17 juillet 2024

Témoin

Parce que le rythme est moins dense, je retrouve beaucoup de joie à accompagner les patients ces temps-ci, et la conscience que c'est un privilège d'être ce témoin de leurs vies. Témoin de cette femme de 75 ans, confrontée à des deuils multiples et transgénérationnels, mais qui dit aujourd'hui - j'ai (re)trouvé de la légèreté, quelque chose de l'enfance qui n'avait pas pu se vivre, et je suis contente : je mourrai en étant vraiment moi-même.

Témoin de de cette autre, à l'histoire fracassée mais qui a fait mentir nombre de déterminismes pour se forger une route professionnelle pleine de sens - j'ai une profonde admiration pour son parcours et pour son intelligence. Tellement en difficulté pour donner sa confiance, mais qui me fait l'honneur de me l'accorder, permettant ainsi une émouvante alliance thérapeutique.

Témoin de cette jeune femme franco-tunisienne, jeune maman, artiste, qui vient interroger notre rapport à l'intime, à la sexualité, aux conditionnements - héritière de deux cultures, de deux époques, de l'émergence du mouvement #metoo, lectrice des textes féministes et LGBT, il y a tellement de richesse dans ses identités multiples, apparemment contradictoires, dans ce travail de l'émergence d'une individualité singulière, portée par sa création.

Ou témoin de ce monsieur en grave récidive de cancer, qui m'interroge en riant sur, à quand la fin de la lune de miel thérapeutique ? Ancien psy lui-même, il n'est pas dupe de ce qui s'engage dans le transfert ; mais il vit aujourd'hui sur un plan spirituel où il a depuis longtemps endossé la responsabilité de sa vie, traversé sa part d'ombre. Alors je ne pense pas non, que notre rencontre sera autre chose qu'un échange d'humain à humain, un endroit où parler de la mort possible et de la vie toujours là, autrement qu'avec ses proches anxieux. Et c'est parfait ainsi.

04 juillet 2024

Regards (un air de famille ?)

Si je n'avais pas répondu à cette annonce locale d'une photographe qui cherchait des rideaux ou des draps pour un décor de studio, je n'aurais pas rencontré Sylvie. Qui ne m'aurait pas proposé de servir de modèle pour un de ses projets pro. Auquel j'ai associé Elsa. Ce qui n'aurait pas permis que nous repartions avec de magnifiques portraits de toutes les deux, séparément et posés pour son projet, ensemble et naturelles en duo mère-fille. Et de nous faire une nouvelle amie ici. Le don appelle le don. Une absolue conviction pour moi, que j'espère avoir transmise à mes enfants. 

30 juin 2024

Papa ?

Il m'a fallu longtemps pour me décider à écrire ce billet-là. Pour essayer de faire le lien entre l'homme que j'ai connu dans mon enfance, celui à qui j'en ai profondément voulu à l'adolescence (et dont l'absence et la violence sous-jacente conditionnent sans doute encore une part de ma vie de ma femme), celui dont je me suis détachée complètement à l'âge adulte, et ce monsieur dans la chambre de l'EHPAD. 

Parce que de lien justement il n'y en a pas. Entre lui et moi, entre lui et les autres - sa seconde femme, ses autres enfants, entre lui et lui-même sans doute non plus. Et je ne peux pas m'empêcher de voir cette déroute cérébrale comme l'étape ultime d'une vie de solitude, l'image révélée de la forteresse dans laquelle il s'est enfermé vivant bien avant l'apparition des premiers troubles neurologiques.

La maladie l'a désarmé, faisant de lui un enfant aphasique, perdu au milieu de grands vieillards mais absolument plus en état de vivre même dans une structure plus adaptée à son âge. Il est infiniment ralenti dans sa marche, presque totalement dans sa parole - et sa résignation apparente à laisser la plupart de ses phrases en suspens m'a laissée dans une profonde tristesse. Il nous reconnaît je pense, semble comprendre ce que nous disons, mais pas plus que lorsqu'il allait "bien", il n'y a le moindre accès à ce qu'il pense, ressent, perçoit (l'agressivité en moins cependant) - et il y a quelque chose de bouleversant dans cette mise à nu d'une incommunicabilité qui elle a toujours été là.

J'ai fanfaronné un peu ces dernières années je crois en disant - je trouve ça terrible humainement bien sûr ce naufrage d'un homme intelligent et cultivé, mais ce n'est pas comme si je perdais un petit papa chéri, un père qui m'aurait accompagnée, soutenue, qui aurait été présent pour moi et pour mes enfants. Ca reste vrai mais... sa vulnérabilité aujourd'hui me serre le coeur, autant qu'elle me laisse dans une complète impuissance. Il est trop tard, il est trop loin, et lui souhaiter de pouvoir quitter ce monde est une bien pauvre tentative d'évitement face au constat de ce qui est, et qui peut être encore longtemps.

Dans la chambre, son épouse a accroché plusieurs des tableaux qu'elle a peints. Celui qui fait face à son lit est un portrait de moi à treize ou quatorze ans peut-être, et je ne sais pas ce qui me donne le plus envie de pleurer ici - qu'elle ait eu cette délicatesse, ou la certitude que jamais je n'aurai su ce qu'il y a dans le regard de mon père.

28 juin 2024

Cadeau

Elle est vraiment très chouette, cette étudiante que je suis de loin en loin depuis trois ans. Et malgré l'intermittence de nos rencontres - il s'agit du service de prévention et non d'un cadre thérapeutique - je la vois faire son miel de ces entretiens, et se souvenir avec une acuité étonnante de nos échanges. Aujourd'hui, elle m'a fait un précieux cadeau en me confiant que non seulement elle m'avait adressé nombre de ses camarades, mais qu'ils avaient tous apprécié nos rencontres. Quelle jolie façon de terminer mon année !

24 juin 2024

Johanna & Bruce

Il y a 11 ans - 11 ans ? Déjà ? j'avais ce rêve d'emmener les enfants à New York pour mes 40 ans. Rêve qui s'est réalisé au-delà de mes espérances, grâce à l'échange de maison et au souhait de Johanna et Bruce de séjourner trois semaines dans notre appartement. Trois semaines d'hébergement à Manhattan ? Mais oui, avec joie ! Très europhile, ce couple d'artistes - elle prof d'art, lui photographe, revient régulièrement en France et en Italie. Le lien ténu entretenu grâce aux réseaux sociaux nous a permis de nous retrouver pour déjeuner à Paris - c'est toujours un plaisir, car ils s'intéressent à tout, courent les expos et les lieux de culture quand ils viennent en Europe - ils sortaient du musée Guimet, partaient voir l'expo Brancusi à Beaubourg. Nous avons parlé aussi politique, aux US et en France, familles, métiers... Je leur ai montré des photos de notre nouvelle maison, qui sait, après New York en été, je pourrais peut-être rêver à New York en hiver, faire du patin à glace au pied du Rockefeller Center comme dans mes comédies romantiques de Noël préférées ?

23 juin 2024

Et un dimanche à la campagne

...tout s'ajoute à ma vie
J'ai besoin de nos chemins qui se croisent
Quand le temps nous rassemble
Ensemble, tout est plus joli...

Jean-Jacques Goldman, Ensemble

20 juin 2024

Solstice d'été

Many tribes of a modern kind, doing brand-new work same spirit by side
Joining hearts and hands and ancestral twine, ancestral twine...

Xavier Rudd, Spirit Bird

16 juin 2024

08 juin 2024

Célébrer (2)


 ... l'amitié, le courage, la créativité, et la volonté de ne pas se laisser abattre. Ah mais !

