Ou, "Je voudrais prendre la pilule, mais..."
Elle est revenue, ma jeune fille en voie de quitter l'enfance, questionner l'idée d'une contraception, en passant par les méandres de l'histoire familiale et notamment par celle de sa propre mère - un autre continent, une autre vie, l'absence de choix, les ondes d'un choc d'un mariage non désiré (et polygame) et d'un accès bien trop précoce à la sexualité et à la maternité.
Elle est revenue, étonnée de s'entendre aborder ces sujets jamais discutés, un peu embarrassée même en fin d'entretien d'être allée si loin non pas forcément dans la confidence mais sur le chemin surprenant qui l'a menée de, j'envisage de prendre la pilule, à, je ne me sens pas si prête à me donner cette autorisation implicite à une vie sexuelle d'adulte, à franchir le pas qui me distancera définitivement de ce qui m'a été transmis, et qui n'a pas disparu avec la première relation sexuelle - et rien ne presse.
Elle est revenue, affirmer sa différence, la voie qu'elle se fraie en se démarquant à la fois d'une part des valeurs familiales et des conduites des camarades de son âge. Elle est revenue trouver un espace où déposer que ce qu'elle franchit est une étape dont elle perçoit l'importance, mais dans laquelle elle entend bien être maîtresse de ses propres choix.
Quand on travaille dans ce qu'il est convenu d'appeler prévention, que cherche-t-on à prévenir ? A cette jeune fille je n'ai pas donné de rendez-vous avec le médecin, mais la possibilité de reprendre contact quand le moment en serait venu pour elle. Et intérieurement, je l'ai remerciée pour toutes les jeunes filles auxquelles nous ne prescriront pas d'office une pilule qu'elles ne prendront pas, parce que nous n'aurons pas respecté ce temps d'une élaboration autour des enjeux réellement en cours pour elles.