18 mai 2019

Les Saintes (ou pas)


...Souvent y a un collier 
Au fond d’leur sac fourre-tout
Qu’elles ont un jour trouvé
Personne ne saura où
Qu’elles me donnent en disant
Il était fait pour toi
Même si tu es belle tout l’temps
C’est bon pour ce que tu as

Une enveloppe de couleur
Dans la boîte aux lettres vide
3 mots, une petite fleur
Et je n’ai plus une ride
Y a toujours un thé chaud 
Qu’attend dans une tasse
Avec pleins de gâteaux
Qu’on papote, qu’on jacasse

Canonisez-les, canonisez-les
Ces bouts d’filles qui rafistolent
Mon coeur blessé et ma vie qui s’étiole
Canonisez-les Monsieur, Ce sont mes boussoles
Et puis ça leur plairait d’avoir dans les ch’veux
Une auréole...

Les Saintes, Amélie-les-crayons

17 mai 2019

Parés à virer

Trop de perfection incite à la paresse : zone de nav' parfaite, météo parfaite, équipage parfait... ce n'est pas demain que je vais me coller à nouveau aux eaux froides, aux courants et aux traîtres cailloux de la Bretagne... qu'espérer de mieux que ce rendez-vous annuel, jamais décevant, toujours différent, dans la lumière des îles d'Hyères ? Une eau un peu plus chaude, la prochaine fois ? Deux ou trois dauphins joueurs ? Il faut bien de nouvelles raisons de revenir.... et la nature offre chaque fois de nouvelles raisons de s'émerveiller - ici, un double arc-en-ciel, dont l'un parfaitement circulaire au-dessus de nos têtes - une lumière de fin ou de début du monde.

Arrivée épuisée, j'en suis repartie - pas moins épuisée en fait, malgré les siestes à bord, mais en équilibre à nouveau, le coeur et l'esprit lavés des histoires trop lourdes des patients, des émotions résiduelles qui s'infiltrent et usent lentement, et de mes propres soucis des derniers mois. Une détox de l'âme en quelque sorte ! Le droit à une respiration, à une parenthèse - sans responsabilité autre que celle de soi-même, pas de famille, pas de travail, et même plus de patrie autre que ces quelques mètres carrés flottants, cette petite communauté humaine éphémère, rieuse et touchante.

Il y a tellement de joies simples qu'on oublie - contempler un coucher de soleil, prendre une bonne douche chaude au port, écouter le bruit des vagues contre l'étrave... découvrir chaque année des lieux nouveaux à terre aussi - cette fois, la fondation Carmignac, tout aussi aussi magique que la fondation Maeght à Saint-Paul de Vence. Une architecture au service des œuvres, et qui se confond avec la nature, de grands espaces lumineux, épurés, un écrin de blancheur dans un écrin de verdure. J'adore aussi lorsque l'art contemporain se fait ludique, comme au Palais de Tokyo : ici un labyrinthe de miroirs dans une bambouseraie (le mot existe, j'ai vérifié), une marche dans le noir, du talc jusqu'aux genoux (infiniment sensuel, j'étais à deux doigts de me rouler dedans).

De tous mes stages de voile, celui-ci aura été le moins voileux pour moi - envie et besoin de me laisser porter. Avec quand même le plaisir de constater que certains automatismes sont acquis, et qu'il n'y a plus guère que les manœuvres de port qui m'inquiètent encore. Non le vrai cadeau cette fois aura été un équipage plus chaudoudoux que nature, une pochette-surprise improbable et complémentaire : une gamine pêchue et débrouille au rire communicatif, un ingénieur discret mais attentif et attentionné, un "génération 56" aux cent vies mais au coeur tendre, ma cousine chérie et bien sûr Yves (un autre 56 ;-)), dont la bienveillance permet sécurité et partage. C'était chouette d'avoir deux grands conteurs à bord ! Et autant d'authenticité, dès nos premiers échanges.

Ce matin j'écoutais Lelouch dire, "Le coucher de soleil est intéressant mais ce qu'il y a de plus intéressant, c'est ceux qui le regardent - le coucher de soleil dans les yeux, il est encore plus beau - je veux dire que j'adore la nature, mais je préfère encore le genre humain." Voilà - moi ce que j'aime dans le bateau c'est aussi, beaucoup, l'humain.


29 avril 2019

Ziggy


Il aurait pu s'appeler aussi Néo, Pixel, Mallow, Pilgrim mais finalement Ziggy, il s'appelle Ziggy... =^..^=

24 avril 2019

Véronique

Jamais un concert ne m'a autant bouleversée - une déferlante d'émotions, certaines partagées avec la salle : celle de la voir debout, vivante - et d'autres plus intimes - un torrent de chagrins et de nostalgies, si emmêlés avec le bonheur de chanter, l'énergie communicative de Celui qui n'essaie pas, ou la douceur de Bahia.

La veille dans une interview elle disait : J'avais en moi un vrai gros sanglot, qui a éclaté un jour. Moi aussi je crois - il a peut-être un peu fondu, hier, ce bloc de silence à l'intérieur... et c'est si étrange d'être submergée à ce point lors d'un concert - libérateur, aussi. Comme si je touchais le chagrin nu des dernières années, mois, semaines, tout ce que je mets de côté au fur et à mesure pour avancer, même pas peur, même pas mal.

Bouleversée pour elle, par elle aussi, si fragile, presque maladroite par moments - je suis une très mauvaise parleuse, sourira-t-elle, mais la voix intacte malgré le cancer des amygdales des derniers mois. J'ai senti la salle soulevée par des vagues palpables d'émotion pour Visiteur et Voyageur : On dit aussi Que j'ai beaucoup trop brûlé ma vie Que c'est honteux que je sois ici Avec des étoiles plein les yeux... ou encore pour Ma révérence, qu'elle a chantée juste après la précédente, au cas où quelqu'un aurait encore gardé les yeux secs...

Elle a eu 70 ans aujourd'hui, et ses chansons ont bercé ma vie, me racontent mon histoire de femme.

Celle de la sortie de l'adolescence : Porter les robes de nos grands-mères Chausser de hauts talons blancs Avoir le regard qui repère Les hommes qu'elle trouve attirants

L'amour des débuts : Une nuit je m'endors avec lui - Et je sais qu'on nous l'interdit Et je sens la fièvre qui me mord Sans que j'aie l'ombre d'un remords et la fin du tout premier : Il est parti comme il était venu avec un sourire au coin de ses lèvres et moi Je rêve encore de lui toutes les nuits...

L'innocence d'un amour de fiançailles : Mais si je sais que tu m'aimes La vie que tu aimes au fond de moi Me donne tous ses emblèmes Me touche quand même du bout de ses doigts

Les albums des espoirs tous permis encore, du temps des premiers pas, découverts ou sortis pendant ces quelques dix années : De l'autre côté de mon rêve, Comme ils l'imaginent, Sans regrets, Symphonique Sanson, écoutés et ré-écoutés.

Les amours clandestines : Il cache souvent sa tendresse Par pudeur ou par paresse Il est sûr de n'avoir jamais peur de rien - et les périodes troublées : Quand j'avais le goût des étincelles Que j'étais belle et puis rebelle Si j'avais toujours mes amours d'avant Parmi mes amis, mes amours et mes amants

La fin de l'amour - celle qui ne cicatrise pas  : Quand l'amour le plus fou de la terre Se débat dans une odeur de fin Je dis qu'c'est ça la vraie misère Je dis qu'le temps est assassin Et j'veux plus rien... et le chagrin indicible : Je me suis tellement manquée Je me suis tellement fait de mal... - qui se termine par ...je me suis pardonnée - et moi, me suis-je vraiment pardonnée ?

Mais aussi les chansons qui relèvent : Peut-être que j’aurai enfin trouvé Une autre façon de pleurer Mais là je serai fière de mes larmes Je ne serai plus abandonnée - ou encore
Mais celui qui n'essaye pas
Ne se trompe qu'une seule fois
Prends ton virage
Tourne-moi la page et va-t-en !