30 mai 2024

Célébrer

Ca tanguait pas mal ces dernières semaines, et puis il a suffi d'une soirée douce d'anniversaire pour renouer le fil - peut-être grâce aux quelques jours qui avaient précédé, peut-être grâce au lieu et au cadeau choisis avec une vraie attention, intention, peut-être grâce à la bouteille de Pouilly-Fumé qui a remis de la parole là où elle commençait à disparaître dangereusement, peut-être grâce aux heures qui ont suivi. Il n'y a pas de photos de cette soirée des 50 ans de Samir ; mais peut-être n'est-ce pas un hasard (nous aurions pu demander au serveur), tant l'enjeu de ce moment était de restaurer quelque chose de l'intime. Pas de bougies (si, juste une le lendemain matin, date exacte), de bruit, de monde - juste être ensemble. 

27 mai 2024

Poupées russes

Dans la formation, il y avait la joie de retrouver l'enseignement fluide et profond dispensé par Nicolas, et d'une immersion dans un groupe de thérapeutes expérimentés, tous ouverts à la dimension transpersonnelle, de retrouver des visages connus et d'autres nouveaux.

Dans ce groupe, il y avait cette petite coloc de 6 avec laquelle j'ai partagé une petite maison de bois, comme un chalet de sports d'hiver. Et dans ce groupe de 6, il y avait celles que je connaissais déjà, et celles que j'ai découvertes, retrouvailles ou rencontres, bonheur. Et dans la formation, au-delà d'une pléthore d'outils de travail et de réflexion puissants, il y avait ce fil de l'invisible, et l'ouverture aux autres dimensions, et la joie d'en être témoin, et puis le privilège d'expérimenter à nouveau, au milieu d'un groupe restreint et bienveillant.

Ces expériences-là ne se laissent pas facilement attraper par des mots ; mais petit à petit elles construisent pour moi un nouvel être-au-monde qui va bien au-delà du professionnel. Cadeau... moi qui me sentait me rétrécir, presque me recroqueviller depuis plusieurs semaines, j'en suis ressortie debout, grandie, et l'esprit clair. Avec en guise de viatique ce très beau texte, attribué à tort à Mandela : 

Notre peur la plus profonde n’est pas que nous ne soyons pas à la hauteur, notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toutes limites. C’est notre propre lumière et non notre obscurité qui nous effraye le plus.

Nous nous posons la question: “Qui suis-je, moi, pour être brillant, radieux, talentueux et merveilleux?” En fait, qui êtes-vous pour ne pas l’être ? Vous êtes un enfant de Dieu. Nous restreindre, vivre petit ne rend pas service au monde.

L’illumination n’est pas de nous rétrécir pour éviter d’insécuriser les autres. Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous. Elle ne se trouve pas seulement chez quelques élus, elle est en chacun de nous, et au fur et à mesure que nous laissons briller notre propre lumière, nous donnons inconsciemment aux autres la permission de faire de même. En nous libérant de notre propre peur notre puissance libère automatiquement les autres.

Marianne Williamson

26 mai 2024

Emue aux larmes

Jour de fête des mères

J'en profite pour revenir sur un sujet sur lequel nous n'avons pas échangé : la remise de diplôme de votre fils, à Berlin.

Je me mêle peut-être de choses qui ne me regardent pas, mais ... mais ... je ne sais pas si quelqu'un vous l'a déjà dit, alors je vous le dis moi, de là où je suis pour vous :  cette remise de diplôme était aussi LA VOTRE.

Certes c'est Léo "qui a fait le taf" et il mérite amplement les félicitations et les honneurs de cette cérémonie. Mais c'est VOUS, et uniquement vous, qui avez rendu cela possible. 

Quasi sans aucune aide, jamais. Avec votre énergie seule, votre volonté et vos "petits poings", vos doutes et peurs, vos moments de découragement surmontés, votre courage d'oser le meilleur pour vos rejetons, votre opiniâtreté et imagination pour trouver des solutions improbables, et ... vos sacrifices matériels et personnels pour cela.

Bref votre amour inconditionnel pour vos enfants. 

Alors voilà, en ce jour de fête des mères, je décrète du haut de mes non-pouvoirs, que ce diplôme est aussi le vôtre.

Merlin.

20 mai 2024

21 ans


Chaque année, il y a des photos d'anniversaire - et c'est chouette. D'une année sur l'autre, parfois les visages changent, ou disparaissent - mais le rituel demeure : se ré-unir. Et quand j'entends les retours de fête de famille des uns et des autres, je me dis que nous avons beaucoup de chance. Parce que c'est toujours doux. Pas de rancunes sourdes ou d'explosions de colère, pas de petites phrases assassines, juste de la douceur, la volonté de chacun de faire au mieux, de faire plaisir, de faire attention

14 mai 2024

Les 50èmes rugissantes


04 mai 2024

Berlin

Léo a beau travailler depuis un an, ce rite de passage d'une remise de diplôme vient tout de même marquer la fin d'une étape, un accomplissement, une reconnaissance officielle du jeune adulte talentueux qu'il est aujourd'hui. Le cadre grandiose (bâtiment de Frank Gehry), les discours, tous ces jeunes gens brillants et ces parents si fiers, c'était très beau, et j'ai versé ma petite larme émue à l'appel de son nom. C'était tellement important d'être là pour lui ce jour-là, avec Elsa, d'avoir fait le voyage jusqu'à Berlin - en train, Master Sustainability oblige !

Et puis ces quelques jours tous les trois à parcourir la ville, je suis tellement consciente que c'étaient des moments privilégiés, si précieux, des souvenirs à partager pour longtemps. J'ai découvert Berlin, que je ne connaissais pas, que j'ai trouvée plus tranquille, plus verte, moins agitée et oppressante que Paris. Ca m'a rappelé nos échanges de maisons précédents - cette fois un charmant studio au coeur de Mitte, ces voyages tous les trois où nous explorions ensemble - ici les vidéos de la chute du Mur (je me souviens tellement bien de ce jour), la porte de Brandebourg, le mausolée de l'Holocauste, à la puissance d'évocation presque aussi forte que celle du Mémorial du 11-Septembre à New York. Et nous avons contemplé la ville depuis le presque ciel de la Fernsehturm. Restée seule quarante-huit heures de plus, j'ai longuement marché le long de l'Ile aux Musées, et adoré l'expo Berlin Global au Humboldt Forum. J'aime profondément ça aussi, visiter seule, à mon rythme, changer d'itinéraire, me perdre, un bonheur que j'avais oublié depuis longtemps.

27 avril 2024

Juliette


"Frisée du tif, ronde du cul" - Juliette n'a pas changé (le cul s'est arrondi un peu plus peut-être). Juliette chante chiens et chats, les lunettes et les poivrons, termine ses rappels par une chanson d'Anne Sylvestre, et ça fait un chouette cadeau d'anniversaire pour ma maman. 

24 avril 2024

Off (the record)


 C'est un de nos talents. Les moments parfaits. Ici, pour un anniversaire à chiffres ronds, une étape inattendue du chemin de Compostelle. 

23 avril 2024

Sourire aux larmes, trouver du charme...

Quel concours de circonstances, quelle facétie de l'Univers a-t-il fallu pour qu'existe ce moment suspendu ? La rencontre de deux solitudes dans un espace virtuel. A croire que mon karma me prédispose à la rencontre improbable. Car non, je n'aurais pas parlé spontanément à ce trop jeune homme charmant et musicien. Et s'il ne l'avait pas fait, nous n'aurions pas très vite découvert d'inattendus terrains musicaux communs. Très, très communs... Assez pour décider de nous rencontrer - sans attentes, mais parce que les synchronicités étaient trop belles. En fait si, j'avais non pas une attente, mais du coup, une rêverie - ce serait un kif incroyable de chanter avec lui, qui a accompagné sur scène de grands noms de la chanson française ?

