12 janvier 2006

Intérieur, nuit

Je n’ai pas su recevoir aujourd’hui, pas su sortir de cette impression de donner, donner, donner encore, et d’être vide à la fin de la journée, à la dérive, au bord des larmes. Donner, au groupe co-animé, à mes patients, à mes collègues ; à mes enfants, à l’homme qui est à mes côtés. Je sais – intellectuellement – que chacun d’entre eux m’a apporté quelque chose ce jour.

Je peux même retrouver quoi – les échanges pleins de vitalité du groupe de préparation à la naissance, cette femme qui revient après avoir rencontré plusieurs professionnels, parce qu’elle a apprécié ma qualité d’écoute, la connivence croissante avec la sage-femme avec laquelle je travaille, les places d’opéra obtenues à la motié de leur prix, avec Elsa le bain, le repas préparé par David, fier de ce qu'il a accompli dans la journée, Léo qui redemande un chapitre de l’Odyssée et l’obtient, parce que je suis si contente qu’il entre dans cette culture-là.

Une vie pleine – l’absence à l’intérieur. Pas toute absente. Pas toute entière. Pas tout le temps.

Hier, quelqu’un parlait de Pietragalla, en disant, je n’arrive pas à comprendre que cette femme, qui a su créer des chorégraphies si bouleversantes, puisse véhiculer une telle tristesse. Et je pensais à part moi, c’est justement parce que son chagrin est si grand, qu’elle tire d’elle-même cette énergie et cette beauté-là.