Et les plus récentes, celles de Dignes Dingues Donc et des Duos volatils - Véronique est toujours, toujours, toujours là, et dans ma vie ses chansons ressemblent à ce blog - tout est entre les lignes, derrière les mots.

22 avril 2019

Pâques


19 avril 2019

Agnès

- Est-ce que c'est constituer un puzzle, retrouver toutes les pièces du puzzle ? 
- Ah bah de toute façon on les retrouve pas c'est ça et j'ai complètement accepté, j'en ai même fait une structure (...) Et dans l'explication et dans la représentation il manque toujours des pièces du puzzle (...). Et cette idée qu'il manque des pièces, me semble très juste. C'est comme s'il fallait accepter qu'on n'a pas toutes les pièces, qu'on n'a pas toutes les clés. Même en amour, même en vie commune, y a toujours des pièces du puzzle qui manquent. Et je trouve ça assez beau qu'on ait l'acceptation que le savoir est partiel, que la connaissance est partielle, que même l'amour ne peut pas recomposer ce que l'esprit ne peut pas rassembler. J'aime bien l'idée que c'est dans cette imperfection et dans cette connaissance relative qu'on vit. J'aime bien penser qu'il manque des choses (...).

Mais je suis mélancolique ! Ce qui n'est pas triste, ce qui n'est pas déprimé - ce n'est pas la recherche du temps passé, ce n'est pas du tout ça. Il y a une mélancolie du temps qui passe, des choses qu'on a peut-être manquées, des choses qu'on aurait pu dire, moi je suis très mélancolique des légers petits glissements, de ce qu'on n'a pas fait, ce qu'on n'a pas dit, de ce qu'on n'a pas entendu et du fait que never more, vous voyez - et évidemment la mort c'est ce qui marque le plus, c'est le plus jamais, LE never more, mais il y a tout le temps des petits never more, y a des petits moments exquis qui sont passés, c'est fini, on les aura plus, y a des rencontres, y a des moments même dans notre vie professionnelle, qui sont extraordinaires (...)

Le Grand Atelier d'Agnès Varda, décédée le 29 mars dernier...

14 avril 2019

Se mettre au vert

Quand le quotidien manque un peu d'oxygène, il est temps de faire des projets, de se fixer des horizons. Une semaine de voile avec Milie, en Mai. Une semaine avec les enfants, encore à définir, courant Août. Et une semaine en amoureux, dans une trop jolie cabane, pas au Canada mais dans le Lot, fin Août début Septembre. Lorsqu'on a découvert le gîte, ou plutôt les gîtes, on est littéralement tombés amoureux. Coup de foudre, on ne cherche plus, on y est. Région magnifique, hameau en pleine nature, hébergement enchanteur : toutes les chambres ont des thèmes différents, déclinés de façon aussi créative qu'esthétique, c'était dur de choisir ! Mais j'ai savouré le moment d'allégresse qui a suivi le coup de fil à la gérante, rien que de l'entendre on a déjà fait le plein de soleil ! 

12 avril 2019

Exception

Dans la littérature comme dans les récits de patients, les beaux-pères et belles-mères ont rarement le beau rôle. Et chez cette petite Africaine ballottée d'abord entre différents membres de sa famille au Cameroun, puis parachutée en France à 6 ans avec un beau-père blanc et une mère auprès de laquelle elle n'avait pas grandi, je ne m'attendais pas à ce que cela fasse exception. Aussi je me suis fait cueillir par sa petite phrase au sujet de cette période - la mère s'est séparée de lui lorsqu'elle avait douze ans : "C'est l'enfance que j'aurais voulu avoir plus longtemps".

Le beau-père s'est occupé d'elle, lui a donné les clés et les codes de la France, l'a emmenée au musée, au cinéma, a d'abord refusé un nouvel enfant parce que cette petite fille lui suffisait - et de fait, c'est la naissance de ce nouveau bébé auquel il n'était pas favorable qui a précipité la fin du couple. Il s'est occupé des deux filles pendant que la mère travaillait tout en suivant une formation : les nuits, les week-ends, les vacances. Et : "C'est l'enfance que j'aurais voulu avoir plus longtemps". J'ai trouvé ça beau. Ai suggéré à la jeune femme de le lui dire, à ce beau-père. Que tout ce qu'il avait donné, avait été reçu.

05 avril 2019

Un petit vélo dans la tête

A la journée parfaite d'hier, s'ajoutait le fait d'aller d'un lieu de travail à l'autre en vélo, au soleil.

En parfaite résonance avec la restitution du questionnaire de profil motivationnel que m'a proposé l'APEC - qui résonne d'ailleurs bien au-delà de la dimension professionnelle ! 

Sans surprise, dans mon classement, on trouve les métiers au service de l'autre (et de la nature, massivement : on sent que le thème me préoccupe), porteurs de sens, où l'on apprend tout au long de sa carrière. A contrario, les métiers de la technologie, du business et de l’organisationnel n'ont aucun intérêt pour moi : 0%, oups, j'ai dû répondre avec une franchise un peu brutale.

Le contact avec l'autre et avec le terrain, le plaisir du collectif, l'engagement social, l'autonomie de pensée et de décision, la curiosité intellectuelle (et donc le besoin constant de changement et d'apprentissages nouveaux), le besoin de responsabilités, l'âme par essence nomade, le goût pour la nature et pour l’artistique - oui, ça me rappelle bien quelqu'un :-).

Très en écho avec l'atelier de Florence Servan-Schreiber fait il y a quelques années - l'exercice concluait que je donnerais le meilleur de moi-même dans un poste alternant contacts avec des publics variés et travail  de réflexion en solo, diversité des tâches, possibilité d'initiative et de création, confiance de la hiérarchie et liberté d'action, milieu interculturel. 

Cohérent aussi avec une liste faite intuitivement en début de recherche d'emploi- l'envie de mêler psychologie et écologie, engagement et création. Et... cohérent avec mes rêves d'enfance : médecine humanitaire, recherche en biologie médicale, conservation du patrimoine culturel via les musées et les bibliothèques - et d'adulte : voile, chant, rencontres internationales, réseaux et solidarités. Y a plus qu'à !

04 avril 2019

Une journée parfaite

Le matin, un temps de supervision de groupe et une expérience nouvelle : ce que peut donner un temps de supervision dans un groupe composé uniquement de psy : ça fuse, ça associe librement, ça fantasme en toute conscience, ça s'enrichit mutuellement (et j'espère que cela enrichira aussi l'accueil de la collègue qui a partagé sa situation) - ça me rappelle la dynamique de groupe au Cifp, ce double regard - être traversé(e) par l'expérience, et pouvoir la penser (presque) simultanément.

Et l'après-midi, trois entretiens, trois moments très différents mais tous émouvants :

- Une adulte au parcours atypique mais passionnant, à la recherche du mouton à cinq pattes : un thérapeute à l'intelligence aiguë (probable HPI, cette jeune femme...), solidement outillé intellectuellement et éthiquement, formé à l'accueil des traumas multiples et vraisemblablement transgénérationnels, ouvert à des orientations thérapeutiques variées et possiblement incompatibles mais aussi aux expériences dites para-psy. Ce qui me trouble moi, c'est la récurrence dans mon environnement mais aussi de plus en plus dans mes consultations de ces humains incontestablement sains d'esprit qui font état d'expériences extraordinaires, expériences qui ne les désorganisent pas mais au contraire les mettent en quête, élargissent massivement leurs horizons. De là à penser que quelque chose me concerne, m'attend de ce côté, il y a de moins en moins de pas...