Quand il a proposé une rencontre non pas dans un café, mais autour d'une guitare, évidemment  j'ai dit oui. Je n'étais pas arrivée depuis dix minutes que nous partagions une de mes chansons absolument préférées.  J'ai vu son regard amusé et surpris lorsque j'ai fredonné la deuxième voix du refrain : rien que pour ces minutes-là, ça en valait la peine. "C'est incroyable que non seulement tu connaisses celle-là, mais aussi la deuxième voix, même moi je ne la connais pas ?!"

Le reste de la soirée, nous avons refait le monde de la chanson française, chantonné des trucs, écouté d'autres, évoqué des souvenirs de concerts, parlé juste un peu de nos vies. Et nous nous sommes quittés... enchantés, sans qu'il se soit rien passé - je ne voulais rien qui puisse gâcher ce moment parfait, respectueux, tendre comme on peut l'être dans la conscience d'une fragilité réciproque. Un moment funambule...

21 avril 2024

Sorcières de Bretagne

Ca m'a fait un bien fou. Découvrir un coin de Bretagne époustouflant, sous un soleil inespéré. et notamment une balade à pied vers une île, accessible seulement à marée basse, ce qui signifie concrètement marcher au milieu de la mer, sur d'immenses étendues de sable entourées de rochers, puis découvrir un petit paradis boisé et des plages de sable blanc aux eaux turquoise. Un monde extraordinairement sensoriel - le sable sous les pieds nus dans l'eau, la caresse du soleil ou le souffle coupant du vent, le toucher du granit, l'odeur des pins, et les couleurs : nous sommes partis sous un ciel chargé, sous des nuages en camaïeu de gris qui semblaient prêts à crever en orage, pour terminer par un bain de lumière éblouissant, au-dessus d'une eau qui reflétait toutes les nuances de vert et de bleu imaginables. Une immense bouffée d'oxygène, de nature, de connexion aux éléments.

Retrouver l'incroyable fluidité de nos échanges avec Cécile, Charlotte et Stéphanie - ce petit groupe pourtant récent dans ma vie mais qui semble être une évidence, une histoire qui va se poursuivre - des femmes thérapeutes, indépendantes à bien des titres, éprouvées par la vie mais curieuses de tout, prêtes à expérimenter autant qu'à questionner leurs expériences. C'est un tel bonheur ces conversations profondes et rieuses à la fois ! 

Nous avons terminé avec une expérience qui nous ressemble - gentiment barrée, celle du chant vibratoire ; une expérience incroyablement ludique et énergisante, quel plaisir de jouer avec le son... Un week-end de rêve, ça faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi pleinement moi-même, aussi vivante, aussi vibrante, et en même temps dans une telle simplicité : du soleil dans un jardin, de l'intimité et de la confiance, des repas délicieux préparés ensemble, nous nous sommes dit à plusieurs reprises que c'était ça, le bonheur !

11 avril 2024

Y avait longtemps

 ...que je n'avais pas eu à nouveau ce ressenti (cyclique et sans doute inévitable) de saturation, éponge pleine côté perso comme côté pro. Inquiétude, impuissance et frustration. Les larmes qui affleurent, la gorge qui se serre - tiens tiens, je les reconnais.

Avec leur cohorte de troubles du sommeil, coups de barre massifs (chutes de tension ?) et pics anxieux. Ce qui repose la question du, et moi, qui prend soin de moi ? Je sens revenir l'épuisement, le manque de distance, la tentation de l'action-réaction... et l'envie de douceur, de sollicitude, de temps... Une irritation latente aussi - il n'y en aurait pas un pour me tirer vers le haut ? Est-ce que c'est toujours à moi d'être l'oreille, le porteur de projets, l'Elastigirl ? Dans le cadre professionnel, il n'y a pas plus le choix, mais peut-être à repenser encore le temps de travail et puis indéniablement en ce moment, il y a des situations particulièrement lourdes aussi. Et de la lassitude.

31 mars 2024

Toucher l'instant

Donc ce week-end nous avions des jumeaux de huit ans survoltés, un amoureux-couteau-suisse (ou kabyle ?), une grand-mère pas vraiment en état de marche (mais la tête va bien, merci), un jeune adulte récemment échappé d'un ministère (et une petite fleuriste qui brillait par son absence). Comme l'écrivait Halo : The concept of family is an interesting one. The definition that I like: a group consisting of parents and children living together in a household.

Voilà. Peut-être que c'est mon talent spécial, la création de tribus éphémères, inattendues et multiples. Ne pas être dupe de ce que chacun met de côté d'épuisement, de difficultés diverses ou de fragilité (un peu comme ici), mais réunir par le jeu, la bonne cuisine, le rire ou la beauté. La tendresse silencieuse. Les petits gestes. Prendre soin, autant que possible. C'est fatigant, parfois, mais c'est doux aussi.

Un coucher de soleil, des huîtres, des moules et des coquilles Saint-Jacques (pas le même jour !), un volley sur la plage, un nouveau jeu à découvrir ensemble, des œufs de Pâques cachés dans le jardin, une bouteille de champagne, un dessin de lune et des blagues de Toto, un brunch avec des œufs à la coque, écrire nos prénoms sur le sable (et nous faire encercler par la marée), un blind test Disney-Pixar, du bon vin, des fraises et des asperges du marché, des siestes, des ciels de toutes les couleurs (mais majoritairement ensoleillés), prendre le temps de cuisiner, de faire la vaisselle en dansant, de préparer un vrai café qui sent bon - autant de prétextes pour juste être. Là. Prendre le temps surtout de la gratitude, de la conscience de ce qui est précieux ici.

C'est tout sauf une légende, on espère juste toucher l'instant
Les quelques secondes du poète qui échappent à l'espace-temps
Les moment rares et irréels que la quiétude inonde
Rouda, n'oublie jamais notre parole du bout du monde
On ressent comme une coupure dans la vie, comme un rêve
On oublie les coups durs de la vie, comme une trêve (...)

Grand Corps Malade

26 mars 2024

Eternel retour

Pourquoi reprendre un travail sur moi quand tout va à peu près bien, quand même les secousses inhérentes à toute vie semblent pouvoir êtres accueillies avec une certaine tranquillité ?

Parce qu'on ne cesse jamais de croître, que ce travail n'a à proprement parler pas de fin, et que cette croissance nourrit aussi mon exercice professionnel.

Parce que je me rends compte que ce pli de mettre de côté mon propre ressenti, héritage de mon histoire autant que de ma pratique, ne sera jamais totalement défroissé.

Parce que dans ce métier où je me rends chaque jour infiniment disponible pour l'autre, navigant heure après heure dans des mondes plus ou moins rudes émotionnellement, il est doux pour moi de pouvoir être à mon tour accueillie.

De temps en temps, ne plus être celle qui écoute, mais celle qui est écoutée, et mieux encore, vraiment vue.

23 mars 2024

Aller vers la lumière

Je pense que le monde tient dans un équilibre, pour moi il y a autant d'ombre que de lumière sinon je pense que tout cela n'existerait pas. C'est aussi à nous ce travail à faire de vraiment d'aller voir notre lumière. Il y a le travail à faire sur l'ombre mais je dirais que le plus important...

