engagement personnel dans sa parole, son approche du soin résolument humaniste, et sa bienveillance qui n'est pas complaisance mais me semble plus à échelle humaine que le niveau d'exigence spirituelle de Matthieu Ricard ou d'Alexandre Jollien. Extrait :

"De façon générale, il me semble que la bienveillance devrait être notre attitude relationnelle "par défaut", comme disent les informaticiens. Ensuite, on ajuste ses intentions, ses attentes ; on peut reculer, se rétracter ou donner plus, mais c'est la meilleure position de départ pour effectuer un véritable choix de véritable humain."

Prologue

"On voit ces trucs-là partout aujourd’hui, l’art de rue se distingue difficilement de la vie de rue, ces voitures à pois sur Canal Street, ces kiosques à journaux enrubannés tels des paquets-cadeaux. Comme si les rêves se résumaient à des articles référencés dans un catalogue d’expériences disponibles. Curieusement, cependant, la possibilité de satisfaire son moindre désir – la profusion qu’offre à profusion la ville aujourd’hui – tend à vous rappeler que ce dont vous avez réellement faim, c’est précisément ce que vous ne trouverez jamais là-bas. En ce qui me concerne, ce dont j’ai faim depuis mon arrivée il y a six mois, c’est de ressentir les choses dans ma tête d’une certaine façon. Sur le moment, je n’aurais pas été capable de verbaliser cette sensation, mais maintenant je pense pouvoir dire qu’il s’agit peut-être de croire que tout, à tout instant, peut encore changer."

Garth Risk Hallberg, City on fire

...qui par ailleurs regorge d'autres pépites à collectionner, et d'un sacré élan vital : ça foisonne, s'entremêle, touche souvent très juste, et donne carrément envie d'écouter la bande-son qui porte le roman.

25 août 2016

Happy too !


24 août 2016

Trois petits bonheurs pro

Une ancienne patiente qui prend le temps d'envoyer des photos de son tout nouveau bébé et quelques nouvelles, pour dire qu'elle va bien mais qu'elle avait envie de partager ce bel événement de la vie.

Une autre qui raconte avec beaucoup d'émotion son mariage, cet été, ravivant au passage plein de chouettes souvenirs - les montagnes russes émotionnelles, les torrents d'amour reçus, la force du geste symbolique. Et l’expérience, nouvelle pour elle, de vivre chacun de ces instants au présent, sans déjà regretter le précédent ou anticiper le suivant.

Et une dernière, habituellement en mouvement perpétuel, qui fait part de sa découverte de la joie de perdre son temps, de faire des choses "gratuites", sans objectif aucun, pour le plaisir : coloriages, patient désherbage manuel quand un coup de produit chimique produirait un résultat bien plus rapide et durable... un exercice contemplatif à part entière. A l'écouter, j'avais presque envie moi aussi de tirer une petite chaise au soleil pour arracher les graminées.

23 août 2016

Bon pied, bon oeil

Mémé, 90 ans, s'est fracturé le genou en juillet. Radio ce jour pour voir où en est le rétablissement. Dialogue par texto :
LuLu : "Alors, t'as le droit de t'inscrire au marathon ?"
Mémé : "Grosse surprise radio bonne plus de trace ni de gouttière. J'ai téléphoné, il est trop tard pour les rattrapages des JO de Rio, zut alors !"
J'adore.

21 août 2016

Incorrigible et contradictoire

C'était beau comme dans un petit film français - une grande maison familiale avec un jardin, un chat, un chien et des chevaux, des brochettes de gamins, des cousins qui se retrouvent chaque année au café de la place, des vieux gréements et des chants de marins, des hortensias, des rayures blanches et bleues et des galettes au beurre salé. Un vrai fantasme breton, et pour moi, un vrai fantasme tout court - cette idée d'une famille, d'une structure, d'une pérennité, d'une transmission, après lesquelles je cours depuis toujours, et qui me torpille régulièrement depuis ma séparation. J'ai beau savoir qu'au-delà des apparences, rien n'est jamais simple, il n'y a rien à faire, ça marche ! Et ça me touche au coeur. Me donne des envies de rêver. Reste à savoir comment rendre ça compatible avec ma névrose jumelle, pas moins ancrée, celle de l'élan, de la légèreté et de la liberté, maison de famille versus roulotte ou bateau.