- Un jeune homme qui jusque-là me semblait très inquiétant (ce que je maintiens cependant) mais qui s'anime tout à coup en me parlant de son rapport au monde mathématique, non sur un mode froidement intellectuel type Asperger mais avec amour - je ne vois pas d'autre mot, les maths comme un jeu où le plaisir et la créativité s'expriment, où il se retrouve, lui qui se sent si perdu par ailleurs. Impossible à ce moment-là de le penser uniquement du côté de la dépression sévère ou de l'inhibition sociale massive, tant il est vivant, réellement en relation avec moi dans cet instant-là. Idem lorsqu'il évoque un projet de physique et chimie appliquées sur les bulles de champagne - lui qui ne boit pas une goutte d'alcool - c'est presque un moment de poésie, en tout cas c'est ce qu'il communique de ce qui lui voit dans les phénomènes physiques associés. 

- Une jeune étudiante qui raconte comment dans une résidence universitaire située dans un quartier dangereux (et après plusieurs signalements à l'administration qui n'a pas bougé), les jeunes se sont organisés entre eux  pour créer un groupe de volontaires - merci WhatsApp ? - auquel envoyer un message pour qu'un ou plusieurs anges gardiens viennent chercher les filles à la sortie du métro quand elles rentrent tard. Réjouissant - non d'avoir besoin d'être chaperonnée quand on est une fille dans la rue le soir, mais pour l'initiative solidaire...

29 mars 2019

Colloque

Ça aurait pu être un exercice triplement périlleux pour moi en ce moment, un colloque à l’institut Montsouris, en face de la Cité Universitaire, sur la question Mémoire traumatique et fonctionnements limites à l'adolescence. Mais au contraire...

J'avais oublié ce que c'était, d'être séduite par la richesse d'une pensée, la clarté d'un exposé, la "vivance" - je ne vois pas de meilleur mot - de grands professionnels de mon domaine. Ça pétille d'intelligence, d'humour, de culture - tous des grands littéraires, qui nourrissent leurs exposés de références à la littérature, à la peinture, au cinéma. L'exposé de Corcos part du Lambeau - le témoignage de Philippe Lançon sur l'attentat de Charlie Hebdo mais convoque aussi Michaux et Perec, Yoann Loisel évoque Céline, Mary Shelley, Antoine Doinel et Pantagruel...

Complètement sous le charme de leur connaissance approfondie de l'âme, de la pâte humaine et aussi de leur capacité à faire des ponts entre les disciplines et les approches (François Ansermet, que je découvrais), même si tous ceux-là sont résolument du côté de la singularité du sujet, de la nécessité d'une écoute. Je suis revenue avec une liste de références bibliographiques - aussi bien psy que littéraire - et un projet d'avenir : quand je serai grande, je veux travailler dans une équipe comme celles-ci. Vivante, stimulante, collectivement pensante. 

16 mars 2019

La Marche du Siècle

Techniquement, cette marche-là est celle des étudiants, la veille (départ du Panthéon). Mais j'aime beaucoup cette idée, défendue par Cyril Dion et Pablo Servigne, ainsi que celle qui veut que demain sera collectif et spirituel ou ne sera pas - littéralement. Et la marche du 16 m'a remplie de joie (même si je regrette, toujours avec Cyril Dion, que la Coupe du Monde de foot fasse descendre bien plus de gens dans la rue - à ce jour ?)

Convergence des luttes, des milieux, des horizons politiques (hum, jusqu'à un certain point :-)) et des générations, atmosphère joyeuse et pacifique, à mille lieues des violences du matin : oui, peut-être qu'un autre rapport à l'autre, au collectif, à la vie est possible ?

13 mars 2019

Paradigme

C'est juste une question de regard.

Oublier : la sortie du système scolaire classique, l'illusion d'un retour (trop) rapide à une certaine normalité. La perspective d'une nouvelle séparation longue, le nid vide, déjà. La question d'une prise en charge individuelle, toujours irrésolue.
Voir : qu'il y a un petit miracle dans le fait que le soins-études nous contacte certes après un an, mais juste dans le timing pertinent. Que ce soit le plus spécialisé dans les troubles anxieux, et le plus proche géographiquement de nous. Une équipe de soins au CMP qui inspire confiance et alliance.

Oublier : un emploi du temps surchargé, qui risque d'être épuisant à tenir. La fin du CDD en octobre, été inclus, qui implique que je suis d'ores et déjà à nouveau en recherche d'emploi (mais aussi que cette fois, j'aurai droit aux allocations de Pôle Emploi).
Voir : un job intéressant en clinique après seulement quatre mois de chômage, en cohérence avec mon parcours, une équipe qui a l'air sympa et saine, réellement accueillante.

Oublier : les changements de lieu deux voire trois fois par jour, et les temps de transport afférents.
Voir : découvrir de nouvelles géographies dans la ville, varier les itinéraires.

Oublier : que la recomposition d'une famille ne se décrète pas, et moins encore avec des enfants déjà grands. Et ce que la naissance de Camille me renvoie de nostalgie, d'envie et de peine profonde, non parce que je me souhaiterais cela dans la réalité, mais pour les temps révolus, la joie d'un cycle nouveau.
Voir : la chance de vivre à deux, et plus si affinités : les enfants, les amis, les amis des enfants, dans un chouette appart, d'avoir un jardin mais au pied du métro - la reconstruction progressive d'une sécurité affective et matérielle encore toute récente.

08 mars 2019

#coupdetête

...ou alors, pars aux Glénans ! 

07 mars 2019

Camille


02 mars 2019

Sérieusement

Léo vit sa vie,
Elsa part en internat soins-études à 15 ans,
David fait un bébé
et personne ne comprend
pourquoi j'ai tellement envie (besoin) d'adopter un chaton
- vraiment personne ?
Moi, ça me semble beaucoup plus raisonnable que de me noyer dans l'alcool,
de m'offrir des diamants (à crédit !)
ou de m'embarquer comme équipière sur une Transatlantique...

01 mars 2019

Über Smile

Il a dit, le chauffeur, probablement fraîchement débarqué en France : "Vous avez un très belle sourire !"
Un très belle sourire ? Ça me va, je prends :-).

28 février 2019

No comment


23 février 2019

My Beautiful Boy

De plus en plus souvent, au cinéma, et plus encore devant l'écran à la maison, je m'ennuie. La fiction n'accroche pas, ne retient pas mon attention, me semble vaine, loin de mes préoccupations, et/ou de la réalité. Du temps de vie perdu, un gavage silencieux ou une anesthésie sournoise - dormez en paix braves gens, regardez Netflix. Ces derniers temps, j'ai un peu retrouvé le goût du cinéma, avec Bohemian Rhapsody, Green Book, Pupille, Les Invisibles.

Et puis ce soir je me suis fait cueillir par My Beautiful Boy. Sortie en état de choc, en larmes quelques minutes après. Parce que, même si j'espère ne jamais avoir à accompagner qui que ce soit au fond du gouffre de la toxicomanie, chacune des émotions, des réactions du père m'est allée droit au coeur - droit dans le coeur. L'incompréhension, l'impuissance, le désespoir, la colère, le rejet, la recherche frénétique d'explications, de voies de passage, l'angoisse omniprésente, et cette folie d'amour prête à faire n'importe quoi, encore, et encore - jusqu'à la déraison ou à la mise en danger de soi, de l'entourage qui ne comprend plus, ne peut pas comprendre. L'intolérable confrontation à l'image de l'enfant merveilleux d'avant, devenu un étranger ; la culpabilité vertigineuse : à quel moment la ligne de faille s'est-elle ouverte ? Comment avons-nous pu passer à côté ?

Et la honte, le désespoir, l'agressivité coupable de l'ange déchu (incroyable Timothée Chalamet) - comment supporter autant d'amour lorsqu'on se hait à ce point ? Comment ne pas se poser la question du lien entre cet amour-trop et la dépendance aux toxiques, comme s'il était impossible de se sevrer de cette enfance ? A fortiori quand une issue se dessine à l'instant même où le père renonce, reconnaît sa limite, son impuissance - accepte le risque de la plus définitive des séparations ?