On est une société où on cherche à guérir guérir guérir, mais je pense  que chercher la lumière, cultiver la lumière, parfois ça aide plus à guérir que de patauger dans quelque chose qui ne serait QUE "guérir, guérir" parce qu'en fait à ce moment-là vous vous envoyez un seul et même message : je veux guérir guérir ben c'est que je suis malade malade malade ! Donc peut-être que de cultiver la lumière, vraiment se désidentifier de soi-même, rejoindre cette part intérieure qui  est vraiment une présence-absence aimante, quand on goûte, quand on touche, quand on fait cette expérience, on est changé pour la vie ; et à ce moment-là, de surcroît, arrivent des guérisons par miracle.

Audrey Fella, interview Zeteo

Oui. C'est ce qui m'a fait passer de la psychanalyse, de sa fascination stérilisante pour le meurtre et l'inceste, de son goût grandiloquent pour la tragédie antique (en toute humilité) et pour le pire du pulsionnel en nous, à la psychothérapie relationnelle et transpersonnelle. 

15 mars 2024

Avance sur printemps


Premiers repas dehors, premières balades en t-shirt, cette année à Cassignas j'ai rencontré trois chats câlins, un prof de yoga, une potière transgenre et un incroyable chêne multi centenaire. Nous sommes si petits...

03 mars 2024

Prendre soin

Bien sûr, il s'agit de moments rares, et pas du tout de mon quotidien professionnel. Et, en l'occurrence, de deux patients que j'ai suivi sur des années, et qui m'ont je crois appris autant que ce que je leur ai apporté. Au-delà du cadre, des rencontres.

Le premier est revenu hier pour une séance de clôture profondément émouvante, nommer ceci : oui, je lui ai sauvé la vie le jour où je l'ai fait hospitaliser en urgence. S'en est suivi un échange très fort sur le lien thérapeutique, ce drôle de rapport asymétrique où l'un ne sait rien de l'autre, et qui peut pourtant être un repère décisif, une rencontre qu'on n'oubliera pas. Sur ce métier où l'on accueille avec ce que l'on est, où l'on ne travaille bien qu'en acceptant d'être touché, ému par l'autre. Sur la juste distance thérapeutique, qui n'est ni amitié ni froide neutralité, mais accueil et pas de deux, travail d'équipe. Ex-enfant profondément blessé et autrefois amer, il s'apprête aujourd'hui à fonder une famille, et cultive son jardin au sens propre comme au sens figuré. "J'ai beaucoup grandi", me dit-il.

Pour la seconde, j'ai aménagé le cadre comme pour personne d'autre avant elle, m'adaptant à ce que j'analyse aujourd'hui comme les besoins d'un nouveau-né entre la vie et la mort. L'espace, le temps, le contact pendant et entre les séances, il n'y a rien qu'elle ne m'ait fait interroger, ajuster, et transformer. Jusqu'à le mettre en œuvre dans la réalité, lors d'une séance par téléphone au décours d'une hospitalisation pour une tentative de suicide, lors de laquelle nous ne savions pas si elle allait survivre à son geste. Séance dont elle dit aujourd'hui que c'est le seul contact humain ressenti comme réel qu'elle ait eu pendant cette semaine-là. Aujourd'hui la "nouvelle-née", a bien grandi, (se) pose de toutes autres questions, et interroge d'elle-même la possibilité de commencer à se séparer, et d'espacer nos rencontres. Et je suis d'accord, c'est juste.

(Elle n'a pas tout à fait fini de grandir cependant ; avant une séparation d'un mois pour des raisons professionnelles, elle a évoqué Zou le petit zèbre, un album pour enfants dans lequel ses parents lui préparent une boîte à bisous pour chaque jour d'absence. :-))

28 février 2024

En quête

Un constat ces dernières semaines : mon âme tend à me mettre à la diète. En tout cas, ce qui me faisait envie avant, ne me nourrit plus. Dans le choix de mes lectures, de ce que je regarde ou écoute, il se passe quelque chose de nouveau.

Les films et les séries m'ennuient de plus en plus souvent, je suis ressortie ce matin les mains vides de ma librairie (événement inédit), je questionne de plus en plus le bon usage des informations - être coupée du monde, non, mais être intoxiquée quotidiennement par l'anxiété et l'impuissance devient de moins en moins possible.

Je ne suis pas devenue blasée, ou moins sensible à la beauté pourtant - alors je devine une évolution silencieuse, un appel croissant à quelque chose que je ne sais pas encore nommer. Comme si quelque chose en moi faisait un tri spontané, éliminant le trop attendu, le "consommatoire", le superficiel pour aller vers ce qui me touche, m'enthousiasme, m'émerveille, me donne matière à penser. 

Des podcasts inspirants, un roman utopique mais qui laisse profondément à réfléchir (Les Déliés), des musiques lumineuses - sacrées ou joyeuses, une envie de mouvement, dans la danse ou dans le sport, relire aussi plutôt que d'empiler les bouquins neufs - revenir aux sources - je viens de retrouver, comme on retrouverait un vieil ami, Le billet d'excuse, de Christian Bobin.

Peut-être Bobin ne parle-t-il que de cela d'ailleurs - du pas de côté, du silence, de la contemplation - "ne pas céder à l'imaginaire du plein".

22 février 2024

Humilité

La vérité, c'est que je ne sais pas. Et que je suis profondément perplexe (et parfois vaguement envieuse) lorsque j'entends des collègues thérapeutes être si affirmatifs quant à leurs théories, leurs méthodes et leur efficacité. Et déjà par principe, s'ils se réclament d'une seule, je fuis. Rien de plus terrifiant que les monomanies théoriques, l'intégrisme conceptuel, lorsqu'il s'agit de l'humain.

Pour ma part, ma conception fondamentale reste celle énoncée par Victor Raimy en 1949 : "La psychothérapie est une technique indéfinie, appliquée à des situations imprécises, avec des résultats imprévisibles. Pour l’acquisition de cette technique, une formation rigoureuse est souhaitable."

Lorsque la souffrance d'un patient diminue, ou lorsque je le vois évoluer dans ses choix et dans sa vie, qu'il s'agisse d'un suivi bref ou d'un accompagnement à long terme, je peux espérer (et parfois raisonnablement penser) y avoir contribué. Il m'arrive d'en être à peu près sûre, et aussi que cela soit confirmé par les principaux intéressés.

Mais restons modestes : je pense que la vie est thérapeutique. Que les rencontres, l'amitié, l'amour, et même parfois les accidents de parcours sont thérapeutiques. Que pour ceux de mes patients qui bénéficient de prises en charge complémentaires, qu'elles soient psychiatriques ou médicales, ou moins balisées - kinésiologues, naturopathes, mediums et autres chamanes, je serais bien en peine d'attribuer un "coefficient de guérison" à l'ensemble de leurs expériences vécues.

Formée à différentes approches, hantée par la certitude de l'être toujours insuffisamment (et c'est vrai : je ne suis pas une théoricienne), ma seule conviction aujourd'hui est celle que ce qui soigne avant tout, toutes théories confondues, c'est le lien. La qualité de l'alliance thérapeutique, autrement dit, de la présence humaine incarnée. L'expérience que je me reconnais le plus volontiers aujourd'hui, c'est celle de l'être-là. Ainsi que la liberté croissante dans l'expression de mes intuitions, dans le fond comme dans la forme.

Pas une technicienne, mais une tisserande, une passeuse, une passerelle. Et à cet endroit-là, il y a parfois des petits moments de grâce. D'inspiration. Un de mes maîtres parlait de cet instant où l'on s'efface, un autre de la transe du thérapeute, un autre encore d'un artisanat - je crois qu'aujourd'hui les seules formations qui vaillent - pour moi - sont celles qui m'amènent là.

