20 janvier 2006

Grandir

Elle a dix-sept ans, sa peau est noire comme la nuit, le voile qui encadre son visage aussi. Elle est seule dans la salle d’attente depuis un moment, elle est arrivée quelques minutes avant la fermeture. Elle attend le résultat du test de grossesse qui vient sanctionner un mois de retard de règles. Plus tard, j’apprendrai qu’elle est venue jusqu’à la porte du Centre ce matin, mais qu’elle a rebroussé chemin, trop inquiète à l’idée de l’annonce d’une grossesse.

Quand je la reçois pour la rassurer – test négatif – je la vois se détendre et sourire – un sourire de très jeune fille un peu embué cependant, le regard est ailleurs – que se passe-t-il derrière ce ravissant visage ?

Je souligne, qu’elle peut être à la fois infiniment soulagée, et dans le même mouvement un peu déçue peut-être – que ce mois d’attente et d’inquiétude a peut-être été aussi le temps dont elle avait besoin pour rêver à un bébé possible, ou encore le temps nécessaire pour grandir un peu, découvrir les implications d’une sexualité encore toute nouvelle pour elle – que les humains sont ainsi, pas toujours logiques, surtout quand il s’agit d’histoires d’amour.

Son visage s’éclaire, elle se lance, s’autorise à dire, à quel point elle a eu peur, l’excès d’émotions engendré par la découverte simultanée de cette identité de femme en devenir – « Ca fait peur, de grandir ! » - et le risque pris d’une éventuelle maternité, les questions qui ont tournoyé dans son esprit depuis un mois. Je dis, oui, nous vivons dans un monde qui fait comme si tout cela allait de soi, et bien sûr qu’on a peur, quand il s’agit de traverser pour la première fois toutes ces questions auxquelles même adultes, nous n’aurons jamais fini de répondre.

Et, parce que l’heure de la fermeture est largement dépassée, je lui propose de revenir peut-être dans quelques jours poser toutes ces questions si naturelles, mais pour lesquelles il n’est pas tant de lieux d’accueil – et elle acquiesce, s’en va d’un pas léger.