20 février 2019

Libérée, délivrée...

C'est déjà chouette, quand une patiente reprend rendez-vous des mois après simplement pour dire qu'elle va bien, et exprimer sa gratitude. Mais quand en plus elle arrive pour raconter la façon dont elle s'y est prise, avec tout le chemin parcouru mais aussi avec sa propre créativité retrouvée, pour clore elle-même le lourd dossier qui l'avait amenée à consulter - pour faire une fin, refermer la boucle, c'est cadeau. Pour ceux qui se demanderaient, à quoi ça sert, la thérapie ? Dans le meilleur des cas, exactement à cela. A gagner en liberté. A reprendre la main. A devenir son propre thérapeute, un bon parent pour soi-même, son meilleur ami. Qu'elle ait trouvé elle-même le geste de clôture dont elle avait besoin, et qu'elle ait eu le courage et l'élan de le mettre en oeuvre, ça me ravit. Le sort est levé : c'est fini. 

17 février 2019

Le docteur est pressé...

J’ai répondu: « Eh bien, il faudrait que je sois cinglée pour me plaire ici. » Puis des femmes se sont mises à crier dans leur cellule, enfin j’imagine qu’elles hurlaient parce que la vie leur était insupportable… Dans ces moments-là, je me disais qu’un psychiatre digne de ce nom aurait dû leur parler. Pour alléger leur misère et leur peine, ne serait-ce que temporairement. Je pense qu’ils (les médecins) pourraient même apprendre quelque chose… Mais ils ne sont intéressés que par ce qu’ils ont étudié dans les livres. Peut-être qu’ils pourraient en apprendre davantage en écoutant des êtres humains vivants et en souffrance. J’ai le sentiment qu’ils se soucient plus de leur discipline et qu’ils laissent tomber leurs patients après les avoir fait « plier ». (...) Enfin, les hommes cherchent à atteindre la lune mais ils n’ont pas l’air très intéressés pas le cœur qui bat de l’être humain.

Lettre de Marilyn Monroe à Greenson

05 février 2019

Attendre

Le Père Noël. Ou que le Yabon se transforme en Y'a pas mieux. 

Je suis dans ce temps suspendu, dans l'attente d'une réponse professionnelle. C'est une sensation étrange. Qui oscille entre une confiance irraisonnée - comme s'il ne pouvait pas en être autrement, parce que les planètes semblent être bien alignées, parce que ce serait cohérent avec mes expériences précédentes, parce que de bonnes fées m'ont transmis l'information en temps et en heure - et une vulnérabilité démesurée - comme si une éventuelle réponse négative, pourtant avant tout tributaire de la nature des autres candidatures - relançait ce sentiment de n'être jamais à la hauteur, exclue d'un monde qui me dépasse.

Toujours est-il que dans cette attente, je me vois incapable d'investir une suite quelle qu'elle soit. Bien sûr, je suis allée à deux autres entretiens, j'ai fait une candidature suite à une information sur un autre poste vacant, relancé deux contacts - mais je n'y suis pas vraiment, j'ai comme oublié le contexte - l'urgence financière, les annonces ineptes - je suis en suspens.

Je suis dans ce temps suspendu, dans l'attente de réponses pour Elsa. Sans surprise pourtant, nous irons vers davantage de soin ambulatoire dans un premier temps, et vers un dossier de soins-études, probable détail des modalités demain. J'oscille entre le vertige - internat, sortie de route scolaire, sociale, que se passe-t-il ensuite ? et une paix préoccupante - comme si la voir à la maison, heureuse et calme, ré-investissant espaces de jeu et de création, devenait par moment une norme dont je n'arrive pas non plus à me représenter les évolutions possibles. "J'ai comme oublié le contexte" là aussi.

Je suis dans un temps étrange - et je ne sais pas dire si ce détachement relatif, par ailleurs inconstant, est une protection contre la violence des enjeux en cours, ou un effet des petites pilules de ma "boîte à rêves". 

29 janvier 2019

Refuges

Ces lieux anonymes et chaleureux à la fois, cafés parisiens plus ou moins revisités par des décorateurs fashion mais vides à ces heures de la journée, qui servent du vrai chocolat chaud ou du thé en vrac dans des espaces aux teintes douces - des bistrots fantasmés, confortables, protecteurs. 

Ces lieux où je traîne mon coeur quand il devient trop gros, me renvoie cette douleur physique familière, presque amicale, qui m'accompagne à intervalles réguliers depuis si longtemps. 

Ces lieux où je ne suis personne, et brièvement non pas invulnérable, mais bercée, lieux qui me sont une sauvegarde ou un garde-fou, une respiration nécessaire - un moment d'absence possible, un répit, une grâce. "Je n'y suis pour personne" - sauf pour moi, habitant dans l’espace d'une seule minute toute une vie libre et rêvée, sans autre urgence que l'écriture ou l'observation des passants de la grande ville.

Ces lieux dans lesquels je me sens plus chez moi que chez moi parfois, car désencombrée de tout  y compris de moi-même - lieux sans angoisse et sans combats - mes résidences secondaires.

21 janvier 2019

Résonances

"J'aurais aimé que tu me prennes sur ta hanche, dans un demi-sommeil, comme un jeune animal suçant le lobe d'une de tes oreilles, une fille impudique, une petite ourse kodiak - je t'aurais aimé, les jambes serrées autour de ta taille, tu m'aurais emmenée partout avec toi, j'aurais vraiment été ton enfant alors non ? J'aurais été ton bien le plus cher, cette charge sur ton coeur. Regarde : j'aurais eu le dos rond, et toi, mes cheveux dans ta bouche, tu avancerais, une mèche entre les dents, comme un braconnier ou mon meilleur ami.

A côté, il avait noté : oui. C'est ça. C'est ça que je voudrais moi aussi. J'ai répondu à tout hasard dans la marge, mais je suis trop vieille pour être ton enfant maintenant - et quand je suis rentrée à la maison (...) il m'a dit : Tu es toujours mon enfant. Tu es ma toute petite. Tu es mon grand amour, Caroline."

"Mais je me rappelais aussi lui avoir dit, dans cette discussion ou dans une autre, qu'elle était solide, et comment elle avait secouée la tête, contrariée. Tu ne comprends pas. Je suis solide parce que je ne sais pas faire autrement. Ce n'est pas une bonne chose."

Julia Kerninon, Buvard

19 janvier 2019

Coup de soleil

C'était un délicieux week-end - et une coupure fort bienvenue dans cette période inquiète. Une jolie et spacieuse maison d'hôtes en Bourgogne - adresse à retenir, une organisation bien pensée, et déjà 30 bougies pour Cyril ? J'étais contente de découvrir leurs cousins, Julie et Hubert, de revoir Francis ainsi que Marie-Jo et Bernard, toujours aussi haut en couleurs (et qui mériterait un post à lui tout seul, cet ours-sculpteur unique en son genre). Beaucoup de gentillesse et de simplicité dans ce petit groupe...

Mais ce qui est le plus agréable, c'est cette fluidité, cette complicité entre nous trois (et nos amours aussi, tout ce petit monde s'entend très bien), un lien qui se tisse un peu plus à chaque rencontre et aujourd'hui va de soi. C'est touchant d'avoir vu la proximité entre Cyril et Clara adolescents et Léo et Elsa petits évoluer vers le lien entre les adultes que nous sommes maintenant. La génération du milieu a changé de rive... et ce ressenti de famille n'a fait que croître. Autrefois beaucoup grâce à l’intelligence de coeur de Gene, maintenant aussi par nous-mêmes - et j'espère que mes enfants auront la chance de bâtir une belle histoire comme celle-ci avec leur petite sœur à naître.

Ci-dessus mon petit moment coup de coeur - où nous nous sommes découvert un inattendu goût commun pour les chansons françaises eighties joyeusement beuglées en karaoké - goût qu’assurément aucun de nos parents ne nous a transmis !

