"Rencontrer tous les jours des êtres démunis, dérangeants, hors langage, étranges, qu'une machinerie sociale de plus en plus impitoyable rejette le plus souvent dans l'exclusion ou aux marges du champ social, conduit les éducateurs à des pratiques d'écriture d'urgence. Il faut écrire pour survivre, pour ne pas perdre la tête, pour sauver sa peau, pour conserver un minimum de sens et de cohérence dans les actes éducatifs. Ecrire pour faire face au morcellement, pour tisser sans cesse du lien social. Mais aussi écrire pour n'être pas seul. (...)
L'écriture comme révélateur de ce qui se joue et se noue dans la relation éducative, donne à lire à livre ouvert ce chemin partagé avec un plus faible, un plus démuni, ou prétendu tel, et que l'on accompagne, cheminant ensemble. (...)
Comme le confiait Maria Montessori à un groupe de jeunes instituteurs qui lui demandaient quels ouvrages lire pour comprendre les enfants :"Apprenez à lire les enfants." Ce qui implique que ceux-ci soient "écrits". (...)
C'est le lieu d'une prise de distance et d'un détachement absolument nécessaire pour mener à bien les tâches éducatives, dont le noyau dur est constitué par la rencontre avec des êtres en souffrances et qui met à mal l'éducateur dans ses représentations et ses affects."
Joseph Rouzel, Le transfert dans la relation éducative