13 août 2016

Kifs et spi

 Glénans Paimpol, stage Iles Anglo-Normandes, kifs ;-) : découvrir une nouvelle zone de nav' (dont la petite perle verte de l'île de Stark). Causer méditation et intelligence collective avec notre mono, Bernard. Constater avec plaisir que la pleine conscience, l'EMDR, sont de plus en plus connus de publics variés : un peu plus de poids du bon côté de la balance de l'humanité ?  

Faire des siestes à bord, partout : dans la cabine, dans le carré, sur le pont. Il n'y a qu'en bateau que je me repose comme ça - bercée, à l'abri du monde.

Etre à la barre au lever du soleil. Au coucher, aussi. Voir une lune rose se lever sur la mer. Passer le cap Frehel au spi. Se baigner à Stark, dans une eau transparente, et se sécher au soleil. Boire une Guiness à Guernesey. 

Découvrir les courants, les calculs de marées, et qu'on ne plaisante pas avec ça : si les éléments sont contre nous, ne pas pécher par excès d'optimisme et toujours avoir un plan B. Et un plan C. Intéressante leçon d'humilité et de prudence.

Les rochers aussi demandent bien plus d'attention et de calculs que mon expérience en Méditerranée ! (J'ai découvert l'antidote à la règle Cras, le rapporteur breton : mais pourquoi faire compliqué quand on peut faire si simple ?)

Angles, distances, hauteur d'eau à une heure donnée (avec un pied de pilote pour la hauteur et une marge de sécurité sur l'heure prévue), alignements complexes, naviguer en Bretagne, ce n'est pas donné à tout le monde. Mais c'est hautement pédagogique ; à refaire, donc !

12 août 2016

Grande Fille

En avril dernier, j'avais fait ce petit séminaire en ligne, savoir ce que l'on veut vraiment... J'avais trouvé l'exercice intéressant, traîné longtemps comme un porte-bonheur les documents correspondants, et puis j'ai oublié - comme toutes les bonnes résolutions, comme la plupart de nos élans de bonne volonté. Aujourd'hui j'ai ré-ouvert l'enveloppe - et j'ai pu constater que presque à mon insu, en tout cas sans volontarisme forcené, nombre de ces graines avaient GERME :-) ! 

Sur les listes :
- contacter quelqu'un dont je n'ai plus de nouvelles depuis longtemps : je pars passer un week-end chez Ghislaine à Antibes en septembre
- négocier un calendrier clair et au moins moyen terme pour les enfants avec leur père
- oser me dégager : une demi-journée dans la semaine, en contrepartie du fait de travailler le samedi matin, des temps de pause dans la journée, des vacances ou des week-ends sans les enfants, pour ne pas être constamment en surcharge
- assumer et financer un temps hebdomadaire conséquent de femme de ménage
- commencer à appliquer ma formation EMDR et la développer
- épargner un peu plus chaque mois
- modifier un peu mon chez-moi (petits travaux, achats déco)
- soutenir les liens familiaux : l'objectif était alors organiser les 70 ans de Papa, fait !
- me ré-inscrire au yoga, trouver un moyen de méditer un peu plus régulièrement (merci Headspace)
- expérimenter l'EMDR pour moi-même - et donc trouver un interlocuteur qualifié et convaincant (un défi quand on est pro soi-même) !
- ré-ouvrir la maison au monde : hébergement de Victor, accueil de Ray
- biffer tout ou partie de ma to-do list spéciale procrastination : faire valider le titre de psychothérapeute par l'ARS, modifier le livret de famille, ouvrir un compte pro, trouver un comptable, prendre RV avec l'URSSAF... fait ou en très bonne voie, RV pris etc. Problème : cette liste a tendance à s'auto-régénérer. 
- me ré-inscrire pour un stage aux Glénans : ça commence DEMAIN :-) !