J'ai attrapé un coup de soleil
Un coup d'amour, un coup d'je t'aime...

15 janvier 2019

Sisyphe

Ce serait sûrement possible - de digérer doucement la violence de la rupture de contrat à la Cité et les démarches juridiques qui l'accompagnent, l'absence d'allocations chômage, la cessation du statut de profession libérale, les interminables complications administratives qui s'en suivent, la perte de revenus vertigineuse, la pauvreté des opportunités d'emploi dans mon secteur. 

Ce serait possible - de continuer à trouver l'énergie de tisser un patient et vital réseau de professionnels, qui seul me permettra de retrouver un emploi intéressant. 

Ce serait possible - de continuer à travailler au plus près de la souffrance humaine, et d'accueillir les mouvements angoissés ou dépressifs de mes patients sans en être par trop affectée.

Ce serait possible - d'affronter les to-do lists qui se régénèrent avec constance, et de garder de l'élan, de la créativité, la confiance dans une possibilité peut-être d'inventer par moi-même mon activité de demain. 

Ce serait possible - de laisser glisser d'un si possible gracieux mouvement d'épaules le remariage et la future paternité du père de mes enfants. 

Ce serait possible - mais pas si Elsa se fragilise à nouveau. Pas si ce qui a été patiemment mis en place pour la ramener dans la vie des adolescents de son âge - une maison, un foyer, un établissement ultra-protégé, un projet d'avenir, du soin à la carte - ne suffit à nouveau plus à contenir ses angoisses - car le temps est  désormais compté pour un maintien en milieu normal. Je ne suis pas sûre d'avoir encore encore la force d'accompagner un quotidien funambulesque, de ré-entendre parler de soins-études ou d'hospitalisation. Je suis à court d'énergie vitale, de pistes, au bout de mon impuissance - heureusement, pas de mon espoir.

12 janvier 2019

Enchantée

Parce qu'il en faut - des enchanteurs, dans ce monde...

J'aime beaucoup l'idée qu'un libraire fantasque et lui-même assez ursiforme ait eu l'impulsion d'acheter cinquante nounours géants pour le seul plaisir de créer du lien dans le quartier. Une bouffée de bonheur gratuite, un antidote à la mauvaise humeur parisienne, un délire contagieux - les ours sont prêtés aux commerçants ou aux habitants qui en font la demande, mis en scène, photographiés, et ce samedi ils se sont même... mariés !

Juste comme ça, pour le plaisir de faire naître échanges et sourires - et ça marche, il y avait foule ce samedi à la Mairie du XIIIème. Les gens se parlent, sourient, câlinent, s'émerveillent, certains (et pas uniquement les plus jeunes) avaient emmené leurs propres doudous, tout le monde retombe en enfance et les barrières sociales s'effondrent en douceur, amorties par ces Teddy Bears géants. Et moi, je suis venue y respirer un peu de tendresse et de poésie, de quoi nourrir ma conviction que les humains ne sont pas si désespérants, pour peu qu'on leur parle au coeur.

03 janvier 2019

Palais de Tokyo Fan

Décidément j’adore aller traîner là-bas. J'avais aimé Enfance, j'ai adoré On air - avec les tissages de l'araignée pour fil (!) conducteur mais qui décline aussi sous toutes ses formes le thème de l'air, des ondes - sons, chaleur, distance et temps, pollution, respiration, vol, et aussi des interconnections, du réseau, de l'écosystème.

La toile de l'araignée évoque tout cela, et bien d'autres choses : architectures fantastiques, nébuleuses, végétaux improbables, réseaux synaptiques ou informatiques - et appelle à l'imagination, comme dans ce court texte attrapé au passage (que je traduis à ma façon car l'ambiguïté des mots le rend encore plus intéressant) :

Il n'y a pas de règles à ce jeu, seulement des provocations : faire de nouveaux liens entre ce que vous percevez et les cadres de référence qui conditionnent votre compréhension. Des observations joueuses peuvent remettre en question les histoires que nous (nous) racontons. Faites vos propres enchevêtrements.

J'aime aussi la façon dont le Palais sollicite la part d'enfance - on est bien loin des académiques autant qu'ennuyeuses expositions du Centre Pompidou. S'émerveiller devant les toiles d'araignée naturelles, faire résonner les fils du très graphique réseau sonore final, souffler sur les ballons d'hélium translucide pour dessiner des chemins imaginaires - autant de petits bonheurs éphémères et poétiques que je n'ai trouvés nulle part ailleurs.

02 janvier 2019

Mission impossible ;-)

"Ce qui est fatigant avec les familles recomposées, c'est qu'il faut être intelligent TOUT LE TEMPS."
Marion

Voilà. C'est exactement ça. C'est riche, et confrontant, et passionnant, toutes ces nouvelles familles avec leurs multiples beaux-parents, grands-parents, demis et quarts de sœurs ou de frères, mais c'est un sacré challenge de ménager toutes les susceptibilités, de créer et d'entretenir les liens, de ne pas réagir trop au quart de tour, de différer, de tempérer, et de réunir les uns et les autres, a fortiori dans ces périodes de fête.

Oui, c'est fatigant d'être intelligent tout le temps. Et peut-être ça fait du bien se se rappeler que ce n'est pas tout à fait possible, en tout cas bien difficile, et que ce n'est pas grave, qu'on en est tous un peu là, à tâtonner, et à faire de notre mieux, ce qui est déjà beaucoup.

30 décembre 2018

Petits pas

Et si on mettait nos efforts en commun ? Nous avons tous, ou presque, modifié nos comportements. Lister ceux que nous avons (plus ou moins :-)) adoptés à la maison, c'est motivant : je réalise qu'il y a déjà pas mal de petits pas sur le bon chemin ! Les partager, c'est encore mieux : co-motivation et inspiration réciproque. A vous de jouer ?

Déchets :
- Trier les déchets : le mieux possible, avec encore parfois des hésitations : poubelle jaune ou poubelle verte ?
- Rapporter les ampoules / piles / matériaux électroniques dans les conteneurs dédiés dans les grandes surfaces
- Avoir un composteur dans le jardin : fait, mais pas optimal. Le remplacer par un plus petit mais mieux utilisé ?
- Ne pas acheter de bouteilles d'eau en plastique : jamais de grandes, de moins en moins de petites
- Faire la chasse aux sacs plastiques, toujours garder un sac pliable dans le sac à main : presque (par)fait ;-)
- Remplacer le gel douche par du savon : fait
Alimentation :
- Acheter plutôt du bio, plutôt du local, plutôt au marché : de plus en plus
- Limiter la viande : bizarrement, fait sans grands efforts, au contraire
Energie/eau :
- Remplacer EDF/ENGIE par des fournisseurs d'énergies renouvelables : celui-là compte comme grand pas !
- Limiter les bains au maximum, prendre des douches brèves : fait
- Fermer les robinets, éteindre les lumières inutiles
Transports :
- Ne pas avoir de voiture, en louer une à des particuliers quand c'est vraiment nécessaire : fait, mais trop facile à Paris !
- Et donc, se déplacer à pied, en vélo ou en transports en commun
Consommation :
- Acheter moins/mieux : j'ai découvert récemment la méthode BISOU. (Restent le syndrome de l'achat-doudou-palliatif-compulsif, et le piège soldes/promo)
- Ne plus commander sur Amazon. Bon, je ferai une exception pour ma toute nouvelle liseuse (mais au moins n'entraîne-t-elle ni transports routiers ou aériens, ni emballages, ni manutention dans des conditions exécrables)
- Ne changer de téléphone que lorsque le précédent est vraiment hors d'usage. Envisager un Fairphone pour le prochain.
- Ne pas jeter mais recycler/donner : GEEV est mon ami !
Contradictions et péchés mignons : Nutella (même si la Nocciolata gagne du terrain), foie gras (exceptionnellement) et Über (Pool si possible, on a la bonne conscience qu'on peut ;-))
Information/engagement :
- Lire, soutenir, financer : cette année, Basta ! et Greenpeace

- En complément, Be more with less, site "pédagogique" et inspirant sur l'art de désencombrer ses placards, son emploi du temps et son esprit.