Sujet de philo


 Vrai ou faux ? Argumentez. (Vous avez quatre heures...)

20 février 2024

#résilientes


On a causé veuvage, maladies graves, enfants en souffrance psy, établissements scolaires indélicats, employeurs toxiques, mammographies et dépistage du cancer colorectal, mais aussi Vinted, bijoux, déco, cuisine, animaux totem, jeunes générations en résistance, lectures qui sauvent, et sur tous les points, on a beaucoup ri - mes copines sont des warriors. Et moi aussi. Ah mais !

18 février 2024

Un dimanche mère-fille



L'Egypte à l'Atelier des Lumières, et le revival des Années Twist vu à la création du spectacle il y a... quasi 30 ans (ooops). Pour la petite histoire, dans la nouvelle équipe, deux enfants de la troupe de 1996... c'est joli ! Tous d'excellents chanteurs, danseurs, et une bonne humeur communicative - j'adore cet répertoire, léger et joyeux, que j'écoute souvent pour le plaisir.

08 février 2024

Sorcières

Nous avons besoin de guérisseuses, de femmes qui ont traversé l'enfer et en sont revenues, apportant avec elles l'innocence et la pureté.

Des femmes qui voient l'âme, l'écoutent, lui insufflent les vibrations de l'amour, des mots magiques, des chansons douces.

Des femmes qui peuvent caresser l'âme.

Elles tiennent la main d'un enfant blessé, d'une fille blessée et les soulèvent pour regarder l'arc-en-ciel.

Des femmes qui parlent aux arbres, aux pierres, aux animaux, aux montagnes, à l'eau, qui les écoutent, les comprennent, les conseillent. Elles les aident, les soutiennent.

Des femmes qui ont guéri leurs blessures émotionnelles, la violence, construit leur estime de soi, appris à s'aimer, à aimer, à dire non.

Les femmes qui connaissent les herbes, les fleurs, les arts magiques et ont appris à ne pas en avoir honte.

Des femmes qui, lorsqu'elles bougent, sont accompagnées de rangées d'Anges, et leur mouvement est comme une danse d'énergie, à différents niveaux.

Les femmes qui honorent leurs racines en les transformant et en apportant une nouvelle lymphe à l'arbre.

Des femmes qui ne sont plus des victimes, mais des choix opérants...

Des femmes qui peuvent aider d'autres âmes à se libérer, qui possèdent l'art sacré de la guérison, fruit d'un long parcours de guérison.

Des femmes qui s'expriment en étant humbles, car elles n'ont plus besoin d'être vues par les autres, elles ont pris conscience de qui elles sont.

Elles se sont vus honorées par des bénédictions.

Des femmes qui savent qui elles sont, des femmes qui servent le monde... 

Valeria Boari

04 février 2024

Bonheurs simples

16 janvier 2024

Deux ans déjà ???

14 janvier 2024

Duo de choc

Elles sont pas magnifiques ces grands-mères ?
Elles sont pas magnifiques ces grands-mères ?

13 janvier 2024

Barbelés

C'est une image qui s'est imposée ce samedi soir. Depuis le premier jour, nous savons que cette histoire est un petit miracle funambule, qui peut se déployer dans un espace défini, un périmètre de sécurité soigneusement balisé par une intelligence réciproque de la situation et, dans une certaine mesure, de l'autre. Un espace cependant cerné de barbelés - sans possibilités d'un après ou d'un autrement. Tant que nous ne les touchons pas, ça danse...

Et lorsque nous les touchons ? Ça pique. Et ça pique d'autant plus fort que nous faisons mine de les ignorer le reste du temps.

04 janvier 2024

When you wish upon a star


C'est un mystère pour moi la façon dont dans ce lieu, des enfants de tous les âges et leurs parents peuvent faire des heures de queue pour chaque attraction sans rechigner et sans se disputer. Ils doivent mettre du CBD dans le pop-corn... Moi je suis très bon public pour tout ça, j'ai refait avec plaisir Space Moutain, Star Tour et le petit train de la mine (mon préféré), et oui, je l'avoue, j'adore la parade à la nuit tombée avec ses chars super kitsch, sa musique sirupeuse et sa fausse neige sur Main Street.

En repartant nous avons voulu chacun un petit doudou-souvenir de cette journée, et nos choix m'amusent beaucoup : Naïm a pris Abou, le singe rigolo et malin d'Aladdin ; Imrane a choisi Yoda - le petit-grand-sage à la parole rare ; et moi, j'ai opté pour Stitch, cet extra-terrestre qui se trouve une famille d'adoption.

02 janvier 2024

01 janvier 2024

Faire confiance à la vie !


Je l'ai beaucoup partagée celle-ci,
j'aime son petit côté gentiment impertinent... et plus profond qu'il n'y paraît.

31 décembre 2023

Finir en douceur


 

28 décembre 2023

27 décembre 2023

Lumilutine !

24 décembre 2023

It begins to look a lot like Christmas


Pour un Noël simple et doux : ouvrir aux esseulés (adoption de Rose, d'Amaury et de Danièle), multiplier les bougies, faire des petites surprises (les fortune cookies), cuisiner maison, apprécier les petits et grands cadeaux attentionnés. C'est vrai, on a finalement séché la messe, mais la joie, le partage et les lumières étaient là quand même.

21 décembre 2023

Sacré

Il y a depuis la petite enfance jusqu’à la tombe, au fond du cœur de tout être humain, quelque chose qui, malgré toute l’expérience des crimes commis, soufferts et observés, s’attend invinciblement à ce qu’on lui fasse du bien et non du mal. C’est cela avant toute chose qui est sacré en tout être humain.

Simone Weil

20 décembre 2023

J'aurais voulu être un artiiiiiiiiiste...


Comme l'indiquait l'enveloppe annonçant le cadeau, "pour la meilleure des mamans de la part de ses deux enfants chéris et parfaits - préférés (car uniques)". Et c'était vraiment double cadeau de retrouver ces chansons que nous aimons depuis toujours dans une spectaculaire mise en scène, et de le vivre tous les trois. Ça a du bon d'avoir des enfants adultes...

13 décembre 2023

Parents pour toujours

"Lors de mon week-end chez Christiane, nous avions beaucoup échangé sur la complicité avec nos adultes-enfants, toujours nos enfants mais des adultes-enfants qui construisent leurs choix.

Et notre accompagnement évolue, se transforme, régresse parfois, l’adulte-enfant-petit refait surface, nous devenons « déchiffreurs » des bas bruits.

La position de parents, s’invente en permanence, se fourvoie aussi, c’est le rythme vivant."

Eric

Les adultes-enfants parfois, et nous comme déchiffreurs des bas bruits, j'adore les formulations d'Eric, dans lesquelles je me reconnais totalement.

08 décembre 2023

Ce qui vient au monde...

...pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience. - René Char.

Il y a les étudiants et puis, il y a les désormais jeunes adultes de notre entourage, nos enfants devenus grands. Je me rends compte que j'adore les échanges avec cette tranche d'âge, que je trouve toujours mutuellement enrichissants. Peut-être parce qu'une part de moi est indécrottablement dans ces questionnements existentiels de la vingtaine - le sens, la remise en question, la création, le désir d'une vie vivante - voir le post Rencontre - et qu'en même temps il y a un vrai bonheur aujourd'hui à garder une distance amusée et tranquille, la conscience de dimensions qui leur échappent encore, et j'espère, un peu plus de nuances, mais c'est joli d'avoir vingt ans et cette exigence, cette intransigeance parfois.