PS : Et ce qui n'est PAS fait ? Il reste des chantiers ouverts, et non des moindres. Mais nombre de points ci-dessus sont des petits pas intermédiaires. C'est déjà ça.

Patient alpha

Pour ce que j'en ai compris, le patient alpha, c'est celui par rapport auquel il y a un avant et un après dans notre pratique. Sur mon exercice jusque-là, je me souviens très bien de qui il s'agit - une jeune femme que j'ai longtemps accompagnée, qui m'en a fait voir de toutes les couleurs mais grâce à laquelle j'ai beaucoup appris et qui aujourd'hui va BIEN. Dont j'avais dit en supervision, au début, qu'elle dépassait mes compétences - et puis aujourd'hui, ces patients ne me font plus peur.

Après la formation EMDR, je me suis lancée avec mes patients - et je tâtonne énormément, car tous sont des patients complexes. Ce qui est frustrant, challengeant, et même parfois, angoissant.

Aussi, quand j'ai vu arriver ce stewart incapable de reposer le pied dans un avion suite à un accident  corporel pourtant mineur, j'ai pensé que j'avais enfin trouvé le patient avec lequel appliquer à la lettre le protocole (trauma simple et récent) et me faire une idée de la puissance de l'outil. Bingo. Préparation mise à part, UNE SEULE SEANCE et j'ai reçu ce texto : "La bonne nouvelle est que j'ai pu prendre l'avion lundi et mercredi sans aucune crainte, à ma grande surprise et pour mon plus grand bonheur". Le bonheur est partagé m'sieur, et l'encouragement à continuer ma formation, majeur !

PS (un mois plus tard) : "Deux semaines de reprise, je suis comme avant, sans aucune appréhension, problème ou peur à bord. Ça fait vraiment du bien d'avoir repris le boulot d'ailleurs !"

09 août 2016

Ray Man


Ray est exactement le genre d'être humain qui fait que je reste une inconditionnelle de CouchSurfing. Car sinon, comment croiser la route d'un musicien-hippie-sculpteur-pirate californien qui cultive son côté bad boy mais distribue des petits cailloux en forme de coeur aux inconnus - cailloux issus de la rivière qui coule au fond de son jardin de Nevada City ? Un Petit Poucet blues-rock, un ours au grand coeur comme je les aime, un humain vivant comme je les aime aussi - curieux de tout, intrépide et cool à la fois - et qui me reconnecte à cette dimension-là en moi aussi, grain de folie, non-conformisme et curiosité débordante pour l'humain dans toutes ses dimensions.

Qui dit de lui-même que ses deux métiers consistent à donner du bonheur aux autres - sculpteur, il travaille depuis longtemps pour Disney ; musicien, il improvise volontiers avec des amis de passage - je l'ai vu faire à Belleville. Venu en Europe pour réaliser un rêve de longue date, et s'enivrer de la culture du Vieux Monde.

Le bonheur de CS c'est ça - faire exploser les barrières de culture, d'âge, de langue, le repli sur soi et la méfiance pour ouvrir sa maison à l'inconnu et à la rencontre, et en ressortir un peu différent, nourri à chaque fois. Parler de la vie, de l'amour, des trajectoires et des choix de chacun, en toute liberté, sentir là où ça connecte, se rencontre, fait sens, c'est si bon à vivre ! Avec un verre de bon vin, c'est encore meilleur évidemment. Il m'a apporté un Bordeaux, je lui ai fait découvrir le Chinon. Dommage qu'on n'ait pas eu le temps pour goûter le Bourgogne... la prochaine fois ?