24 décembre 2018

Et paix sur la Terre...

Moi j'y croyais à ce Noël - et je crois que j'ai eu raison. D'avoir confiance dans une intelligence et une bonne volonté réciproques, dans une ouverture possible ; d'avoir pensé qu'une configuration inédite donnerait à tous une bouffée d'air frais, la possibilité de se situer autrement que dans les petites habitudes, les biais de communication récurrents. Ce n'était pas gagné - familles, éducations et générations différentes, valises récentes ou anciennes plus ou moins pesantes chez tous. Je comptais sur l'effet trêve, l'envie d'un moment de réconfort, les interactions nouvelles (...ce débat historique et plus ou moins miraculeux sur les gilets jaunes auquel tous, enfants et adultes, ont participé ?)

C'était beau, bon, et chaleureux. Avec des petites attentions de tous pour tous. Avec une messe de Noël, une cheminée et un chien (et même le Chat Chou, transplanté pour l'occasion). Avec un peu de désordre, un brin de fantaisie, pas trop de tensions et beaucoup de tendresse. Je ne suis pas allée jusqu'à mettre en oeuvre mon envie de chorale de Noël façon Mélodie du bonheur et famille von Trapp, mais je ne suis pas peu fière d'avoir réussi à importer mes oreilles de renne et mes bonnets de lutin.

The fireplace is burning bright 
Shining all on me 
I see the presents underneath 
The good ol' Christmas tree 
And I wait all night til Santa comes 
To wake me from my dreams 
Oh, why? 'cause that Christmas to me (...)
The only gift I'll ever need 
Is the joy of family 
Oh why? Cause that's Christmas to me 

22 décembre 2018

Secret Santa, acte IV ;-)


20 décembre 2018

"Tant de tendresse..."


Juste pour ne pas oublier, deux coups de coeur. Un film, Palme d'or cette année, une famille improbable, bancale et chaleureuse, et une déconstruction des apparences qui laisse à penser, à rêver - que retenir : le regard froidement objectif de la société, qui juge et condamne sans ambiguïté, ou la tendresse foutraque mais palpable, la chaleur humaine et la débrouille contre la dureté de vies dans lesquelles le combat est de toute façon perdu d'avance ? Le cinéaste ne juge pas, n'embellit pas, et il n'y aura pas de happy end - et pourtant le choix du récit oriente le regard avec beaucoup de douceur, de subtilité dans les détails, dans les gestes et les regards - lui a choisi son camp et c'est celui du lien, de l'attention à l'autre, de la grandeur des plus petits.

Et un spectacle - le Peau d’Âne de Demy transformé en comédie musicale au théâtre Marigny, parfaitement féerique.  Alors évidemment, il faut accepter de se laisser enchanter, mais tout est fait pour, décors somptueux, costumes extraordinaires (la robe couleur de lune), clins d'oeil au film, théâtre-écrin, et plaisir madeleine de retrouver les mélodies de Michel Legrand : "Mais qu'allons-nous faire de tout cet amour ?", etc, etc.  Un spectacle pour les enfants, ou pour l'enfant-dans-l'adulte - Elsa l'a dédaigné, elle est juste dans la mauvaise tranche d'âge, mais moi je m'y suis plongée comme dans une flûte de champagne, une soirée-bulle de rêve, un luxe délicat.

16 décembre 2018

Mes Zazas

Je suis tellement contente qu'Elsa puisse faire son stage de troisième dans l'agence de Clara. Parce que c'est en cohérence avec son projet de toujours, parce que c'est précieux de pouvoir partager avec quelqu'un qui a fait ces études et en vit, et qui aime ce qu'elle fait, parce que je suis très touchée par le lien tout spécial qu'elle a avec Clara et Thibaud, et que je sais qu'ils prendront vraiment soin d'elle. Parce que ça va lui faire le plus grand bien de changer d'environnement, d'adultes autour, d'expérimenter autre chose quelques jours. Parce que c'est chouette de faire vivre le lien familial autour de cet accueil. Et parce que c'était un cadeau bonus pour moi que d'en profiter pour m'offrir aussi un mini-weekend à Strasbourg, (illuminations, odeurs de vin chaud et marché de Noël), de dîner dans le restau sympa où travaille Thibaud, et d'avoir en plus la jolie surprise de découvrir la campagne sous la neige le dimanche matin. 

10 décembre 2018

Edwige

Ça faisait un moment que je voulais rapporter cet échange - le garder précieusement dans la Care Box. Lorsque j'ai recruté la prof d'espagnol d'Elsa, je lui ai expliqué par téléphone la spécificité de sa situation, la déscolarisation, le fait qu'elle soit grande débutante là où les élèves de sa classe ont déjà deux ans de cours derrière eux. Bref, lui disais-je, je n'ai pas de grandes ambitions, juste qu'elle puisse acquérir des bases qui lui permettront de ne pas trop galérer au lycée ensuite.

Ah mais si, m'avait-t-elle reprise, vous AVEZ de grandes ambitions : celle de redonner à cette jeune fille le goût de la vie et le plaisir d'apprendre...

Inutile de dire que je savais déjà que nous allions nous entendre.

Flow

Léo raconte le concert de Bigflo et Oli auquel il est allé avec sa sœur hier.

- Elsa m'a dit un truc trop mignon : "Des fois pendant le concert je fermais les yeux, et je les rouvrais, et ILS ETAIENT LA !".

J'adore. Qu'elle l'ait fait. Qu'elle le raconte. Que Léo y soit sensible, et le partage. 

08 décembre 2018

Victor

Avec qui aller voir la dernière exposition de Sophie Calle, discuter de celle de Dorothea Lange (vue avec Amy) ? Avec Victor. Avec qui lancer un débat de politique comparée France - USA, commenter les gilets jaunes, déplorer le néo-libéralisme mondial qui nous emmène tous dans le mur, s'inquiéter de la montée des fascismes et de leurs petits cousins en Europe ? Avec Victor. Et aussi, parler émotions,  bisexualité, addictions, intuitions, spiritualité, cuisine végétarienne, choix de vie radicaux, décroissance - dans quelques jours il part s'installer à Bali pour une période indéterminée ; avec lui il a toute sa maison - deux sacs, ce qui lui reste nécessaire après plusieurs déménagements. Ronan s'étonne, moi je suis vaguement envieuse - vivre avec peu mais dans un coin du monde où le rapport à la nature, au corps, à la prière font partie du quotidien, de l'ordinaire, quitter un poste de professeur au service de petits blancs gâtés pour aller écrire et vivre une liberté conquise de longue lutte - j'aime l'idée, qui ouvre à d'autres possibles.

28 novembre 2018

Citations à emporter

"Je ne suis même pas optimiste ; mais je suis une pessimiste énergique, qui nage à travers la mélancolie."
Julia Kristeva

"Renaître n'a jamais été au-dessus de mes forces."
Colette

" - C'est dur d'avoir envie de protéger quelqu'un et d'en être incapable, fit observer Ange. - On ne peut pas protéger les gens, petit, répondit Wally. Tout ce qu'on peut faire, c'est les aimer."
John Irving

26 novembre 2018

Vers la douceur

Ça a commencé comme une semaine de novembre - pluvieuse et glaciale dehors et dedans. Avocat, contacts professionnels sans suite, CMP, médiation, collège pour les absences répétées d'Elsa, médecins pour toutes les deux... Ça s'est radouci un peu avec le passage de Pierre et Sabine, notre famille d'échange au Cambodge, venus nous présenter le petit Antoine.