C'était un plaisir hier d'inviter mon filleul à la Manufacture, déjà pour partager avec lui ce lieu chaleureux que j'aime particulièrement, et de confirmer notre goût commun pour les conversations réelles. Nous avons causé bouquins, cinéma, philo, poésie, cuisine et bons vins, mêlé dans la même conversation René Char, les Lettres à un jeune poète, le musée d'Orsay, les YouTubeurs et We're not really strangers, et passé tous les deux, je crois ! une charmante soirée.

07 décembre 2023

Dans un souffle

Ce qui compte c’est le spirituel, et le spirituel c’est le noyau sauvage, la pudeur affolée dont les religions ne sont qu’une piètre traduction, un apprivoisement.

L’esprit c’est le vent, les rafales de vent sur les dunes des phrases des livres saints. La grande, l’unique liberté. On voit passer l’esprit dans les yeux en flammes de quelques gitans, de quelques poètes, de nombreuses personnes simples et ignorées du monde, dont le rayonnement dans l’invisible est plus fort que celui d’une étoile à son apogée...

Est spirituel ce qui, en nous, ne se suffit pas du monde, ne s'accommode d'aucun monde. C'est quand le spirituel s'affadit qu'il devient du «religieux».

Je n'aime pas ceux qui parlent de Dieu comme d'une valeur sûre. Je n'aime pas non plus ceux qui en parlent comme d'une infirmité de l'intelligence. Je n'aime pas ceux qui savent, j'aime ceux qui aiment.

Christian Bobin
Autoportrait au radiateur

04 décembre 2023

Karafun


Quel bonheur de massacrer ensemble Les Magnolias, Du côté de chez Swann ou Mourir sur scène, en sifflant des cocktails ! Quand je pense que j'avais la flemme d'organiser quoi que ce soit pour mon anniversaire cette année… Mais qu'est-ce que je ferais sans ELLES ?

03 décembre 2023

L'amour a ses raisons

Je parlais à un ami de ma relation avec Samir, qui continue de nous surprendre l'un et l'autre - nous sommes tellement différents, avec des vies qui semblaient si peu faites pour se rencontrer, et nous avons de temps en temps je crois chacun des "moments d'étrangeté" face à l'autre - et puis j'ai dit - à ce jour, je me sens aimante et aimée, et cet ami a conclu : c'est l'essentiel, que demander de plus ? Et je suis d'accord. L'identité culturelle, les facilités matérielles, c'est sûr, ça aide, et ça ferait une vie tout à fait différente, mais ça ne suffit pas… et cette sensation de douceur et d'intelligence réciproques, elle ne s'achète pas, ni n'est garantie à terme par la proximité sociologique.

Donc - nous avons de la chance. Et peut-être plus en commun qu'il n'y paraît : la gentillesse, le respect, l'attention à l'autre, l'engagement inconditionnel pour nos enfants, l'habitude de nous débrouiller seuls, la sensibilité, la tendresse... et plus parce qu'affinités ;-). Deux des cinq langages de l'amour aussi, le service et le toucher (j'aime beaucoup cette théorie des langages de l'amour, que Halo m'a fait découvrir et que je transmets souvent à mes patients).

30 novembre 2023

Il était une fois

Peut-être tous les spectacles du Cirque du Soleil pourraient commencer comme cela - Il était une fois. Ce serait à chaque fois une histoire différente - il était une autre fois, mais ce serait toujours cet incroyable pouvoir de nous faire, à un moment, décoller du sol pour nous laisser émerveillés, bouche bée devant l'impossible - humains plus qu'humains et comme en apesanteur - un vélo volant, un acrobate sur rouleaux, d'accord, mais sur une balançoire ? La virtuosité technique disparaît derrière une poésie toujours renouvelée - une mer de nuages, des mains animées, un lion invisible, et j'en oublie. On aimerait imaginer le brain-storming qui précède la création de ces bijoux éphémères, ces rêves de gosse où tout est permis - machines volantes, dîner suspendu à quinze mètres du sol, homme-monde cachant dans son gros ventre une vraie petite personne. Pendant deux heures, j'ai retrouvé ce regard qu'on aimerait être celui de l'enfance - un émerveillement pur, un Oh ! sans réserves.

26 novembre 2023

Jour de fête

Une journée si simple et douce, juste tous les quatre - le plus beau des cadeaux d'anniversaire, être ensemble, tranquillement là les uns pour les autres. Partager un bon repas fait maison, une coupe de champagne, découvrir le cadeau des enfants, si LuLu à tous points de vue : trois places pour Starmania - un moment à partager plutôt qu'un objet matériel, pour un spectacle avec les chansons duquel ils ont grandi, et devant lequel je rêvais depuis sa reprise à la Seine Musicale l'année dernière.

De l'écoute, les nouvelles et les projets de chacun, le regard sur le monde de ces jeunes adultes, des câlins pour tous, un jeu, un peu de musique en fond sonore : un moment si chaleureux et lumineux que j'avais l'impression que nous étions au coin d'un feu de cheminée.

25 novembre 2023

Old friends

23 novembre 2023

On the sunny side of the street


Irréductible fan des comédies musicales, j'ai longtemps eu envie de faire des claquettes. Et le répertoire jazz swing des années 30 me met irrésistiblement de bonne humeur : Close the shop and get your hat - leave your worries on the doorstep... Du coup, cette année, je me suis lancée dans le lindy hop, cet ancêtre du rock-and-roll, en plus sautillant et détente - imaginez des pas de charleston mais en danse à deux, impossible de ne pas ressortir de cours avec le sourire (tellement fan que je fais aussi de temps en temps des ateliers de solo jazz - la même chose mais en lignes, façon troupe de Fame - I'm gonna live for ever...)

Ce n'est pas mon premier cours de danse - j'ai fait du modern jazz, de la danse orientale, du tango ; je suis généralement une élève lente, à la coordination motrice approximative, mais volontaire ; là je n'ai jamais été aussi enthousiaste ! Ça m'amuse, ça me fait bouger - indispensable quand on a les fesses vissées sur son fauteuil à longueur de temps, bref, ça m'enchante !

Donc - je me suis fait le meilleur cadeau d'anniversaire possible - hier je me suis offert deux heures de cours particulier à domicile avec Romain, notre prof de groupe, et c'était un super kif ! Déclic, progrès, j'ai plus avancé en deux heures qu'en un trimestre et surtout, j'en suis sortie avec une énergie incroyable, et l'envie de danser encore plus souvent. Trop bien !!! Comme dirait Romain.

19 novembre 2023

Il faudra que je me souvienne...

Ce pourrait être une idée d'écriture lors de chaque nouvelle rencontre - je pense aux histoires d'amour mais on pourrait l'élargir à tant d'autres choses. "Il faudra que je me souvienne", quand tu ne seras plus là, ou quand l'histoire sera terminée, ou quand tu auras quitté ce monde... (C'est en partie la raison d'être de ce blog au demeurant - se souvenir). Il faudra que je me souvienne - de la joie dans tes yeux à chaque fois que nous nous retrouvons, de la douceur de ta peau, des enfants qui se sont glissés dans notre lit ce matin, et de tellement d'autres choses encore.

16 novembre 2023

Rencontre

Régulièrement, dans mon travail auprès des étudiants, il y a des rencontres. Une accroche, une alliance, une émotion qui feront peut-être que ces quelques entretiens, puisque l'idée n'est pas de se substituer à un suivi, laisseront une trace, sèmeront une petite graine sur leur chemin.  

Bien sûr, je fais au mieux pour que tous se sentent accueillis, entendus, et ça fonctionne globalement plus ou moins. Mais force est de constater qu'il y a parfois des rencontres inspirées, quelque chose de l'être à être qui ne se décide ni ne se prévoit. Ce soir il y avait ce jeune homme dans un cursus scientifique top niveau, mais aussi, et peut-être d'abord musicien et poète, avec lequel l'échange est si étonnamment fluide et joyeux, malgré son désespoir et sa lucidité ravageuse, ou plutôt sans doute grâce à eux - il y a là quelque chose que je reconnais, qui ne m'effraie pas, et que je peux par conséquent accueillir.

Un amoureux des mots avec lequel dès le premier entretien il a été question de La Tordue et des Têtes Raides (j'avais presque oublié la subtilité de l'écriture des premiers, redécouverte grâce à lui), du Mal de vivre de Barbara (nous avions gentiment bataillé sur le vers qu'il avait cité spontanément : La solitude ou Le mal de vivre ? - c'est lui qui avait raison), de cette citation de Karen Blixen que j'affectionne tout particulièrement sur l'eau salée qui guérit de tout parce qu'il partait naviguer pour la première fois, des Oiseaux de passage suite à la lecture du poème qu'il venait de composer - un texte remarquablement abouti dans le fond comme dans la forme. Un long et dense poème en vers qui s'achevait par, je mourrai vivant - phrase qui prend une résonance bouleversante lorsque l'on connaît son histoire.

Peut-être suis-je aussi d'autant plus touchée qu'une part de sa difficulté à vivre provient du fossé créé par l'incommunicabilité de son expérience de vie à des jeunes gens de son âge, lui qui a été confronté si intimement à la question de la maladie et de la mort dès ses premières années. Et qu'ici, dans ce lieu de passage, quelque chose peut en être dit. Même si, comme je l'ai lu quelques jours plus tard à propos d'un tout autre contexte "Ceux qui ont vécu (...) n'ont besoin d'aucune explication ; quant aux autres, ils ne peuvent ni comprendre ce que les survivants ont éprouvé alors, ni ce qu'ils éprouvent aujourd'hui."

(NB : c'est probablement vrai de tous les survivants, quel que soit l'événement auquel ils ont survécu)

Je ne prétends pas comprendre en effet. Mais je peux être là, écouter pleinement et tranquillement. Etre dans cette "observation non intervenante d'un soignant non angoissé", comme l'écrit Winnicott - quelque chose d'une bienveillance implicite. Rire ou tout au moins sourire avec lui, un rire qui ne doit rien au cynisme mais plutôt  à une reconnaissance commune de la précarité de nos existences.

13 novembre 2023

L'un ou l'autre ?


Hier je suis allée voir Simple comme Sylvain, cette comédie douce-amère sur un improbable couple entre une prof de philo et un menuisier. La réalisatrice aussi s'intéresse à la philo, et en profite pour disserter sur les formes et les impasses de l'amour... Est-ce qu'il y a une troisième voie entre les amours conjugales qui s'étiolent au mieux en amitiés somnolentes dans un quotidien tue-désir et les coups de cœur (et/ou de cul) sans territoires communs ni projets imaginables ? Mais à quoi bon faire des projets, si tout est voué à se défaire ou à devenir un trompe-l’œil ? Est-ce que les amours sans engagement seraient finalement plus profondes qu'il n'y paraît, parce que l'absence de dépendance, de conventions obligerait à plus de respect et à plus de créativité, et à une forme d'honnêteté sur la fragilité des liens et des êtres ? Mais aussi, est-ce qu'il n'y a pas une forme de paresse, ou de lâcheté (et la garantie de déceptions récurrentes) dans le fait de ne pas chercher à construire quoi que ce soit ? Et puis, c'est quoi le bon dosage ressemblances sécurisantes / différences inspirantes ? Je ne sais pas... toujours pas !

05 novembre 2023

Résurrection !

C'est un peu vexant que ce soit dû à l'industrie pharmaceutique, mais je revis. Sommeil OK, bouffées de chaleur disparues, neurones retrouvés, et je n'ai plus l'impression d'avoir 120 ans. Ni de réflexions inquiètes de mes patients - vous avez l'air vraiment fatiguée aujourd'hui ?

Du coup je redeviens curieuse. Vu deux films délicieux, Les enfants des autres, et je me suis reconnue dans ce lien fort et fragile que l'héroïne tisse avec la fille de son nouveau compagnon, cet exercice de funambule qui lui fait dire, mais tout ce qui vous arrive à vous m'arrive un peu à moi aussi ? Et puis Mes rendez-vous avec Léo, un petit bijou d'humour, de subtilité et de délicatesse, sur un sujet qui aurait pu être scabreux s'il n'avait été porté avec autant d'élégance par la délicieuse Emma Thompson - quand je serai grande je veux être Emma et sa façon de pouvoir dire ou faire à peu près n'importe quoi tout en restant classe, et ce personnage de femme mûre qui se découvre, quel bonheur...

Je redeviens aventureuse aussi, emmène mes patients - grâce à leur confiance, merci à eux - dans des voyages hypnotiques qui se révèlent initiatiques, ou dans l'exploration de ressentis d'avant leur venue au monde, dont ils - elles en l'occurrence - reviennent étrangement apaisées... 

Et plus libre que jamais avec les étudiants - n'ayant pas de responsabilité "thérapeutique" dans ce cadre, je deviens je crois soignante précisément de par la liberté que cela me donne - la possibilité de l'humour, de la complicité dans les références culturelles partagées ou suggérées, du dévoilement mesuré ou sous-entendu, du conseil ou tout au moins de l'indication parfois. Non que j'en sache forcément davantage, mais je suis sans doute un petit peu plus loin sur la route.

Comme cette étudiante en philo avec qui évoquer Dufourmantelle et son éloge du risque, les expériences spontanées de conscience élargie, la nécessité de s'ancrer dans le corps et dans le souffle pour ne pas trop partir dans une pensée désincarnée... Et puis il y a ceux qui reviennent de tellement loin et qui vont bien ou presque bien aujourd'hui, et qui sont un vibrant hommage à l'espoir et peut-être aussi au sens de ce travail - Maxime, Elsa, Lunia...

Ce qui pousse aussi, dans son double sens de l'élan et de la croissance végétale, c'est quelque chose de l'appel de la dimension spirituelle - je me suis remise à lire Christiane Singer, me suis amusée de me voir écouter des podcasts cathos, ou essayer de formuler maladroitement quelque chose du "là où j'en suis", quelques convictions encore timides. Tout en constatant à quel point cet appel a en fait toujours été là, dans les émerveillements de l'enfance, dans les lectures de l'adolescence, dans les expériences de l'adulte... ce monde invisible, cousu dans la doublure du quotidien, ce toucher de la Présence dont parle Singer justement.

Et puis il y a à nouveau de l'énergie et de la disponibilité pour accueillir les gens que j'aime, échanger avec mes enfants, avec Maman, emmener les jumeaux au musée, passer du temps avec Céline, avec Stéphane, avec Cécile, avec Dominique, avec Michaële... et avec moi-même aussi - ce week-end je l'ai passé en compagnie de mon chat, avec de quoi écrire, de quoi lire et du thé - ce dimanche, non pas "grasse matinée" mais carrément "grasse journée" (crédit @Soledad) !

22 octobre 2023

Déjà 24 ans ?


J'aime tout dans cette journée : avoir demandé de l'aide aux grands pour ne pas tout préparer seule, et qu'ils aient répondu présent, avoir cuisiné ensemble. Avoir mélangé famille, amours et amis, et tous les âges de la vie. Avoir savouré le privilège d'être là, tous. Et que les jeunes soient tous restés le soir, les grands-mères devant prendre la route avant la nuit.

