05 janvier 2006

Quand la parole est acte

Cet après-midi, une jeune fille de 14 ans me raconte son père en prison depuis sa naissance, une mère qui l'a découragée voilà quelques années de lui rendre visite, un beau-père capable de lui asséner qu'elle n'aurait pas dû naître.
En classe ? Ca va bien... Parce qu'un professeur qui la connaît depuis la sixième s'est engagé auprès d'elle, en acte, en l'aidant à préparer un dossier pour la filière qu'elle souhaite, en parole, en lui transmettant sa confiance en une réussite possible, et la mission d'honorer cette confiance. Dans quelles terres est tombée cette graine, pour qu'elle ait pu germer, je l'ignore ; mais je sais que ce professeur a fait acte de prévention, d'éducation, de construction - sans bagage théorique, mais sans doute avec l'intelligence du coeur.
Je suis toujours émue par ces rencontres possibles, ces mots décisifs parfois sans que celui ou celle qui les a prononcés le sache. Que parfois, cela suffise, fonde un mythe sur lequel une vie malmenée peut commencer à se bâtir. Ce qui me vient, c'est le souvenir de l'abbé qui disculpe Jean Valjean au début des Misérables...
Deux idées autour desquelles je tourne depuis longtemps, le pouvoir créateur de la parole, et ce que devient, ce qui ne revient.