Ça s'est réchauffé samedi avec une soirée douce en amoureux : restaurant exquis - ça faisait longtemps que je n'avais pas goûté une cuisine si raffinée, concert charmant - je crois que peut-être le concert idéal c'est cela pour moi maintenant : une petite salle (petite, mais mythique), où la musique touche directement au coeur parce que les artistes sont là, à quelques mètres - surtout quand ils ont le charisme de Molly Johnson - petite dame, grande classe, voix incroyable. Deux surprises, deux très bonnes idées, touchée, touchée ! Mais pas coulée ;-)

Et ça s'est déposé en douceur avec un goûter-apéro-nawak (formule brevetée anti-blues du dimanche soir) chaleureux et simple - des bonnes choses à partager, des vrais amis, des gamins petits et grands (j'adore, que dans nos fêtes nos enfants soient là), des jolies attentions, un gâteau de princesse et 9 mois de surprises, géniale trouvaille de cadeau collectif.

18 novembre 2018

Berceuses

Quand la vie me secoue, j'aime me réfugier dans les lieux de création, dans le spectacle vivant, là où une poignée de fous vient se risquer sur scène pour élargir notre horizon, nous faire respirer plus grand, nous rendre un tout petit plus beaux dedans (mais de quelle folie faut-il être atteint pour décider cela - je vais vivre de cela - je serai saltimbanque - ou marin ?)

Mercredi dernier j'étais au Rond-Point pour suivre Gamblin sur les mers du monde avec Thomas Coville ; dès la librairie, le bar du théâtre, j'avais déjà l'impression d'être arrivée dans mon refuge - dans ma maison d'être, celle des mots qui se lisent, se disent, se partagent - un endroit que les soucis du quotidien, les inquiétudes plus ou moins triviales n'effleurent même pas, une bulle momentanément préservée.


Ce fut une heure et quart de bonheur - une correspondance quasi amoureuse, la mer et le dépassement de soi, la danse, la voile, un lien hors normes, une histoire de rencontre où la pudeur, l'humour, la poésie naviguent de concert - un texte et des voix qui portent, une leçon d'amitié et d'écriture.

Samedi nous avons retrouvé Gauthier Fourcade - clown philosophe et maladroit, enchanteur à ses heures, qui nous a emmenés dans les vertiges de l'impossibilité de faire des choix... Une démonstration surréaliste, contre les déterminismes mais en faveur de la magie ordinaire.

Et dimanche, embarquement pour le projet de bateau-atelier de Titouan Lamazou quai Branly - première escale en peinture, mais un bateau réel prendra la mer en 2020, embarquant artistes et scientifiques pour aller à la rencontre de ce monde si beau et si fragile.

Trois rêveurs, qui ont bercé une semaine autrement trop dure, trois échappées belles, trois moments de gratitude.

12 novembre 2018

Vous avez dit "matériel" ?

Ce matin une patiente déclinait la façon dont trois générations (au moins...) de ruptures et de deuils traumatiques, parfois violents, avaient façonné son rapport aux objets, seuls témoins des disparus, fils d'Ariane et moyens de survie - dans des existences parfois infiniment précarisées, des générations où les objets duraient, étaient réparés, aussi.

J'ai pensé à cette tradition japonaise, où les céramiques précieuses sont réparées avec une coulée d'or qui laisse apparaître la faille - faille considérée comme ce qui rend l'objet unique et ajoute à sa valeur...

Mais ce n'était pas son propos. Non, son propos c'était l'objet comme témoin que ce qui a été vécu n'a pas été rêvé. Comme incarnation de l'absent mais au sens littéral - interdiction alors de donner, de jeter, de séparer des objets qui vont par paires ou par groupes, les objets sont porteurs non seulement de l'histoire mais de l'être lui-même - le sifflet de marine du père, les sabots de jardin du grand-père, la passoire émaillée de la grand-mère, la tasse ébréchée qui évoque encore le café fumant, la toile cirée, les menus propos du quotidien - des souvenirs mais matérialisés.

Ce qui m'est venu alors ce sont les "paroles gelées" chez Rabelais, sans que je connaisse très bien l'épisode - l'idée de quelque chose que l'on fige pour pouvoir le transmettre, mais qui doit ensuite être ramené à la vie... c'est étonnant comme cette patiente me convoque dans mes propres associations, et souvent par le biais de la littérature - une langue que nous avons en commun.

Se séparer de ces objets, c'est perdre l'autre à nouveau, c'est trahir aussi, sortir d'une loyauté à la douleur transmise au berceau. Tout garder, ne rien perdre, c'est aussi garder le drame, la culpabilité, l'impossibilité de créer du nouveau - en tout cas pour elle, qui est l'aînée. La cadette elle a choisi de ne rien garder, de s'entourer d'oeuvres choisies et non d'objets hérités, et a filé de l'autre côté de l'Atlantique - peut-être parce qu'elle a eu la chance qu'il y ait eu déjà une porteuse désignée, une gardienne de la flamme.

Et pourtant dans l'histoire les objets disparaissent aussi - spoliations, cambriolages, renoncements liés à la vente de maisons - tout comme les êtres, pères disparus, morts accidentelles, maladies mortelles. 

Une séance qui s'est achevée doucement sur la seule question qui vaille : quel est le poids de ce qui est gardé, de ces chambres / armoires / tiroirs à bazar, où rien n'est trié, jeté, rangé - "il n'y a pas d'affaires classées" ?

Et la vie étouffe là-dessous, cette femme qui n'a pas soixante ans se vit comme déjà dans la mort - parce qu'elle n'est jamais complètement sortie je pense de ce passé infini, de cette loyauté mortifère - alors qu'elle est vivante, sensible, précise - les livres l'ont sauvée, les mots la protègent, elle pourrait écrire, elle enseigne, elle s'est mise à la céramique - crée de ses mains des objets - à cet endroit-là enfin du nouveau, une transmission vivante. 

Elle qui a lutté toute sa vie contre la disparition, l'absence, la perte - doit apprendre cette fois à se séparer mais pour vivre...

11 novembre 2018

Démons et merveilles

"Prendre le risque de l'enfance, c'est ne jamais oublier qu'on a été enfant (...). Y revenir, c'est entrer dans le monde de la déception, mais aussi là, et seulement là, de l'émerveillement. L'enfance présente en nous à l'âge adulte n'a rien à avoir avec l'enfance au passé (...), toujours réinventée selon les besoins de notre accommodation au monde dit adulte. L'enfance vivante en nous, c'est une autre chose. Une expérience de pure intensité, une sorte de drogue rare qu'une fois goûtée on a du mal à oublier. Une charge d'esprit qui procure une légèreté comparable à l'ivresse et une créativité intacte (...). Avoir espéré de toutes ses forces que quelque chose arrive, c'est avoir été enfant. Un enfant merveilleux,inconscient, fantasque, irrésolu. Un enfant arc-bouté à un rêve partagé avec ses animaux en peluche et le coin de fenêtre là."

Anne Dufourmantelle, Eloge du risque

J'ai cité plusieurs fois ce texte ces derniers jours, à des amis, à des patients. Et en le relisant je me suis rendue compte que ce que j'en avais retenu n'est pas ce qu'elle avait écrit - elle parle en fait - je crois, de la chute hors de la toute-puissance infantile, hors de l'illusion d'un monde parfait, du voile qui se déchire et des possibles qui se découvrent alors. De l'accès à la fragilité - faillibles, mortels, vulnérables - et libres.

C'est très joli, et très juste. Mais j'aimais aussi beaucoup ma première lecture, qui se résumait à ceci : l'enfance comme âge de toutes les blessures, ce à quoi les chemins thérapeutiques nous ramènent tous quels qu'ils soient, mais aussi d'une puissante, indestructible capacité d'émerveillement, source inépuisable même à l'âge adulte de notre capacité à nous relever, à nous mettre en mouvement, à croire aux miracles.

Avoir espéré de toutes ses forces que quelque chose arrive, c'est avoir été enfant.

05 novembre 2018

Best timing !