J'aime bien l'idée de l'assiette en plus, de l'invité(e) surprise  - la présence inattendue de la grande Elsa, notre prof de chant, a fait je crois très plaisir à Léo, et elle était parfaitement à sa place dans notre petite tribu de vrais gentils.

Dans un monde décidément rude actuellement, c'était doux la gentillesse et la générosité qui circulaient - dans les petites attentions pour tous y compris pour les jumeaux, le plaisir de partager un magnum de bon champagne, un vin exceptionnel, un plat délicieux - et nos gâteaux faits maison - et de jouer ensemble aussi, car sans jeux ce ne serait pas un anniversaire de Léo !

21 octobre 2023

Ménoquoi ?

C'est idiot mais... jamais je n'avais envisagé l'arrivée de la ménopause comme une perspective inquiétante. Plus de règles, tant mieux, quelques bouffées de chaleur, so what ? Ce que je n'avais pas envisagé, c'est le sommeil en miettes, le (vrai) brouillard mental, les montagnes russes émotionnelles et même quelques douleurs aussi diverses qu'inhabituelles. Ni le coup de bambou de la confirmation médicale : ah oui, la chute hormonale a été aussi massive que rapide, pas étonnant que le corps et le cerveau rament sévèrement, il va falloir leur laisser un peu de temps pour s'adapter, là.

Bon. Dans les moments où je récupère quelques neurones et où je n'ai envie ni de pleurer ni d'incendier qui que ce soit, j'imagine que ça peut être une expérience, à observer avec curiosité...

Pour toi : prends le temps des décisions très importantes en te posant les bonnes questions pour ton avenir. Après 50 ans, il faut prendre un autre tournant...Même "si on ne paraît pas notre âge"...toutes et tous, on est à notre âge ! (...) La vie est une fleur... hé ! OUI ! Un chemin à effectuer, un carrefour qui arrive... tout simplement, il faut le franchir car à 50 ans, tout à coup... TOUT nous paraît très sérieux ! Le FUTUR t'appartient : tu sais ce que tu as, ce que tu peux supporter, le choix est à toi, tout simplement : A TOI.

YoYo

17 octobre 2023

Loopings

Ces jours-ci ressemblent aux suites de mon précédent Covid - épuisement constant, angoisse diffuse, sommeil fracassé, maux de tête récurrents, vagues de tristesse irrépressible - pas toujours sans raison, mais parfois, si. Il y a une citation qui me trotte dans la tête, je n'arrive pas à la reconstituer, mais c'était quelque chose comme "...ce n'était donc pas le gris qui changeait selon la lumière mais l'humeur du peintre...", et voilà, j'ai le regard gris ces temps-ci, un regard voilé, l'émotion à fleur de peau. Ce soir, j'ai allumé une petite bougie, offerte par YoYo pour mes 50 ans. Un besoin instinctif de chaleur et de lumière.

Il semblerait qu'il y ait peut-être une raison hormonale à tout cela, un virage un peu trop brutal pour que le corps s'adapte en douceur vers la ménopause - peut-être, mais peut-être pas seulement. C'est l'exact revers de la médaille du nouvel élan, une inquiétude, un découragement, un espace-temps qui favorise la lente remontée de ce que j'ai mis de côté pour continuer d'avancer toutes ces années. Des souvenirs, des images, des émotions ressurgissent, plus intacts que je ne l'aurais espéré. Notre inconscient sait, c'est fou : en écrivant ce billet, je prends soudain conscience de ceci : nous sommes le 17 octobre. Il y a quatre ans, Hugo décidait de quitter cette vie - la vague de chagrin,  la petite bougie s'éclairent autrement...

Je me suis si souvent entendue le dire à l'un ou l'autre de mes patients - c'est parce que vous êtes maintenant en sécurité qu'il y a en vous la place pour laisser émerger ce qui demande encore à guérir. 

(Et puis, en médecine chinoise, la ménopause est pensée comme un second printemps, l'ouverture d'un nouveau cycle).

16 octobre 2023

Sur le bout de la langue

J'aime bien quand au hasard des lectures il y a des phrases qui me sautent aux yeux, me parlent au cœur. Cette semaine, dans l'interview d'une jeune chanteuse neuroatypique : "Je n'en reviens pas de me rendre heureuse". J'adore. Et ça me parle. Cette stupéfaction d'une capacité de bonheur autonome.

Et puis, dans un cartel d'expo : "Chez les Dogons, le même mot signifie tisser et parler. Et dessiner revient à tisser les mots entre eux mais aussi les associations d'idées, les affects, les interrogations, avec les pleins et les vides que le tissage produit, en un "donner forme" original et aléatoire." (Une psy qui gribouille en séance sur les dossiers de ses patients) - Moi qui suis une inconditionnelle de la métaphore du lien, du tissage, de la reprise, cette polysémie m'enchante.

Et parfois ce sont les patients qui me les donnent, comme cet étudiant qui, après un riche échange sur les thématiques existentielles, m'a déclamé de mémoire les premiers paragraphes du texte de Stieg Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Un petit moment de grâce suspendu au-dessus de son désespoir. Il m'a signalé une version enregistrée par Les Têtes Raides du texte intégral, je l'ai dirigé vers Yalom en échange.

Ou cette autre, à qui un médecin étranger a demandé, après une série de malaises consécutifs au deuil récent de son père : c'est une "héritation" ? Oui, voilà, exactement : une héritation. La même s'était émue/amusée (émusée ?) d'une annonce RATP sur son trajet, signalant un ralentissement de la ligne pour cause de petit colis délaissé (le pauvre).

08 octobre 2023

Grand cru

Quand on se promène sur ce blog, il est facile de retrouver nos retrouvailles - ce petit groupe qui se balade en France une ou deux fois par an depuis une formation commune en 2006-2007. Avec ses invariants - les longues marches, les rires et les échanges tous azimuts, et ses variations - l'absence de l'une ou de l'autre, les aléas de nos vies, les lieux aussi - Bretagne, Jura, Drôme... et cette année, Bourgogne. 

Mais ce que je garderai cette année, c'est l'émotion d'une dégustation de vins comme nous n'en aurons jamais dans un contexte commercial - faite par le père de mon amie Céline, vigneron à la retraite mais toujours passionné. Parce que le lieu - cette cave fraîche dans une maison bourguignonne, porteuse de l'histoire de plusieurs générations ;  parce que le vin, un Pommard exceptionnel qui nous a fait remonter le temps jusqu'en 1991 ; mais surtout parce que l'homme, d'une simplicité et d'une générosité rare. Du genre à ne pas vendre une cuvée qu'il n'avait pas jugée suffisamment bonne. Mais à faire goûter et à offrir (il ne vend plus) des bouteilles qu'il apprécie toujours. Du genre à laisser une trace émue dans la mémoire d'anciens collaborateurs, longtemps après son départ. Du genre à raconter des histoires incroyables - comment le monde entier, USA, Japon, est venu à la rencontre de ce couple né dans ces côteaux et qui y vit toujours aujourd'hui. Un petit moment d'exception, où l'émotion vient aussi du plaisir à transmettre quelque chose du travail d'une vie, du regard de Céline sur ses parents à travers nos yeux - une fierté attendrie, ou une tendresse fière...

Une dégustation au coeur d'un week-end où l'hospitalité de Denise et Jean nous a enveloppés du début à la fin - maison accueillante, cuisine familiale, souci de l'autre - c'est comme si tout s'était aligné, la météo radieuse, les couleurs de la fin de l'été, et cette douceur tranquille dans nos liens - 2023 fut un grand cru.