Parce que la maisonnée avait bien besoin d'un bol d'air fais et optimiste, la vie a bien fait les choses, et nous avons retrouvé mon amie Amy - sur les routes d'Europe pour six mois avec le projet d'écrire ensuite un récit de voyage - un genre de Eat, pray, love à la Amy (free) style.

Un concert inattendu - David Byrne, ex Talking Heads, avec une lumineuse Agnes Obel en première partie, une bouleversante expo photo - Dorothea Lange au Jeu de Paume, et cette question : ce monde qu'elle décrit avec tant d'humanité et d'empathie - migrations forcées, grandes crises économiques et agricoles, est-ce celui des années 30 ou bien celui qui nous attend dès demain ?

Plus encore que ces partages, ce sont les échanges avec Amy qui sont un régal - franc-parler, humour, liberté de ton totale : tous les sujets sont bienvenus, et passionnants, du plus intime au plus politique. Trois jours joyeux et vivants avec une femme inspirante et libre - viscéralement convaincue que la vie est faite pour être (bien) vécue, et qui communique généreusement confiance dans la vie, vitalité et chaleur humaine - un vrai bonheur pour nous quatre.

Bonheur supplémentaire, retrouver ce qui était à l'origine de mon inscription sur CS : voyager depuis mon salon dans le monde entier à travers de belles rencontres - c'est encore meilleur lorsque comme ici, ce sont des rencontres qui se tissent dans le temps, générant de vraies amitiés, comme avec Victor, Philip ou Halo.

01 novembre 2018

Cinq sens

Le feu qui crépite
Les vaguelettes de la marée montante
Les cris des goélands

Et aussi
L'odeur de cheminée dans l'air froid
Celle des galettes bretonnes
Et celle du goémon

Et encore
La chaleur du soleil sur la peau
Le moelleux de la couette dans la chambre jaune
La douceur des galets polis par la mer
Les oreilles soyeuses de Laguiole

Et puis
Les tartines crevettes et beurre salé
Le cidre qui pétille
Un peu de sel qui reste sur la peau

Et enfin
Les teintes sourdes des hortensias fanés
Les couleurs du couchant
Cette lumière d'été en novembre...


28 octobre 2018

Chagrin d'amour

C'était ma Cité bien-aimée. Sans aucun doute l'expérience professionnelle que j'ai le plus investie - à ce jour - le lieu et surtout le projet pour lequel j'aurai été le plus fière de travailler. Une utopie - faire se rencontrer les élites de demain, toutes nations et disciplines confondues. J'y aurai donné du temps, de l'énergie, de la créativité, de la disponibilité - sans compter et sans regrets.

Et fait de belles rencontres, à commencer par celle d'une grande dame qui a su me faire confiance et me donner la possibilité de grandir en même temps que les nombreux projets que j'ai initiés là-bas.

Aujourd'hui c'est une histoire si tristement banale - l'arrivée d'une nouvelle hiérarchie qui veut imprimer sa marque sans prendre le temps de saisir les enjeux, l'illusion de pouvoir faire plus avec moins, la fragmentation des tâches et la négation des liens. Couper les têtes qui dépassent, surtout si elles pensent trop bien, pour manager par la peur et dissimuler sa propre incompétence. Piètre calcul, vision court-termiste, drame ordinaire.

Aujourd'hui j'ai tous les symptômes d'un vrai chagrin d'amour, consécutif à une rupture aussi brutale que traumatique. Insomnies, ruminations obsédantes, accès de rage ou de chagrin, incompréhension, incrédulité. Anxiété aussi - moitié de mon temps, trois quarts de mes revenus, pas de chômage. La perte d'un repère qui pour moi était bien plus que professionnel, depuis six belles années, et l'incertitude sur l'avenir - comment repenser celui-ci ? Trouver l'énergie d'y penser déjà, parce que les conséquences sont immédiates, quand je suis encore en état de choc ?

Avant de dire le premier mot, penser les possibilités d'avoir le dernier.

17 octobre 2018

Sagesse marine

Quand on est en mer, on raisonne pas pareil. C'est-à-dire qu'on est obligé de prendre ce que la nature vous propose. La force des vagues, la direction du vent, tout ça vous n'êtes pas maître du truc. Donc vous prenez ce que la nature vous donne, et avec ça, vous essayez de fabriquer un truc qui vous amène là vous voulez.

Isabelle Autissier dans le Grand Atelier

Peut-être c'est ça, il faudrait avoir la même sagesse à terre qu'en mer. Parce que de fait, nous ne maîtrisons pas grand-chose - ni notre naissance, ni notre mort, ni notre corps, ni ce monde gouverné par des impératifs de plus en plus insensés, ni la volonté d'autrui, ni les éléments. "Donc vous prenez ce que la vie vous donne, et avec ça, vous essayez de fabriquer un truc qui vous amène là où vous voulez." - ça fonctionne très bien aussi, non ?

14 octobre 2018

Dernière saison

Partir.
Préparer son départ.
Partager son départ.
Ne pas partir, rester avec vous, partager ce moment où nous ne sommes pas partis, avec vous.
Dire au revoir.
Une dernière tournée, une dernière saison (...)
Par essence, l’éternité qui nous est donnée est celle de la lecture, la vision, le partage d’un poème.
Quelle qu’en soit sa forme, il peut être un vol de freux sur un champ de blé.
Le regard d’un renard sur le chemin de la promenade, une goutte d’eau dans une feuille de rhubarbe, pour reprendre des images fondatrices de notre histoire.
Et puis les poèmes des humains, les livres, les bibliothèques. L’art et la vie.
La vie vivante, consciente de vivre, présente.
Etre présent.
Nous serons présents.
Vous aussi (...)

Pour le Cirque Plume
Bernard Kudlak

08 octobre 2018

Vivant et espérant

"Vous ne pourrez jamais vous débarrasser de l'amour. Nous venons de là, du lien, nous naissons encordés comme les alpinistes, attachés à un ventre, d'une femme, des tripes, d'une voix, nous venons du deux (...). Et même si votre mère vous avait rejetés, abandonnés, ce que j’appelle ici amour, est la possibilité d'un souffle qui a fait de vous un être vivant plutôt que mourant, vivant et espérant."

Anne Dufourmantelle citée par Nancy Huston dans Remèdes à la mélancolie, et celle-ci ajoute :  

...c'est très fort pour quelqu'un comme moi qui a effectivement été abandonné par sa mère (...) néanmoins elle a raison - elle a laissé quelqu'un de vivant et d'espérant (...) et j'ai toujours su, malgré mes tentations nihilistes plus tard, j'ai toujours su quelque part que cette chose-là était vraie, et importante, que nous sommes parce que vous êtes. 

Ce que j'ai transmis cette semaine à une de mes patientes en lui proposant d'écouter l'émission dans son entier, pour ce cadeau (mère mélancolique, dépression post-partum etc.) : "Un souffle qui a fait de vous quelqu'un de vivant plutôt que mourant, vivant et espérant." C'est magnifique non ? Et c'est une telle possibilité de sortir de la plainte pour aller vers la vie...

01 octobre 2018

Journal

(...) Tout ce qui reste de ma vie ce sont les notes. J'écris un journal intime pour lutter contre l'oubli, offrir un supplétif à la mémoire. Si l'on ne tient pas le greffe de ses faits et gestes, à quoi bon vivre : les heures coulent, chaque jour s'efface et le néant triomphe. Le journal intime, opération commando menée contre l'absurde.

J'archive les heures qui passent. Tenir un journal féconde l'existence. Le rendez-vous quotidien devant la page blanche du journal contraint à prêter meilleure attention aux événements de la journée - à mieux écouter, à penser plus fort, à regarder plus intensément. Il serait désobligeant de n'avoir rien à écrire sur sa page de calepin. Il en va de la rédaction quotidienne comme d'un dîner avec sa fiancée. Pour savoir quoi lui confier, le soir, le mieux est d'y réfléchir pendant la journée.

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie